Fibre Optique : Comment le gouvernement a forcé la main à Eneo
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L’opérateur d’électricité, dans un contexte de chantage et d’intimidations, a dû se défaire d’un réseau de 17 milliards de francs et pour lequel il avait écopé d’une amende de 500 millions.

C’est par un communiqué laconique que le ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel), Minette Libom Li Likeng, informait le public, en fin de semaine dernière, de la signature survenue avant-hier d’un protocole d’accord entre l’Etat du Cameroun et la société Eneo «au sujet de la fibre optique installée par cette société». Le jour dit, on apprenait que l’opérateur avait décidé de rétrocéder quelque 812 kilomètres d’installations de fibre optique au pays. Cette cession représente 78 brins de fibre, sur les 96 posés sur le réseau d’électricité pour un investissement total de l’ordre de 17 milliards de francs.

Il est précisé que la tutelle confiera, le moment, venu, son exploitation et sa gestion à un opérateur qu’il désignera. Le protocole d’accord entre Eneo et l’Etat du Cameroun, en dépit du satisfecit tout en diplomatie affiché par les parties, n’est pas sans rappeler un épisode particulièrement douloureux pour l’opérateur d’électricité. Le 18 décembre 2013, une décision de l’Agence de régulation des télécommunications (Art) infligeait une amende de 500 millions de francs à l’opérateur d’électricité Aes-Sonel, l’ancêtre d’Eneo, pour exploitation d’un réseau privé indépendant sans autorisation.

L’Agence  expliquait alors avoir effectué, en janvier 2013 et au cours des années 2008, 2010 et 2012, dans plusieurs villes et sites abritant les installations du concessionnaire du secteur électrique, des contrôles dont il était ressorti que l’entreprise était coupable d’exploitation d’un réseau privé indépendant de fibre optique sans autorisation. «L’établissement et l’exploitation des réseaux des télécommunications ouverts au public ou à usage privé sont conditionnés par l’obtention d’une autorisation du ministre chargé des Télécommunications, après instruction de l’Art, aux fins d’assurer le développement équilibré des réseaux sur l’ensemble du territoire national», précisait alors le régulateur.

Aujourd’hui, l’Etat et son régulateur se présentent, à l’image d’un juge s’appropriant sans vergogne un bien prétendument mal acquis, dans la posture d’un justicier jouissant sans bourse délier d’une installation réputée illégale. En 2011 en effet, lorsque le concessionnaire américain Aes-Sirocco (56% de l’ex-Sonel) entreprend la construction d’une ligne à fibre optique avec l’ambition bien comprise de fluidifier la gestion commerciale dans ses agences, soit près de 15% de la capacité installée, il prévoit également, en association avec un prestataire local du secteur (Creoling), de devenir un distributeur en gros de l’accès à l’Internet avec les 85% de la capacité restante. Il sera châtié pour «non-respect des directives et absence de réponse [aux] interpellations».

Pressions 2.0

Bille en tête, et alors qu’il est sous la menace d’une amende encore plus forte au cas où il persisterait à solliciter une licence d’exploitation, le concessionnaire de la Société nationale d’électricité (Sonel) conduira, au Brésil, une délégation regroupant de hauts responsables du Minpostel. Il est alors question de montrer et de démontrer qu’à l’instar de la compagnie de ce pays d’Amérique du Sud, un opérateur du secteur de l’énergie peut parfaitement exploiter un réseau de fibre optique dans le marché de gros.

Les pourparlers ainsi engagés, sur instructions du Premier ministre Philemon Yang, portaient alors sur les conditions de cession de la fraction de la fibre non utilisée, ainsi que les modalités d’exploitation du surplus de capacité. Le dossier ne connaîtra pas de suite. En janvier 2014 le directeur général de Balancing Act, une société d’études et de conseil spécialisée dans les télécommunications, l’Internet et la diffusion en Afrique, Russell Southwood, publie, sur le sujet, une réflexion particulièrement sévère contre le Cameroun qui «s’accroche à son monopole public des télécommunications ».

Pour lui, le pays, qui a par ailleurs rejeté le financement de la Banque mondiale parce qu’il aurait entraîné la création d’un consortium de gros distinct offrant des prix compétitifs, «montre à l’Afrique un exemple de ce qu’il ne faut pas faire». Résultat des courses, le Cameroun, sur le continent, fait partie des espaces où les tarifs de gros à l’international et en local sont les plus élevés en matière de fibre optique. Selon M. Southwood, l’injonction faite à Aes-Sonel de se concentrer sur son cœur de métier est «une intimidation exercée par l’Etat et qui met en péril la notion d’indépendance des dispositions réglementaires ». Cqfd ???

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