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© Le Jour : Franklin Kamtche
- 08 Jan 2016 02:05:15
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CAMEROUN :: Leadership : La Crise qui guette l’Université des Montagnes :: CAMEROON
L’institution échappe pour l’instant à la guerre que se livrent ses concepteurs pour le contrôle de l’Association pour l’éducation et le développement (Aed).
En cette mi-journée du 30 décembre 2015, le visiteur du campus principal provisoire de l’Université des Montagnes (UdM), à Mfetum, Bangangté, est surpris par le calme des lieux. En dehors des oiseaux qui piaillent dans des cyprès hauts, les employés se dévouent à la tâche. Chacun est dans son bureau. A la présidence de l’institution, juste à l’entrée, l’ambiance est des plus ordinaires. Les cadres entrent et ressortent, après avoir porté leurs problèmes. On est bien loin de l’ambiance qui y a prévalu au début du mois, lorsque des étudiants s’étaient mis en grève et avaient porté le noir pour accompagner leurs revendications, soumises au président de l’université, le Pr. Lazare Kaptué, quelques jours plus tôt. Etudiants de 4ème, 5ème et 6ème années de la filière pharmacie, selon les responsables, ils ont repris les cours.
Les revendications, rappelle-t-on, portent sur une instruction ministérielle qui fait passer le cycle de formation de six à sept ans. Eux ne voulaient ni la faire ni la payer. « Parce qu’ils sont entrés à l’école avant les textes réorganisant cette filière, ils estiment qu’ils ne sont pas concernés par les instructions gouvernementales ». Orientés vers le ministère de l’Enseignement supérieur, avec au besoin un accompagnement et même la collaboration des étudiants d’autres instituts de formation, les grévistes avaient décliné l’offre.
On est le 6 décembre. Deux jours auparavant, une assemblée générale élective de l’Association pour l’éducation et le développement (Aed), promotrice de l’Université des Montagnes (UdM) et des Cliniques universitaires des Montagnes (CuM) s’était tenue dans le même campus. « Sur 47 membres à jour de leurs obligations, 27 étaient effectivement présents et sept représentés », lit-on dans le procès-verbal qui sanctionne les travaux. Le quorum était réuni pour procéder au renouvellement du comité d’orientation. Quelques jours auparavant, le Pr Ambroise Kom, ancien vice-président de l’UdM, suspendu par des personnes qu’il juge non qualifiées, avait servi une citation directe à un certain nombre de membres de l’Aed, au motif de diffamation et d’usurpation de titre.
Lazare Kaptué est convaincu que les étudiants ont été manipulés. « Nous leur avons expliqué que j’étais incompétent pour résoudre ce problème, car la mesure ne concerne pas uniquement l’UdM, mais les autres instituts de formation. C’est une mesure générale », explique-t-il. Il en est d’autant plus convaincu que le jour de leur entrée en grève, une délégation de l’Agence française de développement (Afd), partenaire financier de l’UdM dans la mise en place du nouveau campus, sis à Banekané, devait séjourner à Bangangté.
Déblocage in extremis
Les travaux de construction d’un campus futuriste de 14 bâtiments, incluant des bureaux, des blocs spécialisés, des laboratoires, un amphithéâtre, une bibliothèque avaient en effet été lancés par l’ambassadrice de France au Cameroun, Christine Robichon, le 30 septembre 2015. Dite « pose de la première pierre », il s’agissait plus exactement de l’extension et de la modernisation du site déjà occupé par les Cliniques universitaires des Montagnes et deux autres bâtiments, grâce à un prêt concessionnel de 5 milliards de F.Cfa. « Ils ont été instrumentés pour freiner une mission de l’Agence française de développement. Ils pensaient qu’en voyant les étudiants en grève, ils allaient conclure que rien ne marche et allaient suspendre le déblocage des fonds, prévu dans les jours suivants », tranche Lazare Kaptué.
Après plusieurs jours de concertation, les contours de la crise à l’Aed ont été expliqués à la mission, qui est répartie convaincue de la pérennité du projet. A en croire la hiérarchie de l’UdM, la première tranche des fonds séjourne depuis lors dans le compte de Djemmo Btp, l’entreprise retenue pour les travaux. En clair, l’argent ne transitera par aucun responsable de l’Aed ou de l’UdM. Si sur le campus de Banekané, les travaux n’ont pas beaucoup évolué, c’est, dit-on, parce qu’il fallait laisser la bourrasque passer. Ce qui, dans le camp de Lazare Kaptué, relève du passé. « Nous sommes tranquilles. Nous attendons qu’après les querelles au sommet, on trouve la meilleure formule pour améliorer ce qui se fait déjà de bien ici », confie un responsable, sous anonymat. Un malaise semble régner dans les rangs du personnel, certains cadres ayant entretenu de bons rapports de collaboration avec le Pr Kom, redoutent une chasse aux sorcières.
Quant aux étudiants rencontrés, ils affirment n’être pas concernés par la crise. « Cela ne se ressent pas dans les cours que nous faisons », dit un étudiant de niveau 2 de médecine. Pour autant, la crise n’a pas dévoilé ses derniers effets. En attendant l’issue des procès intentés réciproquement à Yaoundé et Bangangté par les protagonistes, le feu brûle dans les médias et sur la Toile, en témoigne la sortie épistolaire du Pr Kaptué. Personnage connu pour sa bonhomie, il n’a sans doute pas supporté que l’on porte atteinte à sa réputation et, la « mise au point » publiée sur Internet, a lancé une charge virulente contre le Pr Kom qu’il présente comme un amasseur de dollars. Or ces deux-là ont habitué le public à un autre type de discours. L’Université des Montagnes camer.be, disaient-ils en temps de paix, a été conçue pour rompre avec l’université coloniale et postcoloniale en Afrique.
Plusieurs fois, Lazare Kaptué a appelé Ambroise Kom dans des cérémonies publiques pour qu’il vienne expliquer la philosophie de cette nouvelle conception de l’école. « C’est lui qui a les mots justes pour expliquer notre vision », précisait le président. « L’Université des Montagnes est née de l’échec de l’université postcoloniale, qui n’apporte pas les solutions attendues aux problèmes de la population. Nous ne sommes pas ici pour faire de la reproduction ou faire comme les autres. Grâce à nous, l’offre dans la formation sanitaire s’est considérablement améliorée au Cameroun. Nous voulons utiliser notre imagination pour solutionner nos problèmes, sans attendre que la manne nous tombe du ciel », expliquait par exemple le vice-président de l’UdM, à l’ouverture d’une journée pédagogique sur la masso-kinésithérapie le 6 mars 2015, devant une quarantaine de médecins, infirmiers et autres promoteurs de structures de santé, venus à la rencontre des experts importés de France.
Lauriers, bénévolat et camerounismes
Lorsque l’UdM ouvre ses portes en octobre 2000, elle compte 46 étudiants dans les filières médecine et pharmacie. C’est d’abord pour sauver la scolarité des premiers étudiants que l’UdM s’ouvre à l’expertise étrangère. Le souci de la qualité l’amènera à faire venir à Bangangté des partenaires de 21 universités à travers le monde, dont les Universités Paul Sabatier de Toulouse III, de Montpellier, de la Franche Comté à Besançon, de Saint-Etienne... La formation s’est diversifiée à partir de 2001, avec le génie biomédical, Informatique et réseaux, Réseaux et télécommunications.
L’Agrovétérinaire, les Energies Renouvelables, les Mathématiques appliquées se sont ajoutés à la liste et font que l’UdM en 2014/2015 comptait 2150 étudiants. Cette année, 113 étudiants en médecine ont présenté leur examen de synthèse clinique et thérapeutique, 78 autres en pharmacie et 38 en chirurgie dentaire. Les étudiants, sélectionnés tous par voie de concours, sont encadrés par près de 240 enseignants. En attendant le transfert sur le campus définitif à Banekane, les salles de cours, de travaux dirigés et les laboratoires sont héritées du Cetif de Mfetum, un ancien établissement de l’Eglise évangélique du Cameroun.
Comme le rappelait Lazare Kaptué le 30 septembre 2015, les produits de l’UdM se portent bien sur le marché du travail. Selon le service chargé des relations avec les parents et les anciens étudiants, la synthèse de l’employabilité à l’Institut supérieur des sciences de la santé et à l’Institut des sciences et technologies, 24 mois après leur sortie, donne 85,64%. 12,96% du reste seraient en formation complémentaire, contre 0% de sans emploi pour 1,38% d’étudiants perdus de vue. Jusque dans les filières un peu fermées comme la médecine vétérinaire et la chirurgie dentaire, le taux d’employabilité atteint 66%, trois mois seulement après la formation. Au total, l’UdM aura délivré en quinze ans, 1 064 diplômes dont 471 doctorats en médecine, 146 en pharmacie, 25 en chirurgie dentaire, 23 en médecine vétérinaire, 63 dans les filières médico-sanitaires et 351 licences et masters en technologies. Pour l’heure, 740 chambres construites par des particuliers, hébergent les étudiants. La bonne formation a un coût. Une année de formation médicale coûte 1 295 000 F.Cfa, un peu moins ailleurs, contre 50 000 F.Cfa payés au titre des droits universitaires dans les quatre facultés de médecine d’Etat au Cameroun.
L’une des forces du projet UdM aura été l’implication de la diaspora, dans la recherche des financements et des équipements. Sans elle, ces histoires de containers dont on se délecte aujourd’hui n’auraient pas existé. En 2007, l’un des membres de cette diaspora, en l’occurrence Célestin Monga, alors conseiller du vice-président de la Banque mondiale, dans « une anatomie du marché politique au Cameroun », louait la créativité des membres de l’Udm, capables de mettre sur pied un système de production de la dignité. « Les Ong étrangères ne doivent pas dominer et déterminer tout ce qui se passe chez nous. En ce sens, l’Université des Montagnes à mes yeux, rééquilibre le destin du Cameroun ». L’issue de la crise actuelle dira s’il a eu raison.
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