Brésil, de la réalité de l’esclavage au mythe de la démocratie raciale
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Quand on parle de la diaspora noire aux Amériques, on pense directement aux Etats-Unis, mais la majorité des Africains réduits en esclavage ont été déportés… au Brésil !

Brésil, de la réalité de l’esclavage au mythe de la démocratie raciale

Le pays détient de sordides records : 5 millions, plus grand nombre d’Africains déportés ; 354 ans, plus longue durée de légalité de l’esclavage en Occident. Surnommée la ville merveilleuse, au carnaval flamboyant, Rio de Janeiro eut aussi sa face obscure, comme en témoigne encore aujourd´hui le site du Cais do Valongo, plus important quai de débarquement de bateaux négriers au monde, et le cimetière des Novos Pretos, ou furent jetés les restes des Africains ayant péri peu après l’arrivée au Brésil.

Le Brésil s’est bâti sur le sang et la sueur des Africains et n’a aboli l’esclavage que lorsqu’il n’en avait plus le choix. On célèbre cette année les 130 ans de la lei Aurea ayant aboli l’esclavage. Mais les conditions de la population afro-brésilienne ont-elles tant changé dans cette nation chantre du métissage ?

1888, le Brésil est la dernière nation américaine à abolir l’esclavage, 40 ans après la France et 23 ans après les Etats-Unis. Malgré cette proclamation symbolique, aucune action n´est mise en place pour permettre aux anciens esclaves de s’émanciper et nulle redistribution des terres et des richesses n’est acceptée. Paradoxalement, beaucoup de ces nouveaux libres n’eurent d’autres choix que de retourner travailler pour leurs anciens maîtres.

La seule politique mise en place ? Celle du branqueamento : favoriser l´immigration blanche pour rétablir de « meilleurs » quotas raciaux, en se désintéressant toujours du sort des populations noires, simplement transférées des sous-sols des senzalas aux hauteurs des favelas.

Aujourd’hui encore, le Brésil n’est pas le pays de la démocratie raciale, mais des inégalités raciales : 53% de la population est considérée noire au Brésil. 70% des brésiliens qui vivent dans l’extrême pauvreté sont noirs tandis que 80% des brésiliens les plus riches sont blancs.

Un noir a cinq fois plus de chances d’être analphabète mais quatre fois moins d’avoir un diplôme. Chaque jour, 62 jeunes noirs sont tués, soit 23 000 par an. De 2004 à 2014, la part des meurtres de femmes blanches a diminué de 46% à 32%. Celui des femmes noires ? Augmenté de 48% à 62%. Le 14 mars 2018, Marielle Franco, conseillère municipale de Rio se faisait assassiner. 4 balles dans la tête :

  1. Parce que femme
  2. Parce que noire
  3. Parce qu’issue des favelas
  4. Car ayant eu le courage de porter la voix des opprimés et de dénoncer le génocide noir, terme utilisé par les Afro-Brésiliens pour qualifier la guerre insidieuse menée contre eux.

Mais comment le pays du métissage peut-être aussi raciste ?

Car le métissage n’a malheureusement aucun effet sur l’élimination d´un système raciste. Rappelons que le premier métissage fut celui des viols des femmes africaines par les marins et les maîtres pour anéantir leur dignité et augmenter le cheptel. Certains enfants mulâtres ont pu être libérés mais la plupart sont restés esclaves sur la plantation de leur géniteur. Le système coloriste, hiérarchisant la beauté et l’humanité des Afro-descendants selon leur teinte a pu servir à diviser pour mieux régner. Reprenons ici le cas des mulâtres d´Haïti dont le premier souhait était d´obtenir l’égalité avec les blancs tout en maintenant l’esclavage. Ce n’est qu’en ultime recours, lorsqu’on leur a refusé l’égalité, qu’ils ont finalement décidé de s’allier aux esclaves. Le programme d’embranquecimento a joué sur les complexes de certains Afro-descendants et leur volonté d’éclaircir la peau de leur descendance comme moyen d’éclairer leur destinée. L´expression antillaise « lapo chapé » (la peau échappée) y fait cruellement référence. Échappée de quoi ? De la noirceur.

Avoir différentes teintes de peau et de mélanges ne change donc pas automatiquement le racisme. Trop souvent, cela ne fait que rajouter des pions pour jouer au même jeu sans avoir à changer les règles, celles des hiérarchies raciales institutionnalisées.

Réveil des consciences, réappropriation des valeurs, de la culture et de l’éducation, abandon des complexes d’infériorité, retour spirituel et physique en Afrique , organisation en économie collective, construction politique, , remise en cause des systèmes d’accumulation générationnelle des richesses et des privilèges, positive actions, mécanismes de redistribution et de réparations…

Voici des premiers pas pour faire en sorte que les dés cessent enfin d’être pipés.

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