PROJET DE LOI, COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES: LE VERRE EST À MOITIÉ PLEIN.
CAMEROUN :: POINT DE VUE

CAMEROUN :: PROJET DE LOI, COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES: LE VERRE EST À MOITIÉ PLEIN. :: CAMEROON

S'il est constant que l'article 246 relatif à l'autochtonie du maire de la ville est à supprimer, du fait de son caractère antirépublicain, nocif et potentiellement explosif pour l'intégration nationale et notre vivre-ensemble, il ne faudrait surtout pas que les camerounais s'intéressent uniquement à cet article alors que le code général des collectivités territoriales décentralisées comporte 501 articles au total.

Une telle démarche fait le lit de Yaoundé en ce sens que ceux qui s'y attèlent obstinément jouent inconsciemment le jeu de Yaoundé qui a toujours excellé dans la diversion et le cynisme chaque fois qu'un texte est soumis au Parlement.

Plus on se focalise uniquement sur ce funeste article 246, mieux on joue le jeu de Yaoundé qui ne pourra que boire du petit lait. Condamner fermement cet article, OUI. Ignorer les 500 autres articles qui impactent considérablement les mécanismes de dévolution du pouvoir politique et économiques dans toutes les collectivités territoriales décentralisées du pays notamment dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest, NON.

Concernant justement les cinq cents (500) autres articles, des avancées, des insuffisances et des pièges méritent d'être relevés.

S'agissant des avancées, on peut citer entre autres:

  1. La suppression de la communauté urbaine et instauration de la "mairie de la ville" dirigée par le "maire de la ville" qui sera désormais élu par les maires des communes d'arrondissement et les grands conseillers issus de chaque commune
  2. Dans le cadre de la Dotation générale de la décentralisation (DGD), le transfert d'un minimum de 15% des recettes de l'Etat aux communes d'arrondissement, contre 1% . Il convient de noter que la DGD et les crédits transférés par l'Etat aux CTD n'ont jamais franchi la barre de 3,5% des recettes globales de l'Etat au cours d'un exercice.
  3. Le recrutement et la gestion par les communes d'arrondissement du personnel infirmier et paramédical des centres de santé intégrés (CSI) et des centres médicaux d'arrondissement (CMA)
  4. Le recrutement et la prise en charge du personnel enseignant des établissements préscolaires, écoles primaires et maternelles
  5. Les ressources financières débloquées par l'Etat dans le cadre de l'exercice des compétences transférées aux collectivités territoriales décentralisées ne seront plus inscrites dans les budgets des départements ministériels, mais directement affectées aux collectivités territoriales dècentralisées.
  6. Le renforcement de la participation citoyenne à travers l'implication des populations à toutes les phases de l'élaboration et de l'exécution des budgets, programmes et projets et par l'institution des comités de quartier ou de village dans les communes.
  7. En cas de conflit de compétences entre le maire de la commune d'arrondissement et le maire de la ville, l'un des deux saisit le tribunal administratif pour le règlement du litige.

Dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest spécifiquement:

Les régions du noso bénéficient d'un statut spécial fondé sur la spécificité linguistique. Outre les 18 compétences dévolues à toutes les huit autres régions du pays à savoir le développement économique, les infrastructures, le transport, l'urbanisme, l'habitat, les affaires foncières et domaniales, la santé, l'action sociale, l'eau, l'énergie, l'éducation - ce qui suppose que Yaoundé s'occupera uniquement des domaines de souveraineté et des grands chantiers nationaux -, les réformes suivantes ont été actés dans le projet de loi portant code général des collectivités territoriales dècentralisées:

  1. Système éducatif et système judiciaire particuliers dont les modalités seront fixées par des lois spécifiques.
  2. Mise sur pied d'une Assemblée régionale et d'un Conseil exécutif regional dans chacune des deux régions
  3. Chaque Assemblée régionale dispose de deux Chambres à savoir la Chambre des délégués départementaux (70 délégués par région) et la Chambre des chefs traditionnels (20 par région)

Il y a manifestement eu des avancées certes mais également des insuffisances et des pièges qui nécessitent des compléments d'informations du gouvernement au Parlement en particulier et au peuple en général:

  1. L'absence de délai, le calendrier de mise en oeuvre des différentes étapes de ces réformes et l'engagement ferme de respecter ce calendrier
  2. Le niveau insuffisant de la fraction des ressources transférées par l'Etat aux collectivités territoriales décentralisées. Un minimum de 15% là où il faut un minimum de départ de 25% qu'il faudrait par ailleurs constitutionnaliser.
  3. Le rôle toujours néfaste du représentant de l'Etat dont les pouvoirs ne se limitent pas seulement au rôle de contrôle de la régularité (le médiateur dans le noso par exemple est nommé par le Président de la République sur proposition du Président du Conseil exécutif régional et du représentant de l'Etat).
  4. Le système éducatif et le système judiciaire particuliers du fait de la spécificité linguistique dans le noso ne sont pas déclinés dans le Code général des collectivités territoriales dècentralisées qui mentionne juste qu'ils feront l'objet de lois spécifiques. Le délai de mise en oeuvre mérite une fois de plus clarification pour éviter la roublardise, l'esbrouffe et l'inertie des gouvernants actuels. Progressivité a toujours signifié "sans délai " pour Yaoundé.
  5. Le coût financier de la réforme ainsi que le mode de financement. Pour implémenter ces réformes, il faut des moyens colossaux notamment financiers. Combien cela va coûter et où va-t-on prendre cet argent?

Il est constant que si les moyens ne suivent pas, la réforme va se retrouver en état d'hibernation. Compte tenu de l'état pratiquement exsangue de nos finances publiques, ne faudrait-il pas que Yaoundé se résolve à conduire cette cette réforme sous l'égide de l'ONU ou de l'UA? Il ne servira à rien de bomber le torse. Cette réforme nécessaire et indispensable pour le processus de retour à la paix, la concorde et la reconciliation nationale aura un coût. Pour ne pas définitivement étrangler le contribuable camerounais qui peine à joindre les deux bouts, il faudra l'appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux. Ces réformes nécessitent bien évidemment une expertise avérée et réelle en la matière. Pas besoin de solliciter le groupe de centralistes tapis dans les ministères qui ont de tout temps freiné des quatre fers pour que la décentralisation soit mort-née. À cet égard, en plus de ce qu'il sera difficile d'épuiser les questions soulevées en 15 jours, le fait que le Parlement sera tout seul et sans assistance technique serait un véritable risque face à ces prédateurs qui ont transformé la manne financière de l'Etat central en leur mamelle nourricière. On aurait pu faire simple en proposant une loi-cadre prise en application des dispositions de la Constitution et des recommandations du Grand dialogue national.

Au vu de ce qui précède, le verre est à moitié plein. La bataille permanente du Sdf et par ailleurs contenue dans son slogan "POUVOIR AU PEUPLE " est entrain de se matérialiser du fait des efforts consentis par nos compatriotes anglophones ainsi que de la constance et de la cohérence des revendications du Sdf tant au niveau institutionnel que dans ses prises de position publiques. Evidemment, le Sdf ne s'attendait pas que Yaoundé - réputé pour son autisme, son mépris et sa condescendance - accède à toutes nos attentes notamment la forme fédérale de l'Etat qu'ils n'ont eu de cesse de combattre durant trois décennies. Le projet de loi portant Code général des collectivités territoriales dècentralisées est une réforme qui se situe entre la décentralisation et le fédéralisme.

Le combat continue pour autant pour que la paix tant souhaitée revienne rapidement et définitivement dans le noso. La pression et la vigilance institutionnelle seront toujours de mise. Toutes les lois continueront d'être passées au peigne fin. Le fédéralisme prôné depuis sa création comme forme de l'Etat aurait pu constituer un formidable déclic de retour à la paix avec possibilité d'effet immédiat. L'Adn de Yaoundé est hélas toujours inscrit dans ses gênes et les habitudes ont décidement la peau dure du côté de ceux qui nous gouvernent.

Une fois de plus le verre est à moitié plein et il va falloir le remplir. C'est le noble combat permanent du Sdf et ses plénipotentiaires ne ménageront aucun effort dans ce sens.

Le gouvernement détient tous les leviers pour une décrispation et un retour de la paix dans le noso. Afin de susciter une compréhension et une adhésion populaire notamment dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest, une campagne d'explication et d'information organisée et menée par des personnes crédibles est nécessaire pour cette avancée vers le fédéralisme. À condition bien sûr que Yaoundé joue franc jeu à cette étape qu'on pourrait qualifier de mi-parcours vers le fédéralisme.

Jean Robert Wafo
Ministre du shadow cabinet du Sdf en charge de l'information et des médias

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