CRISE MIGRATOIRE, ÉCONOMIE, GÉOPOLITIQUE, EUROPE ET MONDIALISATION, Thierry AMOUGOU,  répond aux questions de Camer.be
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De nombreux travaux montrent que la hausse de la migration est une des dimensions de la mondialisation économique. Ce sont des explications valables mais insuffisantes car elles ne mobilisent pas tous les paramètres pertinents notamment les facteurs psychologiques, culturels, historiques et non économiques motivant la migration nationale ou internationale.[...]

Qu’est-ce que le macro économiste que vous êtes peut avancer comme explication de ces massifs mouvements migratoires vers l’Europe ?

Bonjour à vous et à vos lecteurs. Merci une fois de plus de me permettre de dialoguer avec eux sur un problème crucial de notre temps, celui de la mobilité libre des hommes sur terre à plusieurs échelles géographiques.

Il ne faut pas faire de l’économie un fétiche qui aurait réponse à tout de façon irrévocable sans faire appel aux autres sciences sociales. L’économie a une méthode d’analyse extrêmement puissante et élégante. Elle ne peut malgré cela expliquer parfaitement les migrations sans faire appel à l’histoire, à la géopolitique, à la sociologie, à l’anthropologie et à la démographie. Un économiste qui ne maîtrise pas ces aspects-là est un très mauvais économiste et même dangereux pour la société parce que source de choses non fondées, non robustes et de l’ordre de l’évangile.

Cela étant dit, par rapport aux migrations, l’économie dit grosso modo cinq choses : premièrement ce sont les différences de salaires entre villes et campagnes qui expliquent l’exode rural ; c’est le vieux modèle explicatif des années septante. Deuxièmement, en plus de ce différentiel salarial, c’est ce qu’on appelle la privation relative, c'est-à-dire ce à quoi l’individu X vivant dans un pays du Sud n’a pas accès par rapport à l’individu Y vivant dans un pays du Nord de même qualification que lui, qui joue un rôle important dans la décision de migrer du Sud au Nord. Autrement dit, l’individu X va migrer d’un pays du Sud vers un pays du Nord parce qu’il veut diminuer sa privation relative par rapport à l’individu Y mieux nanti que lui à qualification ou statut égal. Troisièmement, l’individu Y peut aussi décider de rentrer dans son pays d’origine lorsqu’il se rend compte que les autochtones de même qualification que lui ont des postes plus élevés que le sien.

Quatrièmement, les privations relatives ont ces derniers temps expliqué les mouvements migratoires autant que la baisse des coûts de transport mise en évidence par le caractère attractif des effets d’agglomération de l’économie géographique ou encore les effets réseaux qui montrent la différence entre une émigration organisée en réseaux et une émigration individuelle. Ici c’est le capital social que constitue un réseau de migrants installés dans le pays d’immigration qui détermine largement l’orientation de la migration. Les Maliens et les Sénégalais de France fonctionnent beaucoup suivant cette logique-là.

Cependant d’autres facteurs expliquent la migration comme le différentiel entre l’offre de capital et l’offre de travail. La macroéconomie insiste sur une offre de capital inférieur à l’offre de travail comme source de mouvements migratoires des pays pauvres riches en travail vers les pays industrialisés riches en capital.

Enfin de nombreux travaux montrent que la hausse de la migration est une des dimensions de la mondialisation économique. Ce sont des explications valables mais insuffisantes car elles ne mobilisent pas tous les paramètres pertinents notamment les facteurs psychologiques, culturels, historiques et non économiques motivant la migration nationale ou internationale. Une part importante des migrations des pays africains vers la France s’expliquent inconsciemment par une aliénation coloniale qui fait que des gens abandonnent parfois des emplois stables en Afrique pour être chômeur en Europe. Si un économiste ne connait pas l’histoire de l’Afrique il ne saurait jamais que l’immigration algérienne en France avant les années septante s’explique par le fait que les Algériens sont des Français à ce moment-là et que cela a légalisé leur libre circulation vers la métropole. De même, si un économiste applique aveuglement la théorie des avantages comparatifs alors un pays abondant en travail devrait se vider de sa population puisqu’il serait très compétitif dans l’exportation de sa force de travail : voyez bien que c’est une absurdité pourtant théoriquement logique en économie.

Comment pouvez-vous palier les insuffisances de l’économie afin de formuler de façon satisfaisante l’explication de cette crise migratoire aux frontières de l’Europe ?

La première cause de la migration est la nature de l’homme, celle d’être un animal migrateur par excellence ; il n’aurait pas de jambes dans le cas contraire. Le fœtus migre déjà d’un coin du ventre de sa mère à un autre suivant les étapes de son évolution. Vous, moi et tous ceux qui nous lisent migrent chaque jour dans leur propre maison d’une pièce à une autre, dans leur village pour aller au champ, voir un ami, puiser de l’eau ou dans leur ville pour aller au bureau ou au marché. La migration est si vitale à l’espèce humaine qu’elle a fabriqué des machines comme l’avion, le bateau ou la voiture et la moto pour aller encore plus vite d’un point de la terre à un autre. La vie quotidienne est simplement impossible sans migrations quotidiennes.

La seule différence entre ce que je viens de dire et ce qui se passe actuellement aux portes de l’Europe se situe à deux niveaux : d’un côté, il s’agit d’une crise migratoire et, de l’autre, de migrations internationales. C’est-à-dire entre Etats-nations, sachant que les déplacements d’hommes d’un pays à un autre sont encore majoritairement régis par des politiques nationales souveraines car le droit d’émigration (droit de partir) ne correspond pas toujours au droit d’immigration (droit d’entrer). Et je parle de crise migratoire ici pour souligner un afflux aberrant de migrants en Europe par rapport aux tendances habituelles des chiffres des migrations annuelles par avions, bateaux ou voitures. Quelle en est la cause ?

Les causes sont multifactorielles dont par exemple la fuite de différentes formes de pauvreté, la fuite des guerres, la fuite des dictatures politiques, la fuite des totalitarismes comme l’Etat islamique, l’aliénation coloniale, trouver un traitement à des maladies chroniques ou tout simplement le besoin humain d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Tous ces mobiles sont alimentés par un espoir, celui d’améliorer ses conditions d’existence dans l’avenir. Celui qui migre fait toujours un arbitrage rationnel entre ce qu’il risque en optant de migrer et ce qu’il peut gagner s’il réussit son coup. La décision de migrer est donc un pari sur l’avenir avec ce que cela comporte de risques et d’espoirs.

Pourquoi cette crise maintenant et par hier ou demain ?

Je ne réponds cependant qu’à moitié à votre question lorsque je vous donne ce chapelet de causes probables de la crise migratoire actuelle. Une autre question peut justement être pourquoi le renforcement de ces causes en ce moment alors qu’il y a toujours eu de la pauvreté, des dictatures, des totalitarismes et des guerres à travers le monde ?

Cette crise migratoire survient en ce moment à cause de deux phénomènes concomitants que sont la baisse des coûts de transport et ce que je j’appelle le grand désordre international. L’économie géographique montre que les coûts de transports ces trente dernières années ont été drastiquement réduits. Cela favorise les déplacements de plusieurs classes sociales jadis exclues, même des réseaux mafieux, à cause des prix rédhibitoires du transport. Si cette réduction de coûts de transport est un processus qui renforce la mobilité internationale, celle-ci est aussi favorisée par un monde à l’âge d’un désordre international, c'est-à-dire d’un non-système ou d’une faible lisibilité de l’ordre mondial qui prévaut en ce moment dans tous les domaines. L’ordre de la Guerre Froide a entraîné de nombreux conflits mais il était un ordre parce qu’il alignait le monde entre deux blocs autour de deux pays- pivots qui lui donnait de la lisibilité politique et géopolitique. Sans regretter l’ordre bipolaire, il faut reconnaître que la disparition du macro conflit Est contre Ouest qui le caractérisait a donné lieu à l’éclosion de nombreux micro-conflits très souvent identitaires. La scène géopolitique mondiale est donc plus que jamais éclatée sans puissances régulatrices, rôles que les Etats-Unis et l’URSS ont joués de 1945 à 1989.

Une autre dimension de ce désordre mondial est un ensemble de politiques de développement qui disent lutter contre la pauvreté mais la renforcent paradoxalement. C’est le cas des ajustements structurels dont on reconnait aujourd’hui la catastrophe humaine en essayant à nouveau de reconstruire les Etats qu’on avait pourtant jugés responsables de la crise des années 1980.

En outre, le monde multipolaire n’est pas un monde entièrement démocratique. De nombreuses dictatures perdurent en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et même en Europe. Elles peuvent faire fuir les populations au même titre que la civilisation du sang et de la terreur qu’offre l’Etat islamique. Il faut enfin ajouter à ce désordre international ce que j’appelle la démocratie par les bombes en Irak, en Libye et en Afghanistan. Je suis un fervent adepte des valeurs démocratiques mais les bombes ne construisent pas et ne construiront jamais une démocratie qui est le résultat d’une rupture politique endogène à une société. La preuve en est que ce n’est pas la démocratie mais l’Etat islamique qui naît des décombres des bombes occidentales en Irak, en Syrie et en Libye. La crise migratoire aux portes de l’Europe est donc aussi quelque part l’effet boomerang d’un non système international qui entraîne autant le désordre qu’il est un non ordre incapable d’agir pour endiguer certaines crises : les acteurs forts font ce qu’ils veulent comme la Russie en Ukraine et les acteurs faibles font ce qu’ils peuvent. Et très souvent la migration, la fuite est l’arme du pauvre et du faible dans de telles situations. Tout ce que je viens de dire est aussi à enrober par une crise économique européenne dont la conséquence est le durcissement des politiques d’immigration sans oublier la corrélation établie entre les Européens d’origines extra européennes et les attentats islamistes.

L’Europe assimile les Migrants aux terroristes ?

Non. Si de nombreux pays européens refusent d’accueillir des migrants de confessions musulmanes c’est pour plusieurs raisons. D’abord la majeure partie provient de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, pays où sévit l’Etat islamique avec lequel l’Occident est en guerre. Certains politiques occidentaux se demandent si ce ne sont pas des partisans de l’Etat islamiques qui se déguisent en migrants pour frapper l’Europe de l’intérieur. Ensuite les travaux scientifiques montrent une corrélation robuste entre Européens d’origines extra-européennes et les attentats terroristes. Enfin, l’Europe étant en crise économique et sous ajustement structurel à plusieurs endroits, en guerre contre l’islamisme et l’intégration des musulmans difficiles en démocraties laïques, certains pays européens refusent des migrants musulmans et acceptent uniquement des migrants chrétiens. Donc en dehors des aspects économiques, c’est-à-dire les coûts que l’immigration représente pour les pays européens, ces aspects culturels et « civiliationnels » expliquent aussi le surgissement de murs, de barbelés et de polices anti migrants ici et là. Il ne faut pas oublier que les intellectuels de l’extrême droite européenne ont développé la théorie du grand remplacement qui consiste à dire que des politiques d’immigration laxistes vont entraîner à long terme la disparition des Européens de souche et leur remplacement par des musulmans et les Européens d’origine subsaharienne, deux catégories qui font plein d’enfants quand les Européens de souche en font très peu. L’Extrême droite européenne qui a le vent en poupe est donc contre les quotas que vient de décider l’UE. Derrière la question de l’accueil des migrants se joue donc aussi celle de l’identité raciale et religieuse de l’Europe.

La distinction entre « réfugiés » et « migrants économiques » que fait l’Union Européenne est-elle pertinente ?

Le concept de « migrant économique » est à la fois absent des textes internationaux, révélateur d’une trahison de la mondialisation économique et d’une injustice de celle-ci sur l’immigration du travail.

Si nous prenons les textes internationaux la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948 reconnait explicitement le droit d’émigrer comme le droit pour toute personne de quitter son pays, d’y revenir et de chercher asile dans un autre pays. Aucune distinction n’y est faite entre réfugiés et migrants économiques et l’OIT reconnait dans sa Convention n°49 la mobilité du travail comme un bien universel commun. La Convention de Genève de 1951 définit comme réfugié « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Il est à mon humble avis fort probable qu’un réfugié ainsi qualifié soit aussi automatiquement un migrant économique car être pourchassé ou persécuté dans son pays exclut aussi très souvent automatiquement du marché du travail dudit pays contrôlé par le régime en place. Il est donc très difficile de démontrer que le réfugié n’est pas aussi un migrant économique. D’où le flou juridique entre refugié, migrants économiques, familles et demandeurs d’asile. Ce flou est d’autant plus grand de nos jours que le statut de réfugié avait été défini pendant la Guerre Froide par le Bloc de l’Ouest pour accueillir les dissidents politiques soviétiques et que le public migrant du XXIème siècle n’entre pas automatiquement dans cette catégorie désormais obsolète.

Une autre limite de ce concept de migrant économique est la trahison qu’il révèle de la mondialisation économique dont une des promesses théoriques est la libre circulation des facteurs de production capital et travail. Alors que le capital est « free » tous azimuts, le travail reste drastiquement contraint. Le problème ici est que c’est le marché global qui répond de la mobilité sans limite du capital mais, alors que la migration de travail est un fait économique, ce sont les Etats souverains dans leurs politiques d’immigration qui sont compétents.

Enfin, mettre les migrants économiques en dehors du dispositif humanitaire de l’UE revient, alors que nous sommes à l’âge du marché roi, à dire que l’économie néolibérale, n’est nullement responsable des dégâts sociaux, environnementaux et financiers qu’elle cause. C’est proclamer persona non gratta ceux qui sont victimes de la dynamique économique qui domine le monde et persécute les faibles autant que des régimes politiques dictatoriaux.

Quel rôle y joue la globalisation économique étant donné que le CRESPOL critique l’Europe d’être prisonnières des équilibres macroéconomiques ?

La mondialisation néolibérale installe une logique qui irradie non seulement le monde entier, mais aussi l’Europe, ses institutions et les gens qui les dirigent. Cette logique est celle d’une hiérarchie des priorités qui fait dépendre tout de l’assainissement préalable des comptes macroéconomiques. Il en résulte une dictature statistique où ce sont les chiffres qui dictent la politique à suivre et non les projets de société. Dans cette ambiance, les migrants sont d’abord des coûts à éviter et non des hommes dont il faut promouvoir l’épanouissement. C’est ce que met en lumière critique le CRESPOL car l’homme vaut plus que cela étant donné que la création des choses, c'est-à-dire des biens et des services par l’économie mondialisée, ne doit pas faire oublier la création des hommes que cette activité doit servir. Sans cette précaution morale et éthique du projet européen, celui-ci s’engage dans un processus d’aliénation de son projet par l’économique.

Le dire ne veut pas dire que le CRESPOL est contre l’Europe, mais qu’il joue son rôle analytique, critique et d’évaluation des dynamiques en cours. Il faut d’ailleurs remarquer que le projet européen reste très attractif à traverser le monde entier. Pour preuve, alors que la Chine, la Russie, les pays pétroliers du Golfe et certaines dictatures africaines sont très riches, aucun migrant parmi ceux qui s’agglutinent aux portes de l’Europe ne dit vouloir aller en Chine, en Russie, au Koweït, en Arabie Saoudite ou en Guinée Equatoriale mais tous veulent aller en France, en Belgique, en Allemagne, en Norvège, en Angleterre et j’en passe. Cela est la preuve que le capitalisme et la démocratie, sans être parfaits, sont les moins pires des systèmes politiques et économiques au monde. Par conséquent ce qui compte le plus dans les choix des migrants n’est pas uniquement la richesse du pays d’accueil. Il en serait ainsi qu’il iraient dans les pays pétroliers du Golfe où ils trouveraient des musulmans comme eux et des richesses. Ce qui compte le plus dans leur choix est la recherche de la liberté, chose qu’offre l’Union Européenne. L’Union Européenne est donc encore un modèle fort attractif dans le monde, c’est à elle de renforcer cette attractivité en devenant aussi une puissance morale et éthique et pas seulement économique. Les dernières mesures prises pas la commission vont dans la bonne voie.

Qu’est-ce qui motive l’Allemagne à tant de générosité lorsqu’on connait son passé et la dureté avec laquelle Merkel a traité la Grèce ?

Il y a déjà deux esquisses de réponse dans votre question. Une Allemagne au passé hyper nationaliste se montre aujourd’hui hyper généreuse en accueillant 800.000 demandeurs d’asile en 2015 parce qu’elle cherche constamment à effacer la mémoire funeste des ses anciens démons nationaliste en devenant exemplaire dans le domaine du cosmopolitisme. De même, avoir été très dure envers les Grecs et avoir été accusé il y a quelques mois de détruire la solidarité européenne permet à la Chancelière de faire la leçon aux autres membres de l’UE en démontrant ainsi que l’Allemagne ne surenchérit pas seulement sur le plan de l’orthodoxie économique mais aussi sur le plan humanitaire.

Cela dit, il y a d’autres explications d’ordre économique car le besoin de main-d’œuvre est un facteur explication robuste de l’immigration européenne où les sans-papiers travaillent paient les impôts sans problèmes en période de croissance économique où les économies ont besoin de surcapacité de travail. L’Allemagne, plus grande économie européenne connait un problème de vieillissement de sa population car les Allemands font très peu d’enfants avec un taux de fécondité de moins de deux enfants par femme. Le problème est si grave que l’Allemagne a mis en place une politique pro-immigration des qualifiés extra-européens depuis longtemps déjà avant l’actuelle crise migratoire. Je pense donc que l’Allemagne va faire du gagnant-gagnant car ces milliers de migrants qu’elle accueille vont servir de main-d’œuvre, vont consommer et vont permettre une dépense publique, autant de choses qui relanceront vont donner un souffle nouveau à son économie et luis permettre de rajeunir sa population.

Il faut néanmoins souligner l’extrême courage politique de la Chancelière allemande et son rôle de leadership dans un pays où le droit du sang (jus sanguinis) a longtemps prévalu sur le droit du sol (jus soli).

Que traduit le silence assourdissant de l’Union Africaine ?

Qu’elle n’existe pas et que les morts de migrants africains ne comptent pas pour l’Afrique. Le mépris avec lequel un continent ou un pays traite ses morts traduit aussi le peu d’intérêt que ce pays ou ce continent accorde à la vie de ses citoyens sur terre. Les dictatures africaines témoignent par leur silence que les migrants africains sont un bon débarras pour elles étant donné que ceux qui partent sont parfois les plus actifs revendicatifs sur le plan national.

Quels sont les chantiers politiques qu’ouvre cette crise migratoire sur le plan international ?

Les chantiers politiques sont nombreux car la dimension politique de la mondialisation est à la traine. L’Homme ne doit pas seulement rester un homofaber sur le plan des choses mais aussi de la vie humaine. Les hommes doivent avoir où aller quand ils fuient la mort et la mauvaise vie. C’est la raison pour laquelle les frontières sont à la fois utiles et à supprimer. Elles sont utiles parce que si elles n’existaient pas on ne saurait plus où aller et être en sécurité. Et elles sont à supprimer lorsqu’elles se ferment à celui qui cherche cette sécurité humaine. Le rôle de la frontière même digitale est donc à repenser sous contrainte de la sécurité humaine. D’où le rôle névralgique de la mobilité des hommes dans les pays, entre pays et dans le monde. Les accords de Schengen organisent cette libre circulation au sein de l’UE mais dans certaines régions comme l’Afrique la libre circulation reste un énorme frein au développement économique et social même si les migrations Nord-Sud sont plus basses que les migrations Sud-Sud. Le système international demande aussi de l’ordre face à la crise identitaire qui fait exploser le monde et à l’Etat islamique, nouveau totalitarisme des temps modernes. Si les passions démocratiques de liberté poussent les migrants à choisir l’UE, si la passion de l’égalité pousse l’UE à les accueillir les migrants, l’hospitalité universelle de Kant reste à imaginer avec force et humanité.

Vous venez d’annoncer la publication d’un roman qui semble-t-il traite aussi de la question migratoire. Pourquoi un roman et dans quel sens posez-vous ce problèmes ?

Mon prochain et premier roman a pour titre SOS Hakuna Matata. Il sera publié le 24 octobre 2015 prochain mais participe déjà à un concours du Manuscrit aux éditions du net. J’invite vos lecteurs à lire les quelques extraits qui sont en ligne et à laisser un commentaire car c’est le jeu du concours. http://www.lajourneedumanuscrit.com/SOS-HAKUNA-MATATA

J’utilise parfois la catégorie Roman lorsque je veux m’exprimer simplement en prose sans trop de tralala scientifique. Là je peux décrire et analyser le monde comme je le sens. C’est un Roman qui parle beaucoup de l’Afrique, de ses rapports avec l’Occident, de la mondialisation, des religions, de la vie quotidienne d’un jeune garçon africain et de la question migratoire. Je le fais à travers ce que j’appelle un imaginaire tiers-mondiste du monde. Je vous le conseille vivement si vous voulez réfléchir en riant ou vice versa. Je raconte par exemple le trajet rocambolesque Afrique-Lampedusa d’un migrant africain.

*Dr Thierry Amougou est macro économiste, Professeur d’universités, Fondateur et Animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Politiques, Economiques et Sociales

© Camer.be : Propos recueillis par Hugues SEUMO

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