De toute sa lettre pastorale, c’est le point 16 qui retient l’attention du public. Au sujet de l’élection présidentielle au Cameroun, l’archevêque rapporte la pensée populaire selon laquelle les résultats sont connus d’avance. Ce faisant, il assène un coup de massue à l’opposition camerounaise et apporte un soutien inespéré à l’autocratie régnante. Laisser croire que les élections ne servent à rien est une communication négative dans une République.

 C’est parce que les gens le disent que le peuple enragé ne va pas voter massivement et que le régime en place s’éternise au pouvoir depuis 43 ans. Monseigneur Kleda n’a pas le droit d’encourager l’abstention massive. Il doit repréciser sa pensée et éviter de sombrer dans l’émotivité nocive d’une certaine opinion qui finit par poser des actes favorables à leur bourreau.

Voici les faits et les chiffres : Paul Biya est Président de la République par la volonté de 7% de la population. Où sont les 93% d’autres camerounais pourtant enragés ? Deux réponses probantes: les uns ne sont pas allés s’inscrire sur une liste électorale et près de la moitié de ceux qui se sont inscrits ont choisi l’abstention. Seuls 2,4 millions de Camerounais ont OFFICIELLEMENT voté pour Paul Biya en 2018. Cela veut dire que malgré la FRAUDE, le régime n’a pas été autant désavoué que maintenant. Comment se fait-il que sur 6 millions d’inscrits, le régime ait pu gagner avec 2 millions de voix?

Est-ce en raison de la multiplicité des candidats ? La réponse est NON. C’est une fuite en avant et un coup de pouce à la propagande du RDPC que de faire croire que l’opposition ne peut pas gagner sans COALITION. Le RDPC a intérêt à faire croire qu’aucun candidat ne peut battre Paul Biya tout seul. Le RDPC pousse donc l’opposition à s’enfermer dans des conclaves qui n’aboutiront jamais à la sortie d’une fumée blanche et qui contribuent à réduire leur temps de la campagne sur le terrain.

Et donc, si Paul Biya réussi à se faire élire avec 2 millions de voix, c’est à cause du taux d’abstention élevé. En 2025, plus de 8 millions de Camerounais sont inscrits sur la liste électorale et le régime est fragmenté. Ce n’est vraiment pas le moment de favoriser l’abstention massive.

Voici ce que l’on attend de l’Eglise en général.

L’église dispose des réseaux dans l’ensemble du pays. L’Eglise catholique en particulier dispose des chapelles dans tous les quartiers du pays. Si l’Eglise appelle simplement ses catéchistes à surveiller BÉNÉVOLEMENT le vote, alors elle aurait fait oeuvre utile pour le changement au Cameroun. Sinon, la VRAIE opposition qui n’a jamais été à la mangeoire n’aura jamais FCFA 900 millions pour prendre en charge les agents électoraux le jour du vote. Il faudra près de 30000 agents électoraux pour sécuriser le vote des Camerounais. L’Eglise catholique toute seule peut les fournir. Et ce serait un acte citoyen. Le SDF a calculé 3 agents électoraux par bureau de vote, soit environ 90000 personnes à mobiliser pour déjouer le système Biya.

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Nous savons les utiliser sans violer la loi électorale en vigueur. L’Eglise doit appeler les Chrétiens à sortir MASSIVEMENT pour exprimer leur ras-le-bol à travers le vote-sanction et pour sécuriser les voix de l’ensemble des citoyens. L’Eglise doit appeler à la PROBITÉ morale des chrétiens pour limiter l’achat des consciences pendant les opérations électorales et éviter la corruption des représentants des candidats de l’opposition dans les bureaux de vote. Monseigneur Ndongmo disait que l’on ne pouvait pas conduire les gens au ciel comme si la terre n’existait pas. Il disait précisément que l’Eglise doit faire sa part et ne pas croire que c’est le Messie qui descendra du Ciel pour venir opérer le changement à notre place.

Monseigneur Kleda par le point 16 de sa lettre apporte son soutien à ceux qui pensent qu’il faut annuler les élections parce que le messie aurait été écarté. Ce faisant, c’est une insulte aux 11 autres candidats encore en lice. En République, il n’y a pas de messie. Il y a des citoyens ordinaires qui font preuve d’ENGAGEMENT civique et politique, et qui se mettent au service de l’intérêt collectif. Il est impossible que 11 personnes adoptent la même stratégie et l’on ne peut pas critiquer une stratégie politique sans en connaître les objectifs.

Il faut plutôt consommer sans modération l’homélie de Monseigneur Barthélemy Yaouda Hourgo, évêque de Yagoua, qui pense qu’il est préférable que le diable dirige le Cameroun au lieu de laisser Paul Biya. Qui est le diable si ce n’est nous-autres pecheurs qui sommes des citoyens ordinaires. Il faudrait considérer qu’il existe 11 diables qui valent mieux que Paul Biya. Il n’y a pas de doute sur les intentions de Monseigneur Kleda mais, le point 16 de sa lettre pastorale est une communication nocive à revoir s’il n’a pas changé de ligne.

Louis Marie Kakdeu, PhD & HDR

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