LYDOL/ NGANNOU : DEUX DRAMES, DEUX RESPONSABILITES, POUR UNE JURISPRUDENCE MORALE
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Deux événements, deux natures de drame

Il serait intellectuellement malhonnête de traiter de manière identique deux tragédies aux fondements distincts. Dans le cas de Francis Ngannou, nous sommes face à un accident de la route, dramatique, certes, mais sans intention criminelle manifeste. Il n’y avait pas préméditation. La victime, Brigitte Ntsama Manuella, a été percutée dans des circonstances douloureuses mais fortuites. Ngannou, en homme de responsabilité, a réagi immédiatement : il a transporté la victime à l’hôpital, pris en charge les frais médicaux, et maintenu le contact avec la famille. Cela n’efface pas la douleur, mais cela engage une part d’humanisme que beaucoup reconnaissent. En revanche, dans l’affaire qui concerne Lydol, le drame est d’un autre ordre. Il s’agit d’un crime : un enfant de six ans poignardé à mort. La gravité est extrême, non seulement parce qu’il s’agit d’un meurtre, mais parce qu’il touche à l’innocence pure. Et si Lydol n’est ni auteur, ni complice, elle est pourtant placée au cœur de la tempête, par proximité familiale et par statut public.

 

Deux responsabilités, deux temporalités

Il faut être juste : Ngannou était l’auteur de l’acte, et pourtant, les critiques publiques furent mesurées. Mieux encore, il a bénéficié d’une forme de compréhension collective, car il a reconnu, agi, assumé. À l’inverse, Lydol est tenue pour responsable non de ses actes, mais de son silence. Et c’est là que l’émotion populaire bascule vers l’irrationnel : on lui demande une parole immédiate, comme s’il existait un protocole unique de réaction à la tragédie. Pourquoi cette pression ? Pourquoi une célébrité devrait-elle se désolidariser de son propre père en temps réel, sans le temps de la stupeur, du choc, du recul ? Et surtout, pourquoi n’a-t-on pas exigé cela, avec la même intensité, de Francis Ngannou, qui pourtant, portait la faute de ses propres mains ? Le traitement médiatique et social de ces deux affaires révèle un déséquilibre de perception : on s’acharne sur la spectatrice (Lydol), pendant qu’on ménage l’acteur involontaire (Ngannou). Il y a là une injustice structurelle qu’il faut dénoncer.

Le poids symbolique des figures publiques

Ni Ngannou ni Lydol ne sont des citoyens anonymes. Ils incarnent, aux yeux du public, une forme d’exemplarité. Leur comportement est scruté, interprété, amplifié. Mais cette notoriété ne doit pas devenir une prison. On ne peut demander à l’un d’être un héros tragique et à l’autre un paratonnerre de la honte familiale. Il faut rappeler que le silence n’est pas un aveu, que la douleur peut rendre muet, que l’expression publique exige maturité et discernement, surtout dans des contextes où la parole engage bien plus que des émotions. Je ne fais que mon travail : poser des mots sur les drames de notre temps, relater une pensée, offrir un regard. Ce regard n’est pas vérité absolue, encore moins sentence. Il est ce qu’il est : un prisme, un effort d’intelligence face à la complexité du réel. Et dans cette complexité, il serait injuste d’imposer une seule manière de réagir, un seul tempo pour s’exprimer, une seule posture pour porter la douleur.

 

 Lydol face à ce qui touche son père fait pitié.  on ne peut pas rapprocher ce drame de celle de Ngannou, le cas de Ngannou était un accident, celui-ci est un crime. Une  mise en parallèle n’est pas un jugement bien sûr, c’est un outil de compréhension. Car dans les deux cas, ce sont des figures publiques prises dans le tourbillon de la tragédie, chacune affrontant à sa manière le poids des attentes collectives. Et pourtant… Francis Ngannou, que l’on sait être directement lié au drame – un père endeuillé, abattu par la plus grande des pertes – n’a pas subi le même torrent de reproches.  NGannou a même  été protégé. Dans pareil événement, il n’y a pas de guide universel. Il n’y a que des êtres humains confrontés à l’indicible, avec leurs silences, leurs chocs, leurs lenteurs. Lydol, peut-être, est-elle encore sonnée par ce que son père est accusé d’avoir fait.

 

Peut-être cherche-t-elle les mots, ou peut-être les refuse-t-elle encore. Et cela aussi mérite d’être entendu. Il est facile de juger les silences quand on n’a pas entendu le tumulte intérieur. Il est plus difficile – mais ô combien nécessaire – de reconnaître à chacun la liberté de sa sensibilité. C’est cela, la diversité d’opinion : accepter que l’autre ne ressente pas comme soi, qu’il ne parle pas comme on l’attendrait, et qu’il ne doive rien d’autre à personne que sa vérité propre. Je ne condamne pas. J’explique. J’éclaire un angle. Et j’espère qu’en ces heures troublées, on se rappellera que la parole est un droit, mais que le silence aussi peut être une forme de dignité. En tant que juriste, toutes ces affaires sont des cas classiques et peuvent servir de jurisprudence.

Une double jurisprudence éthique

Oui…Ces deux affaires, bien que distinctes, peuvent et doivent devenir des cas d’école, des références morales et sociales, des jurisprudences dans la manière de traiter les personnalités publiques face au drame. Dans l’affaire Ngannou, la jurisprudence serait : “Assumer sa part de responsabilité avec dignité apaise les tensions sociales”. Dans le cas de Lydol, elle pourrait être : “Être apparenté à un criminel ne fait pas de vous un criminel. Mais le devoir de clarification devient moral dès lors que vous êtes une voix publique.” La société ne peut exiger une parole instantanée. Mais elle peut espérer, à terme, un positionnement clair, humain, responsable.

 

L’humain d’abord

En tant que juriste, je le dis avec conviction : ces deux cas doivent servir de boussole morale. L’un parle de la responsabilité de l’auteur, l’autre de la responsabilité de la proximité. Ce ne sont pas les mêmes poids, ni les mêmes enjeux, mais ce sont les mêmes douleurs humaines. Que ces drames nous apprennent la nuance. Qu’ils nous rappellent que la justice ne se rend ni dans les cris, ni dans les hashtags, mais dans le respect du temps, de la vérité, et de la dignité. Deux silences. Deux douleurs. Deux manières de faire face à l’insupportable. Mais une seule leçon : la compassion doit guider nos jugements, et la réflexion, nos colères.

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