Mutinerie à la prison de Kondengui : Quand Human Rights Watch dénonce la torture des détenus
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Retour sur le communiqué publié le 20 août dernier par l'ONG.

Le communiqué de Human Rights Watch daté du 20 août dernier, publié sur le site Internet de l'ONG sous le titre : "Cameroun : des détenus torturés", met en cause les autorités camerounaises accusées d'avoir détenu "plus d’une centaine de personnes au secret et torturé un grand nombre d’entre elles dans un centre de détention à Yaoundé, la capitale du Cameroun, entre le 23 juillet et le 4 août 2019." Human Rights Watch désigne ledit centre de détention et rappelle les circonstances de transfert des détenus : "Les détenus ont été transférés vers ce centre, le Secrétariat d’État à la défense (SED), le lendemain matin d’une émeute de détenus à la prison centrale de Yaoundé le 22 juillet pour protester contre la surpopulation, les conditions de vie désastreuses et les retards dans le traitement des dossiers devant les tribunaux.

Nombre d’entre eux étaient détenus parce qu’ils étaient soupçonnés de faire partie de groupes séparatistes armés opérant dans les régions anglophones du Cameroun ou de les soutenir. Depuis fin 2016, un cycle de manifestations civiles dans ces régions suivies de répression gouvernementale a dégénéré en hostilités entre les forces gouvernementales et des groupes séparatistes armés, faisant plus de 2 000 morts. Parmi les autres détenus figuraient des membres et des partisans du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), un parti d’opposition." Human Rights Watch établit que "Pendant près de deux semaines, le lieu où se trouvaient la majorité d’entre eux était inconnu. Lorsque la détention d’individus est suivie d’un refus soit de reconnaître leur détention, soit de révéler leur sort ou le lieu où ils se trouvent, cela constitue une disparition forcée, autrement dit une atteinte flagrante aux droits humains, a indiqué Human Rights Watch."

Détenus au secret

L'ONG dit avoir mené des entretiens avec 14 personnes qui avaient été détenues au SED, "qui ont toutes déclaré avoir été torturées et détenues au secret pendant toute la période où elles s’y trouvaient", et Human Rights Watch affirme avoir recueilli des "témoignages dignes de foi indiquant que des dizaines d’autres avaient également été torturées. Human Rights Watch s’est par ailleurs entretenue avec des parents de détenus et six avocats qui lui ont fourni des renseignements sur leurs clients et leurs conditions de détention." Les 14 détenus interrogés par Human Rights Watch ont expliqué avoir été détenus au SED pendant 12 jours avant d’avoir pu s’entretenir brièvement avec des avocats le 3 août.

L’ONG rapporte les propos de l'épouse d’un détenu anglophone arrêté fin 2016 à Bamenda, dans la région du Sud-Ouest, qui avait été détenu à la prison centrale de Yaoundé : "J’étais sans nouvelles de lui depuis le 23 juillet. L’avocat m’a dit qu’il avait fini par le voir au SED, mais je ne lui ai pas parlé. J’étais très inquiète, parce qu’il avait déjà été torturé au SED auparavant. Quand je suis allée à Kondengui [la prison centrale] le jour de l’émeute, on m’a interdit d’entrer. Je suis allée au SED et un gardien m’a dit qu’un grand nombre de ceux qui avaient été transférés depuis la prison centrale étaient détenus au SED. Mais il ne m’a pas laissé entrer."

Human Rights Watch rapporte d'autres temoignages, celui d'un détenu de 41 ans de Ndu, dans la région du Nord- Ouest : "Au SED, personne n’avait accès à sa famille. Ma famille a dû croire que j’étais mort. Des avocats sont venus la veille du jour où on nous a ramenés à Kondengui [prison centrale]. Mais pendant 12 jours, on a été détenus au secret, sans accès au monde extérieur. Si vous demandiez à voir quelqu’un, on vous battait sévèrement. Et celui d'un homme de 25 ans de la région du Sud-Ouest : "Nous n’avons vu personne d’autre que les gardiens, qui n’ont fait que nous battre et nous insulter pendant deux semaines. Nous n’avions pas accès à l’extérieur et ne pouvions appeler personne ; nous ne pouvions pas voir nos avocats et nos familles. C’était un cauchemar."

Plâtre au bras

Le 15 août, Human Rights Watch dit avoir envoyé un courrier avec ses conclusions aux autorités camerounaises, sollicitant une réponse à ses questions mais note que "le gouvernement n’a pas répondu." Soulignons qu'un communiqué de presse du 2 août du ministre de la Communication René Emmanuel Sadi avait confirmé le transfert de 224 prisonniers depuis la prison centrale vers des unités de police et de gendarmerie à Yaoundé pour y faire l’objet d’interrogatoires (Depuis, ils comparaissent pour certains devant le tribunal d'Ekounou à Yaoundé). Le portail des camerounais de Belgique. Le ministre de la Communication n'avait pas réagi aux témoignages de torture martelés par certains détenus mais avait insisté sur le professionnalisme des forces de maintien de l'ordre mobilisées en cette occasion : "(...) les forces de maintien de l'ordre, mise à contribution, ont reussi, en utilisant exclusivement des outils modernes de dissuasion, avec maîtrise, tact et professionnalisme, à restreindre l'ampleur des dégâts engendrés par cette mutinerie." Et René Emmanuel Sadi avait précisé que les "procédures légales initiées a l'encontre des meneurs de cette insurrection ont été conduites dans le strict respect des lois et règlements de la République."

Toutefois, Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch est loin d'être rassuré : « Ces récits crédibles de torture et d’abus au Secrétariat d’État à la défense ne sont malheureusement pas les premiers, mais seulement les plus récents. » Et le communiqué de Human Rights Watch du 20 août conforte cet avis en rapportant le témoignage notamment des avocats de Mamadou Mota, vice-président du Mrc, détenu depuis le 1er juin, qui ont déclaré à Human Rights Watch qu’un gardien de prison et un gendarme l’avaient battu à la prison centrale, lui fracturant un bras, et qu’il avait ensuite été emmené au Sed où il a été maintenu à l’isolement. Mamadou Mota est ensuite apparu aux audiences au tribunal d'Ekounou avec un plâtre au bras.

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