Christophe Guilhou, nouveau « Monsieur com » de Paul Biya ?
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L'ambassadeur de France a gagné en influence au cours des derniers mois et est de plus en plus considéré comme l’inspirateur et porte-parole du président de la République sur des dossiers chauds.

Le 18 avril dernier, des activistes proches du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) ont lancé une pétition appelant au « départ immédiat » de l’actuel ambassadeur de France au Cameroun. Ils avaient vu d’un mauvais oeil les déclarations surmédiatisées de Christophe Guilhou au terme d’une audience au Palais de l’unité avec le président de la République, deux jours plus tôt. Face à la presse et alors que de folles rumeurs circulaient sur l’incapacité du locataire d’Etoudi à gérer les crises multiformes que traverse le pays quand elles ne le donnaient pas simplement pour mort, le diplomate français avait affirmé avoir retrouvé un Paul Biya « toujours alerte », avant de dévoiler le contenu du tête-àtête avec son hôte : la gestion de la crise du coronavirus, l’aide qu’apporte la France au Cameroun et la situation sécuritaire, notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, en plus des sujets internationaux. Il n’en fallait pas plus aux initiateurs de la pétition pour qu’ils le qualifient d’« agent de propagande » à la solde de Paul Biya et de son régime.

Invité dans ce tourbillon à l’émission « Actualités Hebdos » diffusée sur la Crtv télé, le 19 avril, l’ambassadeur s’était refusé à tout autre commentaire sur le fameux « toujours alerte » lancé par lui-même au sujet des capacités physiques et intellectuelles du chef de l’Etat. Toutefois, Paris s’était d’autant plus agacé d’un tel activisme au sujet de son plénipotentiaire à Yaoundé que, lors d’un point de presse le 27 avril, la porte-parole du Quai d’Orsay s’était vue dans l’obligation de préciser :

« Notre ambassadeur a sollicité un entretien avec le président Biya sur instruction, afin d’assurer le suivi de l’entretien qui a eu lieu entre les deux présidents le 1er mars dernier. Il a aussi porté sur les initiatives prises par la France en soutien des efforts africains dans la lutte contre le Covid-19. Il s’agit là d’un exercice courant et habituel de la vie diplomatique ».

Dossiers chauds

Alors que la polémique ne s’était pas estompée, preuve que du côté du Mrc et de ses alliés cette explication n’a pas convaincu du tout, au sortir d’un nouveau tête-à-tête avec le chef de l’Etat, le 05 juin dernier, Christophe Guilhou révèle que Paul Biya a prescrit l’ouverture d’une enquête sur le décès dans des circonstances demeurées floues du journaliste Samuel Wazizi en août 2017, alors qu’il se trouvait entre les mains de l’armée.

« Étrange attelage du soi-disant chef d'État et de l'ambassadeur de France devenu son porteparole. Celui-ci dévoile l'instruction présidentielle d'une enquête sur la tragique disparition de Samuel Wazizi. Où est l'indignation du chef de l'État face à cet acte odieux dans un État censé être le protecteur des citoyens, qui en devient le bourreau ? », réagira le même jour le conseiller spécial de Maurice Kamto, Christian Penda Ekoko, sur son compte Twitter.

Incontestablement, l'ambassadeur de France est de plus en plus considéré comme le souffleur et le porteparole de Paul Biya sur des dossiers chauds. Et ces derniers mois, il y a eu systématiquement des « annonces fortes » au terme de chaque audience.

A la limite, l'émissaire de Macron est désormais l'homme par qui l'agenda politique est sondé par l'opinion publique. Et dans la galaxie des ambassadeurs de France, sa démarche est tout en rupture. Annoncé comme le tombeur potentiel de Paul Biya, il entretient plutôt des relations chaleureuses et apaisées avec le locataire d'Etoudi. D’ailleurs, il est le seul diplomate accrédité à Yaoundé à avoir été reçu trois fois en l’espace de deux mois au Palais de l’unité.

Peut-être terminera-t-il comme Yvon Omnes, ambassadeur de France au Cameroun dans les alentours de 1984 qui, après sa retraite, a été recruté à Etoudi comme conseiller du président. Si du côté du Mrc, l’on a du mal à s’accommoder d’une telle proximité ou plutôt de cette sorte de lune de miel entre Paris et Yaoundé, Cabral Libii, député de la nation et président national du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), lui, a publié récemment un tweet à la fois ironique et admiratif sur l’influence grandissante de Christophe Guilhou auprès de Paul Biya.

Succession

Un cadre en service à l’ambassade de France à Yaoundé pense, en tout cas, que l’activité récente de l’ambassadeur relève purement et simplement de son travail de diplomate. « Ça s’est toujours passé ainsi, l’ambassadeur s’est toujours exprimé devant la presse au sortir de chaque audience. Nous n’allons pas changer les choses uniquement parce que ces déclarations déplaisent à un parti politique », garantit notre source.

Cela dit, au-delà des sorties querellées de Christophe Guilhou – qui n’est à la vérité qu’un relais entre l’Elysée et Etoudi, c’est la France qui, depuis un temps, semble avoir repris la main dans le jeu des puissances qui a cours pour la succession au Cameroun. Cette influence visiblement retrouvée de Paris sur Yaoundé s’est quelque peu exprimée à travers les déclarations controversées d’Emmanuel Macron devant un activiste camerounais lors du dernier Salon de l’agriculture à Paris, au sujet de la crise anglophone et particulièrement de la tuerie de Ngarbuh :

«Je vais appeler la semaine prochaine le président Biya, et on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences qui se passent au Cameroun et qui sont intolérables ». Quelques semaines après, le rapport de l’enquête prescrite par Paul Biya épinglait des éléments des forces de défense et de sécurité sur ce drame attribué au départ à des groupes séparatistes anglophones.

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