Infrastructures : le pays a mal à ses routes
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Le ministre camerounais des Travaux Publics, Emmanuel Nganou Djoumessi est officiellement en mission hors de la ville de Yaoundé depuis le 20 octobre 2020, dans le cadre de la visite des chantiers de routes en construction dans les régions du Littoral, du Sud et de l’Ouest. Sorti de la capitale, il a commencé sa visite sur la route qu’il devait emprunter, la route nationale numéro 3 autrement appelée axe lourd Douala Yaoundé. Pour apprécier l’évolution des travaux d’entretien engagés sur ce tronçon routier, à savoir le traitement des nids de poule, le cantonnage, la mise à jour de la signalisation et la réfection des équipements de sécurité.

Plus simplement dit, le gouvernement a décidé de sortir un peu cette route de la brousse dans laquelle elle est plongée en permanence, avec des plaques de signalisation et de limitation de vitesse noyées dans les herbes mais sur lesquelles les équipes de prévention routière s’appuient pour verbaliser les usagers, avec la visibilité quasi nulle surtout au niveau des virages, obstruée par une dense végétation que l’on n’aurait pas dû laisser pousser, avec des gardes fous détruits par divers accidents et dont les restes sont devenus plutôt un danger, avec une signalisation horizontale intermittentes sur une route où deux véhicules se croisent à peine, et dont les bordures servent tout de même de point de commerce par endroit.

La chaussée elle-même était déjà au fond du creux, comme a pu le constater le patron des travaux publics lui-même. Sur les innombrables nids de poules qui la jonchent, 130 avaient déjà été traités sur une distance de 107 kilomètres, soit une moyenne de 1,2 nids de poule par kilomètre. Après un passage dans la région du Sud par Olama Bingambo, le ministre des travaux publics est arrivé dans la ville de Douala où il est allé une fois de plus parlementer sur le chantier inachevable de la sortie de ville en direction de Yaoundé ou pénétrante Est, avec ces entreprises qui entretiennent l’espoir sur les lieux depuis des années, mais qui créent surtout des embouteillages intenables. La route Douala Bafoussam devait être le prochain itinéraire, devant permettre au membre du gouvernement de toucher du doigt les réalités de cette nationale numéro 5 devenue une broyeuse de véhicules.

Les méthodes de grand-mère

Dans la tendre enfance, bon nombres de camerounais en grandissant observaient la grand-mère, qui dans une extrême pauvreté et surtout soucieuse d’habiller ses progéniture, s’attelait à rafistoler les habits, aussi désuets qu’ils pouvaient être. Avec amour et abnégation, elle collait les morceaux les uns après les autres, les uns sur les autres, ce qui pouvait même défigurer l’habit mais elle tenait à ce que le petit garçon porte la culote ou que sa petite fille ne laisse pas paraitre sa peau à cause du trou sur la jupe ou le corsage. Au final, le tissu initial de l’habit déjà bien vieux et usé ne pouvait plus supporter les autres morceaux de tissus racolés ça et là, et c’est finalement un habit sans forme ni couleur que la tente venue rendre visite débarrassait, en se plaignant de ce que grand-mère n’aime jamais jeter un habit.

En 2020, les Camerounais revivent le même scénario, avec ces vielles routes que le gouvernement rafistole d’années en années. La route Douala Yaoundé n’est pas aujourd’hui différente de ce vieil habit que grand-mère ne voulait pas jeter. Une image satellitaire prise de dessus montrerait un ouvrage sans visage, mais le pouvoir y tient. La différence ici, c’est que si grand-mère s’accrochait sur les vieux habits, c’est parce qu’elle n’avait pas de perspective, l’avenir était sombre, ce qui n’est pas le cas pour le gouvernement Camerounais.

Projets interminables

Depuis 2014, il y a 6 ans, le gouvernement a lancé un projet de construction de l’autoroute Yaoundé Douala, longue de 196 kilomètres. Les travaux devaient être livrés dans 48 mois, soit 4 ans après, c’est-à-dire en 2018. Après deux années de retard, on en est encore à une soixantaines de kilomètres esquissés, mais pas achevés. Les travaux sont embourbés dans les lourdes procédures administratives, les blocages des riverains qui exigent leur indemnisation, les rallonges des tâches à réaliser. Fréquemment, les membres du gouvernement convient les médias pour les accompagner faire une ballade sur les bouts de chantier terrassés, ponctués par de grand discours et des reproches faites aux entreprises qui seraient les fautives, lesquelles à leur tour rejettent la responsabilité des retards sur le gouvernement qui ne paierait pas. En avril 2020 par exemple, l’on apprenait que les sociétés China First Highway Engineering Company, le constructeur, et Scet Tunisie, qui assure le contrôle des travaux, cumulent des arriérés de paiements respectifs de 4,3 milliards de FCFA et 700 millions de FCFA, soit 5 milliards de FCFA au total.

Dans le même temps, les banques chinoises qui s’étaient porté garantes pour le financement des travaux à un une certaine hauteur, avaient bloqué les décaissements pour exiger que le gouvernement camerounais verse sa contrepartie. Dans ces disputes, le constat est implacable, on fait du surplace. Pourquoi les travaux n’avancent pas, est-ce finalement un problème d’argent ou de gestion de cet argent ?

Dans une approche managériale basée sur les compétences et les résultats, des ministres auraient déjà fait le constat eux-mêmes de la non atteinte des objectifs, et avoir démissionné eux-mêmes ou avoir été démissionnés. Mais pour qu’on y arrive, encore faudrait-il que ces objectifs soient définis en prenant en compte les intérêts de la population, sinon on continuera de faire du badigeonnage sur les routes et sur autres choses pour entretenir l’illusion, dont le propre est de s’évanouir

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