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© Publié en collaboration avec AFRIKSURSEINE : Lorraine TANDJA
- 27 May 2025 12:21:32
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LES ELEVES CAMEROUNAIS A L’EPREUVE DU TEMPS : LA FAILLITE D’UNE GENERATION, L’OUBLI DU SAVOIR :: CAMEROON
Lorraine Tandja
Il fut un temps – pas si lointain – où l’école camerounaise était un sanctuaire du savoir, une flamme vacillante mais vivace dans les villes comme dans les campagnes. Aujourd’hui, cette flamme semble vaciller dans l’indifférence générale, menacée par des vents contraires de divertissement facile, de pauvreté intellectuelle et d’un désengagement national criant. En apparence, les villes continuent de produire les meilleurs élèves, mais cette façade cache un mal plus profond. Si la ville offre davantage de moyens, elle a aussi enfanté un paradoxe amer : un accès plus large à la connaissance, mais une soif de savoir de plus en plus asséchée. Dès la sortie du primaire, les élèves délaissent la lecture, autrefois socle de leur éducation. Il faut désormais l’insistance d’un professeur de français passionné pour qu’un élève daigne ouvrir un livre.
Dans les classes de Première ou de Terminale, rares sont ceux capables de s’asseoir deux heures durant pour savourer un texte, en silence, dans un effort solitaire de compréhension et les commenter avec les autres camarades. Les séries télévisées et les réseaux sociaux ont pris le relais. À l’écran, les figures adulées ne sont plus les intellectuels ou les penseurs, mais des bandits charismatiques, des pervers glorifiés, des anti-héros dont la morale corrompt notre jeunesse. Et que dire de ces émissions où l’on se crie dessus sur les plateaux télé, où l’expertise est sacrifiée sur l’autel de la mise en scène ? Le Cameroun semble aujourd’hui préférer le spectacle à la réflexion, le costume à la compétence. Dans ce contexte, la culture – au sens noble – se meurt. Il n’y a plus d’émissions culturelles dignes de ce nom, plus de débats intellectuels de fond. L’ennui règne, camouflé sous une avalanche de querelles politiques, lesquelles n’ont rien apporté d’autre que des divisions ethniques et des haines viscérales. Et l’école dans tout cela ? Elle piétine. Les élèves n’ont plus le goût du défi. En mathématiques notamment, on observe une démission de l’esprit : la machine calcule, l’élève subit.
L’intelligence, désormais, se mesure à la capacité de contourner l’effort. Dès lors, comment s’étonner des dérives éthiques, des décisions hâtives, de l’incapacité à résoudre patiemment les problèmes de la vie ? L’école a oublié que penser est un acte lent, profond, rigoureux. Les enseignants, eux, sont fatigués. Peu soutenus, parfois humiliés, ils ne sont plus encouragés à proposer des exercices exigeants, à tendre des embuscades pédagogiques salutaires. Le respect de leur mission s’effrite sous les coups d’une société qui les considère davantage comme un fardeau que comme les bâtisseurs de l’avenir. Pourtant, tout n’est pas perdu. Le numérique, s’il est bien utilisé, peut devenir un formidable levier d’apprentissage. Encore faut-il accompagner les élèves pour qu’ils s’en servent comme d’un outil de développement et non comme d’un instrument de distraction. Il est urgent de repenser l’école. Non pas à coups de slogans ou d’inspections aveugles, mais en repensant les finalités mêmes de l’éducation.
Formons des élèves de qualité, certes, mais pas seulement dans les apparences. Exigeons de l’école qu’elle forme des citoyens capables de comprendre, d’analyser, de créer. Que chaque enfant, quel que soit son milieu, puisse accéder à une culture qui l’élève. Ce diagnostic doit être partagé, large, honnête. Il faut convoquer les parents, premiers éducateurs, mais aussi les enseignants, les sociologues, les penseurs. Il faut écouter ceux qui, sur le terrain, savent ce qui dysfonctionne. Il faut des réformes courageuses, des sanctions claires pour les comportements déviants dans les établissements, et pourquoi pas – diront certains nostalgiques – un retour symbolique de la discipline ferme, qui n’a jamais été synonyme de violence, mais de respect.
Le Cameroun doit se regarder dans le miroir de son école. Car c’est là, dans ses classes, entre ses livres, dans la voix de ses maîtres, que se joue son avenir. Et si l’on ne se réveille pas, le silence de nos bibliothèques se transformera bientôt en silence de nos consciences.
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