Cameroun, Gouvernance : L’Etat vend ses lois
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Cameroun, Gouvernance : L’Etat vend ses lois :: CAMEROON

L’édition du journal officiel du 12 juillet 2016 qui publie le nouveau code pénal coûte 10.000 Fcfa. Conformément  à la volonté du législateur, la loi portant code pénal, votée au cours de la deuxième session ordinaire annuelle du parlement en juin dernier, a été rendue publique à travers une insertion dans le journal officiel, en français et en anglais. C’était le 12 juillet 2016, jour de sa promulgation, et avant toute autre forme de publicité. Cette formalité scrupuleusement respectée par l’exécutif visait, selon toute vraisemblance, à éviter que des versions potentiellement erronées de cette loi soient mises à la disposition du public sous le prétexte d’une publication «suivant la procédure d’urgence», par des journaux habilités à publier les annonces légales.

Une telle précaution vaut évidemment son pesant d’or, puisqu’il y va de la vie même des citoyens, le code pénal étant de loin, la loi la plus importante pour la population, parce qu’elle touche ses droits fondamentaux : c’est la loi qui autorise la mise à mort du citoyen et  les mesures de privation de liberté, prévoit des sanctions pécuniaires, les restrictions de certaines libertés, etc. L’Etat avait donc tout intérêt à ce que la version la plus officielle de ce texte soit la seule à être vulgarisée, et par le moyen le plus opposable possible: la publication dans le journal officiel (JO). Le contenu controversé de certaines dispositions du document, qui a provoqué une levée de boucliers lors de son examen par le parlement, y est pour quelque chose…

L’initiative des pouvoirs publics aurait été parfaite si, dans sa mise en œuvre par le gouvernement, une mesure discriminatoire ne l’avait pas accompagnée. En effet, le commun des camerounais qui se réjouissait de cette parution rapide de l’édition spéciale d’un journal officiel de plus en plus rare, a vite déchanté : pour entrer en possession du JO et prendre connaissance du nouveau code pénal le citoyen doit débourser 10.000 Fcfa !

Cette annonce, diffusée en boucle par la radio et la télévision d’Etat, a, bien entendu, fait l’effet d’une bombe dans l’opinion. Ainsi donc, l’Etat qui doit tout faire pour que le commun des citoyens accède à l’information légale, s’organise plutôt pour en exclure le plus grand nombre, en rendant inaccessible le JO à la majorité des Camerounais. Le citoyen lamda se retrouve effectivement devant un choix cornélien : acheter ce document qui lui coûte quand-même la ration hebdomadaire de sa famille, et  assurer la pitance quotidienne à sa descendance.

Du coup, après la polémique ayant émaillé le processus d’adoption de cette loi sur l’immunité des ministres, la filouterie de loyers et d’autres dispositions de ce texte, c’est désormais son mode de diffusion qui fait problème. Car en plus, seul le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune a obtenu le droit de produire et de vendre à 500 Fcfa, une édition spéciale qui publie le document, sur une liste de 36 journaux habilités à publier des annonces légales !

Tout se passe donc comme si l’Etat, avait décidé de sacrifier le droit à l’information des citoyens à l’autel des recettes budgétaires. Difficile, dans ces conditions, d’opposer plus tard au public, le principe selon lequel «nul n’est censé ignorer la loi», car la loi n’aura jamais été mise à la disposition du citoyen.

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