Législatives 2019 : L’urgence et l’exigence d’une révision constitutionnelle
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Par deux textes (l’un législatif et l’autre réglementaire), les mandats des députés à l’Assemblée Nationale et des conseillers municipaux ont été prorogés de douze mois pour prendre fin, finalement, le 29 octobre 2019. Il s’est agit là d’un cas de force majeure effectivement prévu par la loi. En effet, au cours de l’année 2018, quatre scrutins au moins auraient dû être organisés : les élections sénatoriales, les élections législatives, les élections municipales et l’élection présidentielle. Dans certains pays, ce cas de figure est connu sous le nom d’élections générales. Seulement, après une évaluation des circonstances dans lesquelles devaient se tenir trois de ces quatre scrutins (les élections sénatoriales ayant un calendrier nettement décalé des autres), le président de la République, en parfait accord avec la Constitution, a initié et procédé à la prorogation des mandats des députés à l’Assemblée Nationale et des conseillers municipaux, motif pris de ce qu’il fallait éviter l’enchevêtrement des opérations électorales relatives à l’élection présidentielle, aux élections législatives et municipales, ce qui, sur les plans technique et organisationnel, était susceptible de nuire à la sincérité desdits scrutins. C’est ainsi que la loi n° 2018/013 du 11 juillet 2018 et le décret n° 2018/406 du 11 juillet 2018 ont prorogé de douze mois respectivement, soit jusqu’au 29 octobre 2019, les mandats des députés à l’Assemblée Nationale et des conseillers municipaux.

En principe donc, les élections législatives et municipales devraient se tenir en cette année 2018. Les élections municipales ne posent pas de problèmes juridiques particuliers, en ceci la loi n’a pas prévu des délais de convocation du corps électoral différents, selon que l’on est en période normale ou en période exceptionnelle, dans les cas de prorogation ou d’abrègement des mandats. L’article 169 (3) du code électoral qui traite de la convocation du corps électoral en vue de l’élection des Conseillers Municipaux stipule tout simplement que « l’élection a lieu au plus tard vingt (20) jours avant l’expiration du mandat des Conseillers Municipaux ». Oui, en principe, les élections législatives doivent se tenir en 2019! En principe, parce ces élections ont été annoncées par la plus haute autorité de l’Etat, le président de la République. En principe, parce que l’imagerie populaire en est convaincue. Mais… Oui un mais !

En effet, deux textes traitent de l’organisation des scrutins : la Constitution de la République du Cameroun et la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral, telle que modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012. Si la Constitution est muette sur les délais de convocation du corps électoral en période normale, cette matière est bien précisée dans la loi sus-visée. L’article 86 (2) du code électoral prévoit que « l’intervalle entre la publication du décret convoquant le corps électoral et la date fixée pour le scrutin est de quatre-vingt dix (90) au moins. Et l’article 148 (3) précise que « l’Assemblée Nationale se renouvelle intégralement tous les cinq (5) ans. L’élection a lieu au plus tard quarante (40) jours avant l’expiration du mandat des députés ». Par conséquent, en période normale, le corps électoral est convoqué obligatoirement quatre-vingt dix jours au moins avant la date fixée pour la tenue du scrutin, scrutin qui, dans ce cas, doit avoir lieu obligatoirement le cinquantième (50ème) jour après la publication du décret portant convocation du corps électoral. C’est le cas de figure en temps normal.

Or les élections législatives annoncées pour l’année 2019 rentrent dans le cas de circonstances exceptionnelles. Pourtant, le dispositif prévu par la Constitution semble inopérant et porteur de germes d’une crise institutionnelle. En effet, l’article 15 (4) (nouveau) de la loi fondamentale dit qu’ « en cas de crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil Constitutionnel et des Bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de décider, par une loi, de proroger ou d’abréger son mandat. Dans ce cas, l’élection d’une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et cent vingt jours (120) au plus APRES l’expiration du délai de prorogation ou d’abrègement de mandat ».

Cette disposition est lourde de conséquence dans le cas actuel du renouvellement des parlementaires de la chambre basse. Les mandats ont été prorogés jusqu’au 29 octobre 2019. Une application saine et rigoureuse de la Constitution, telle qu’elle est écrite actuellement, situe les prochaines élections législatives au plus tôt le 08 décembre 2019, soit quarante (40) jours après l’expiration des mandats, et au plus tard le 26 février 2020, cent vingt (120) après l’expiration des mandats. Dans cette hypothèse, le Cameroun se retrouverait sans Assemblée Nationale entre le 29 octobre 2019 et le 08 décembre 2019 au moins, et entre le 29 octobre 2019 et le 26 février 2020 au plus. Ce qui constituerait assurément un vide institutionnel très grave. Comment en est-on arrivé là ?

Certainement un coup de fatigue ou une inattention des rédacteurs de la loi fondamentale qui on confondu un détail : la préposition « après » a été portée à l’article 15 (4) (nouveau) de la Constitution au lieu de la préposition « avant » qui était et est plus correcte. Un détail, certes mais un détail aux grosses conséquences. Décidément le diable siège dans le détail.

De ce qui précède, et après avoir envisagé et évalué toutes sortes d’hypothèses, une seule solution parait à la fois une urgence et une exigence juridique : procéder à une révision constitutionnelle à la session parlementaire de mars prochain, pour remplacer le mot « après » par la préposition « avant » à l’article 15 (4) (nouveau) de la Constitution. Et la disposition révisée du texte fondamental serait : « en cas de crise grave ou lorsque les circonstances l’exigent, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil Constitutionnel et des Bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de décider, par une loi, de proroger ou d’abréger son mandat. Dans ce cas, l’élection d’une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et cent vingt jours (120) au plus avant l’expiration du délai de prorogation ou d’abrègement de mandat ». Toute autre solution aurait forcément des conséquences juridiques dramatiques.

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