Cameroun: SHANDA TONME: "On prépare certains Camerounais à fuir seulement le pays à un moment donné"
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Cameroun: SHANDA TONME: "On prépare certains Camerounais à fuir seulement le pays à un moment donné" :: CAMEROON

On ne l’a pas beaucoup entendu ces derniers temps sur l’échiquier politique, pas du tout lors de l’élection présidentielle, ni avant ni même après, rien, sur les candidats ni sur l’appréciation des résultats, absent des plateaux de télévision. Et même s’il est bien présent sur la défense des causes civiles, notamment avec son organisation la COMICODI, plus d’une personne s’est posé et se pose des questions sur un silence qui ne s’explique pas, connaissant l’homme. Le Messager est allé vers lui, pour comprendre. Et voici le résultat.

Que répondez-vous à ceux qui disent ne pas comprendre votre posture actuelle ?

Je réponds tout simplement que je n’ai pas changé et ne changerai jamais.

Ne trouvez-vous pas curieux que vous soyez resté silencieux comme une carpe durant et après l’élection du 11 octobre, en dépit des débats et surtout de l’animation auxquelles l’événement a donné lieu ?

Vous avez peut-être raison, mais un homme qui sait ce qu’il veut, ce qu’il faut faire, où il va et quels buts et objectifs il souhaite atteindre dans la vie, n’a pas besoin de se montrer ou de s’exprimer tout le temps. Parfois il faut savoir se taire, se faire absent voire même se faire oublier, mais tout en restant cohérent avec ses principes. C’est un choix stratégique.

Voulez-vous dire que vous n’avez soutenu aucun candidat ?

Je mentirais si je le disais, je trahirais ma conscience, je tuerai ce qui dans la profondeur de ma personnalité construit mon univers politique et ma prospective sociale selon ce que je pense pour le destin du Cameroun. J’ai voté clairement et franchement Maurice Kamto.

Pouvez-vous donner les raisons ?

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de m’expliquer sur ce choix, et je ne peux pas vous dire que je partage totalement ses vues sur nombre de sujets. Lui, c’est un intellectuel droit dans ses bottes, un juriste rigoureux et un technocrate, ce qui est tout mon contraire, puisque je suis d’abord un idéologue et un populiste lourdement ancré dans les arcanes militants. J’ai une longue expérience de syndicaliste qui rompt avec la politique selon les formes élégantes et trop conviviales. Je dois vous dire à la vérité, que je le connais depuis très longtemps et que je le respecte infiniment.

Quels sont vos points de divergence ?

Les points de divergence sont nombreux, à l’instar de la problématique du fédéralisme que je soutiens et lui pas. Je n’ai pas non plus été d’accord sur la façon dont il est parti du gouvernement, mais là c’est son affaire et il était libre de faire comme bon lui plaisait, puisqu’il gérait ainsi son destin politique personnel et individuel.

A vous entendre, devrait-on conclure que le LAAKAM avait travaillé pour Kamto ?

Franchement, il ne faut pas mélanger les pédales. Je ne comprends toujours pas comment on a pu monter ces grossièretés. Maurice Kamto avait l’équipe de loin la plus solide et la plus représentative en termes de brassage. Il n’avait nullement besoin des faveurs ethniques ni des soutiens de quelques organisations ou associations de village. C’est triste qu’on ait voulu l’accabler avec ces histoires dont il est si éloigné. Je veux dire ici que la façon dont il a été traité, agressé et même vandalisé par certains médias à la solde est indigne d’une démocratie réelle. C’est vrai qu’après son auto-proclamation comme président de la République, il y avait de quoi s’émouvoir, mais des jours avant le scrutin, des réseaux du RDPC n’avaient-ils pas procédé de la même manière en intoxiquant les électeurs avec un sondage monté de toute pièce ? Pour moi il avait agi en pur politicien tacticien pour déstabiliser le camp adverse. Je ne veux rien justifier ni excuser, mais je constate simplement qu’il était dans son rôle de compétiteur. Je suis en train de terminer un livre sur ces événements que j’ai soigneusement documentée. Il paraîtra en mars 2019.

Mais il a tout de même raflé l’ouest ?

Il me semble que les autres candidats ont affiché partout cent pour cent dans leur village, sauf Kamto. Personne n’a rien dit, et pourquoi ?

Je proteste franchement contre cette fixation maladive et maladroite sur le Bamiléké comme instrument de sectarisme. C’est une rengaine qui revient à chaque étape cruciale de notre destin national, et c’est déplorable. Les individus qui font la promotion de cette bêtise jouent avec le feu, et nous exposent à des dérives qu’heureusement nous parvenons à contrôler pour l’instant.

Et cette note, ou plutôt ce communiqué que l’on attribué au LAAKAM ?

Vous dites bien « que l’on a attribué au LAAKAM », et c’est exact. Je peux vous dire que c’est injurieux, insensé et maladroit. Au stade actuel de nos enquêtes, je peux vous révéler que cette connerie a été fabriquée en haut lieu, par des mains officielles presque insoupçonnées, dans le but de mettre le feu au pays et d’accuser KAMTO et les Bamilékés. On a voulu créer un mouvement de rassemblement et de répulsion anti-Bamiléké, en faisant du pauvre candidat du MRC le bouc émissaire, la bête à abattre. Bien que nous ayons démenti, et bien que nous ayons fait savoir en haut lieu que nous n’étions nullement concernés, et surtout pas le candidat du MRC, des milliards ont été investis pour commanditer la guerre civile à travers certains journaux. Les auteurs de cette cabale répondront tôt ou tard devant le tribunal de l’histoire.

A vous entendre, les Bamilékés n’avaient pas un candidat non plus ?

Mais cher ami, il faut dépasser cette équation de candidat d’une tribu. Le Cameroun n’est plus à ce stade. Cessons de ramener le pays en arrière. Les problèmes, la misère, les souffrances, le besoin de réussite et l’instinct de survie sont dorénavant unificateurs et fédérateurs. Seuls quelques idiots et quelques attardés surfent encore sur ce tableau. Et puis, de qui aurait-on peur, s’il faut parler de candidat d’une région ou d’une tribu ? A quelles fins parlerait-on d’ailleurs de cette façon ? A qui profiterait une telle dérive obscurantiste à l’heure de la modernisation de la politique ?

Ceux qui axeront une démarche politique sur la tribu sont voués à la perdition absolue, et ce sera ainsi pour toujours. Le monde a changé et ne s’accommode plus de ces sectarismes et de ces particularismes abjects.

Parlons maintenant du financement de la campagne de Kamto. Vous ne pouvez pas quand même réfuter qu’il a reçu certains soutiens de poids,

Je vois où vous voulez en venir. Ecoutez, sans être dans la campagne de monsieur Kamto, mais m’exprimant en haut responsable Bamiléké, je vous dis tout de suite que les fantasmes que l’on a développés sur des milliards qu’il aurait reçus de certains riches Bamilékés, n’engagent malheureusement que leurs auteurs. C’est mal connaître les milliardaires Bamilékés en question que de les créditer de tant de gentillesses et de calculs. Là aussi, nous avons mené des enquêtes pointues, et tout s’est avéré faux, complètement faux. Je l’ai personnellement fait savoir là-haut, au sommet du pouvoir. Cependant, je suis très surpris par la conception sectaire, égoïste et unilatéraliste de la politique qui domine la réflexion au Cameroun. Il faudrait plutôt regretter que les milliardaires dont il est question, aient tout donné seulement au RDPC et pas aux autres. Dans un jeu politique normal et civilisé, les donateurs sont libres et font le geste pour tout le monde, des deux côtés, au candidat du pouvoir et aux candidats de l’opposition. C’est ce qui doit être fait et c’est ce qui semble même être la règle. Pourquoi s’en offusquer ? Un candidat moins fortuné, bien organisé et intelligent peut fort bien surclasser un candidat plus riche et doté de gros moyens. Enfin, il ne faudrait surtout pas oublier que Kamto disposait déjà de par ses activités internationales soutenues par un parcours académique et professionnel exceptionnel, de moyens personnels consistants.

Comment expliquez-vous la chute ou le recul du SDF, disons même la déroute ?

D’abord, nous étions loin d’une élection normale et régulière. On ne saurait parler de consultation nationale dans ces conditions, je veux dire avec l’absence de deux régions majeures du pays plongées dans la guerre civile. Vous savez bien que ce sont les bastions du SDF. Mais plus grave, je ne comprends pas comment Ni John Fru Ndi, dont je connais et loue la sagesse, a pu envoyer dans une compétition nationale, un homme presque inconnu, perçu comme un opportuniste, un arriviste. J’admire le bon parler de ce monsieur qui était candidat du SDF, mais franchement, les populations ne l’ont jamais pigé et c’était dévident dès le début. Et l’autre faute, la faute sectaire, la faute tribale, la faute que personne ni de l’intérieur ni de l’extérieur du SDF ne pouvait pardonner, celle de passer la main à un autre anglophone. Cela, on n’a pas accepté et on ne pouvait pas accepter. Nitcheu Jean Michel par exemple aurait crevé les plafonds, remporté l’affaire haut la main. Le SDF a commis une erreur dont il sera très difficile de se relever.

Ecoutez, comment expliquez-vous que quelqu’un qui quelques semaines seulement en arrière, postulait à la fonction de Chef d’Etat, soit maintenant mêlé aux merdiers de la FECAFOOT ? C’est du grand n’importe quoi. Il faut que le SDF qui a façonné l’histoire de la contestation populaire et du mouvement contemporain de changement politique au Cameroun, en osant réveiller les consciences depuis la rue, fasse son mea-culpa. Ce parti reste un grand parti et il doit se relancer. Ni John Fru Ndi demeure l’homme politique le plus valeureux, le plus charismatique et le plus emblématique de l’histoire du Cameroun après Ruben Um Nyobè. Cela ne souffre d’aucune contestation et personne ne devrait lui manquer de respect.

Et la victoire de Paul Biya, comment l’analysez-vous ?

On ne spécule pas sur quelque chose qui est connu d’avance et acquis au-delà de tout doute, de toute hésitation et de toute contestation. Tous les candidats à cette élection le savaient, et presque tous les compatriotes et les observateurs étrangers, à l’exception de quelques naïfs ou simples d’esprit, le savaient parfaitement. Ce n’est donc pas moi, avec la tête que j’ai, qui pouvais l’ignorer. Je trouve même que le candidat du RDPC a fait preuve d’une élégance et d’une assurance exemplaires dans la programmation et l’anticipation de sa victoire, puisqu’on n’a pas, contrairement à ce qui se fait ailleurs, bloqué les réseaux sociaux qui s’en sont donnés à cœur joie, entrant par moments en furie et en folie.

Personnellement je suis heureux de ne pas être dans la peau d’un candidat contre Paul Biya, parce que je reste très respectueux et admiratif sur la façon dont il est arrivé au pouvoir. Il était apparu pour Ahidjo, quoi que l’on puisse dire maintenant, comme un bon commis de l’Etat, un collaborateur loyal, modèle, honnête et disponible. Ce n’est pas le cas de ses héritiers ou de ses créatures qui semblent être tout le contraire, et contre lesquels nous nous battrons avec fermeté, sans pitié aucune et avec la plus grande détermination politique.

Revenons à vous personnellement. Ils sont nombreux, les gens qui s’attendaient à vous voir parmi les candidats. Le savez-vous au moins ?

Oui, je suis parfaitement bien informé. Certaines personnes m’ont appelé pour m’insulter carrément, et d’autres m’ont dit qu’ils ne se dérangeraient pas pour aller voter. Les appels dans ce sens sont venus de partout, beaucoup de l’étranger. J’ai conseillé d’aller voter, chacun selon sa conscience.

Alors, avez-vous un message ?

Quel message voulez-vous que j’envoie ? Je maintien ce que je vous ai dit en commençant cet entretien. Le moment viendra et ce sera le moment idéal, crucial, pour ne pas dire décisif. Pour être honnête, je ne voyais pas cette élection comme le match décisif pour le destin du Cameroun. Pour moi ce n’était même pas un match de troisième division. Quand ce sera le moment, vous verrez le miracle de la politique populiste et révolutionnaire. Dans un pays par terre, on ne peut pas aller à une élection décisive pour jouer les beaux gosses ou les accompagnateurs d’un certain conseil constitutionnel. Le meilleur est à venir, et quand ce sera le meilleur, il y aura effectivement match, débat, victoire, révolution et changement. C’est peut-être demain, après-demain, dans six mois, dans un an, mais ce qui est sûr, c’est que c’est inéluctable. Ce ne sera pas une affaire d’intellectuels, de longs crayons, de bons parleurs ou de beaux costumes cravates, ce sera terre à terre, ce sera vrai, ce sera même palapala.

Si je vous comprends bien, il faudra prochainement compter avec vous ?

Absolument. Je vous réponds par l’affirmative et sans aucun détour. Les héritiers de Paul Biya n’aurons aucune chance dans une élection de l’après-régime, et les candidats de l’aristocratie intellectuelle et administrative sans substance idéologique ni ancrage populiste réelles, ne franchiront même pas le stade des simples primaires des sous-quartiers. Il y aura un débat politique de titans arbitré directement par la rue et les places de marché, et non régulé par les médias sectaires, biaisés et comploteurs dont les plateaux de télévision constituent les arènes.

Faut-il retenir que vous annoncez des futurs animés ?

Comprenez plutôt que j’exprime un futur de qualité, fait de personnes bien préparées, méthodiquement construites de longue date pour aller chercher et exercer le pouvoir. Lorsque l’on se place dans cette posture, le champ des concurrents se réduit, et les cancres s’éliminent d’eux-mêmes. Comprenez une fois pour toute qu’il n’y a pas eu débat le 07 octobre 2018, et que ce ne sera pas ainsi prochainement, ce sera différent, crucial et déterminant, avec ou sans les règles transparentes.

Passons à autre chose maintenant, la crise anglophone. Comment appréciez-vous les initiatives du chef de l’Etat ?

Ecoutez, dans la situation où nous nous trouvons, tout ce qui est fait dans le sens de l’apaisement est bien, valorisant, louable. Cependant, j’ai très peur que nous soyons encore en pleine navigation fausse ou biaisée. Je continue de m’interroger sur l’honnêteté des principaux conseillers du président de la république. Il n’est pas besoin d’être surdiplômé ou grand marabout pour savoir comment on fait les choses, ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut surtout pas faire. D’abord, pour parler de désarmement et de réinsertion, il faut absolument se cadrer dans un processus de dialogue inclusif et actif, avec des termes de référence très précis arrêtés autour d’une table. Sans cette démarche, sans ce cadre, nous replongeons dans une expression de volonté unilatérale qui s’apparente à un refus de dialogue, à une intention d’humilier et d’infantiliser l’autre partie. La reconnaissance mutuelle est primordiale, préalable et centrale comme base de toute décision. On ne parle ni de désarmement ni de libération, avant que l’on ait convenu d’un train de résolutions avec un calendrier et des modalités de mise en œuvre, d’évaluation et éventuellement de révision. Cela nécessite que l’on se parle franchement, et qu’une grande négociation se tienne, au besoin en plusieurs sessions.

Certains font le reproche que le président ait mélangé les Boko Haram avec les ambazoniens, qu’en dites-vous ?

Personnellement je pense la même chose. Il ne fallait pas faire ce mélange. C’est vrai que d’une vue générale, il y a péril en la demeure partout. D’un côté comme de l’autre, il y a des crimes de sang, des actes de destruction qui objectivement au regard des lois, sont clairement constitutifs d’actes terroristes. Mais, il y a bien un mais, une réserve forte et décisive, dès lors que les raisons qui fondent le soulèvement et la violence subséquente ne sont pas les mêmes. Les deux situations de crise ne prennent pas leurs racines dans les des articulations historico-politiques semblables, et ne mettent pas en exergue une même logique insurrectionnelle. D’un côté c’est clairement du banditisme et du terrorisme, pendant que de l’autre, il existe un contentieux à la fois politique, socioculturelle voire diplomatique résultant de la mauvaise gestion d’une entente. Si l’intention du pouvoir c’est d’aller dialoguer avec Boko Haram, alors je dis non et non, jamais. A l’inverse, le dialogue avec nos compatriotes anglophones, quel que soit le nom sous lequel ces derniers se présentent, est un impératif dorénavant incontournable, je dirai même inéluctable. Traîner encore longtemps avant d’engager cette démarche va devenir au fil des jours, une faute politique d’une gravité exceptionnelle et irréparable, avec des conséquences terribles pour plusieurs générations.

Vous appelez donc au dialogue avec tout le monde, sauf les Boko Haram ?

Ecoutez, je suis de ceux qui depuis très longtemps, avaient conseillé de faire attention avec la question anglophone. Dans au moins trois de mes livres publiés il y a plus d’une décennie, j’en parlais. Je demandais de prendre au sérieux les cris qui montaient de certains cercles avisés et contestataires. Les Munzu, les Carlson Anyangwe, les Booh Hebert et les autres l’exprimaient déjà. Je l’ai dis et je le répète, il n’y a pas et il n’y aura jamais de solution militaire à cette crise. Le plus tôt nous engageons le dialogue, le mieux ce sera. Il ne faut pas que le chef de l’Etat continue à se laisser manipuler par des conseillers peu pressés de voir la paix s’installer, et lesquels ne veulent voir que des bandits égarés en brousse. Par ailleurs, il est clair, et je l’ai dit aussi, que ceux qui s’attaquent aux écoles, privent les enfants d’éducation et procèdent aux enlèvements des éducateurs, font fausse route et posent là des actes qui n’ont rien à avoir avec leur cause, ou du moins avec la cause qu’ils prétendent défendre. C’est inacceptable de brûler une salle de classe, et il est tout autant condamnable de raser des villages et de s’attaquer à des innocents en détruisant des champs.

Que faire d’autre selon vous ?

Nous ne pouvons pas tenir longtemps dans la situation actuelle. L’économie des deux régions est effondrée. La CDC, la SOCAPALM et HEVECAM emploient plus de quinze mille personnes là-bas et engrangent des dizaines de milliards de Francs CFA. C’est foutu. Toutes les familles anglophones dans les grandes villes du pays, se sont lamentablement agrandies de réfugiés intérieurs. Le temps de faire semblant est passé, il faut suivre la voie du cardinal TUMI, que l’on a d’abord copieusement et regrettablement insulté. Je ne parle même plus du coût humain en termes de pertes, tant pour les populations que pour les forces de sécurité.

Je ne passe plus une semaine sans rencontrer un soldat qui me parle de la mort d’un camarade de « sa classe ». Je suis prêt à aller me battre contre Boko Haram dans le nord, mais jamais je n’irai me battre dans les régions anglophones. Ceux qui ont tué lâchement le lieutenant-colonel Beltus Kwene et le Capitaine Pipwoh Yari me le payeront un jour. Ces deux valeureux officiers, tous très jeunes, ont reçu leurs épaulettes au front le 1er janvier 2016 des mains du ministre de la défense Béti Assomo, et sont morts le 11 février 2016, à des endroits différents, après avoir sauté sur des mines posées par les salauds et terroristes de Boko Haram.

Parlons d’une actualité brûlante. Que dites-vous de cette nomination à la tête de l’ENAM ?

C’est même encore quoi, ce machin de l’ENAM ? Si la honte pouvait nous tuer, voilà un des endroits d’où elle puiserait sa racine. Maintenant on se contente de regarder, en espérant des lendemains de grands procès et de changements radicaux. C’est à peine croyable qu’en 2018, malgré les protestations, les dénonciations, les objections et les moqueries, ce genre de nomination ait toujours cours. On croit avantager une tribu ou faire du bien à certaines personnes, mais en réalité on les expose et on les tue à petit feu. On divise aussi par-là, et superficiellement, les Camerounais. On prépare certains à fuir seulement le pays à un moment donné, et cela peut arriver à tout moment. Personnellement je souhaite bonne chance à ce jeune, en espérant qu’il va dormir d’un sommeil tranquille. Mais en gros, on ne fait pas cela, on ne devrait plus faire cela. C’est assimilable à de la provocation par une majorité de l’opinion.

Ce qui m’étonne et me surprend tristement, c’est le silence des leaders politiques. Ces voyous n’attendent que les jours d’élection pour se faire entendre, alors que l’action devrait être permanente en termes de protestations, de dénonciations, d’interpellations, de manifestations et de mobilisation de l’opinion. C’est d’ailleurs à cause de cette hérésie attentiste et opportuniste, que nous n’avons pas encore de vraie vie politique contradictoire et de vrais partis politiques d’opposition. Nous n’avons à la place qu’un ramassis d’opportunistes, de pouvoiristes et d’aspirants arrivistes. Certains de ces individus ont même eu la sale idée de tenter d’embarquer ma jeune fille dont on avait volé le bébé, dans leur campagne, exactement comme de parfaits brigands prêts à violer la sépulture de leur parents pour un petit gain de circonstance. Une forfaiture de la dimension et de la dangerosité de celle de l’ENAM, mérite que des marches soient même organisées et que son installation soit bloquée, bien évidemment dans la tradition des résistances pacifiques encadrées par les droits et les libertés garanties par la constitution.

Peut-on parler de provocation, comme l’affirment certains commentaires ?

C’est effectivement de la provocation, et bien au-delà. A ce rythme, on verra un jeune sous-lieutenant de 25 ans nommé directeur de l’EMIA (Ecole militaire internarmes). Cela s’appelle encore jouer avec le feu, susciter la colère populaire, orchestrer implicitement la sédition et la subversion. Il y‘a bien quelqu’un qui a glissé ce décret sous la plume du président, et ce quelqu’un payera tôt ou tard. Il reste tout de même que le président ne peut pas tout le temps se contenter de signer, de nommer des gens qu’il ne connait pas, qu’il n’a jamais vu, sur qui il ne détient aucune fiche. Un Directeur de l’ENAM devrait passer par un entretien serré avec le chef de l’Etat, et même, seulement après une enquête des plus rigoureuses. En tout cas, il est dorénavant clair que ce machin de l’ENAM devra être fermé dans toute perspective de changement dans notre pays, et des centaines de diplômés exclus purement et simplement de la fonction publique.

Quels analyse faites-vous sur les autres nominations ?

J’imagine bien que vous parlez de CAMTEL et de la SCDP. Pour moi c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Nous sommes maintenant habitués, que là où le patron n’est pas un proche du pouvoir, on place un adjoint en embuscade pour assumer bien d’autres institutions et organes. Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que la promesse de punir les Bamilékés pour avoir voté Kamto, a commencé à travers ces nominations. L’histoire arrangera tout cela tôt ou tard. J’ai une pensée tout de même pour ceux qui ont réussi à monter le projet de la fibre optique. Je crois que l’ancien DG Nkotto avec son équipe peuvent au moins entrer dans l’histoire pour cette réalisation majeure et hautement stratégique. Ce DG était franchement passionné par son projet et il a pu le mener jusqu’au bout. L’histoire saura le juger à ses justes mérites et fautes éventuelles.

Bon, si les DG doivent bouger, il faut aller très vite et balayer partout, radicalement et sans demi-mesures. L’état des lieux est partout à l’exigence de sauvetage d’urgence et de nettoyage à l’acide.

Je ne peux pas manquer de regretter que le chef de l’Etat continue de nommer des DGA par-ci et par-là. Ce n’est pas bien, ce n’est pas normal, ce n’est pas acceptable. C’est trop de désordres, trop de gaspillages, trop de mauvaises pratiques. On fait quoi avec ces DGA, sinon entretenir une clientèle politique villageoise, intrigante et budgétivore? Le président est en fin de règne. A-t-il encore besoin de ces pantins politiques ? Devrait-il continuer à se soucier de distribuer le patrimoine public à des bouffeurs et des fainéants pour des faveurs de village ?

A ce rythme, je crains d’ailleurs d’avoir encore un gouvernement de soixante-dix ministres. Je vous fais remarquer qu’à chaque remaniement, on ne cesse d’augmenter des ministres, scindant parfois certains ministères en trois voire en quatre. C’est ainsi que les gendarmes dont on a cruellement besoin pour le maintien de l’ordre dans les zones tumultueuses de l’arrière-pays, paradent comme gardes de corps de ces ministres sans âme si substance. Ouaih !

Autre sujet. On a beaucoup entendu votre nom dans les problèmes de succession à la chefferie Bangou, votre village où il semble que vous vous opposez au Pr. Nana Sinkam. Qu’en est-il, ou de quoi s’agit-il vraiment?

C’est vrai qu’une certaine presse s’est emparée de façon intéressée du sujet, mais au fond il n’y a pas tant de problèmes que cela. Je crois que quand on est une figure connue dans l’opinion, on doit pouvoir supporter quelques coups, y compris des coups tordus venant de partout. Le défunt chef Tayo a régné durant 39 ans et il aura été malgré toutes les appréhensions et supputations, un grand chef. Comme toujours ou comme dans certains cas, sa succession n’est pas de tout repos et donne lieu à quelques débats au village, à commencer par la famille royale elle-même dont je suis un des petits fils avant d’être un notable.

S’agissant du Pr. Nana Sinkam, c’est mon oncle, mon père et un grand frère d’une exceptionnelle sagesse et intelligence. Il est aujourd’hui le patriarche vivant, le dignitaire de la famille royale le plus élevé dans la hiérarchie coutumière. C’est lui qui a la mission dorénavant de nous encadrer tous. J’ai pour lui une admiration et un respect qui ne font aucun doute. Nous opposer c’est mentir à soi-même. Les gens l’ont tout simplement mal compris parce qu’ils ne le connaissent pas bien. C’est vrai que des problèmes se posent par rapport à l’interprétation voire la considération du passé de la gestion de la chefferie, mais je puis vous assurer que le Pr Nana Sinkam en sage et en Patriarche, en relation avec notre député Datouo Théodore, par ailleurs Vice-président de l’assemblée nationale, et ce avec le concours des notables consacrés et des élites, est en train d’apporter des solutions. Les Bangous se sont concertés tranquillement et sont déterminés à garantir la paix, à honorer la mémoire de tous leurs différents rois, à traiter leur sépulture avec honneur et dignité selon les coutumes et traditions du Laakam. Dans ce processus ils vont se doter d’un nouveau Roi qui sera présenté à l’autorité administrative par les instances traditionnelles compétentes très bientôt.

A propos de votre oncle Nana Sinkam, n’est-ce pas lui qui avait refusé un poste de ministre délégué auprès du ministre des finances ?

Franchement, les gens disent n’importe quoi et commentent à tort et à travers. Mon oncle n’avait pas refusé et n’a jamais refusé d’entrer au gouvernement. Il s’était agi d’une pure incompréhension, voire d’une inadéquation circonstancielle par rapport à certains ordonnancements calendaires. Nana Sinkam est prêt et a toujours été prêt à servir son pays. Je signale d’ailleurs qu’il intervient positivement de façon indirecte sur la promotion de l’image du Cameroun dans ses multiples missions internationales.

Que vous inspire le scandale du dossier de la CAN ?

La nausée et la honte. Mais a-t-on encore honte chez nous ?

Alors, l’élection à la tête de la FECAFOOT ?

Le nouveau président, Seidou Mbombo Njoya est un ami, un homme que j’aime côtoyer et avec lequel les échanges sont polis, courtois et rangés. C’est un homme calme, mesuré et très pondéré, sans aucun excès. Si vous avez déjà côtoyé le sultan Mbombo Njoya, il est à son image complètement, rassurant. Mais, je dois vous dire, que mon cœur a toujours été pour Joseph Antoine Bell, et était pour lui encore cette fois. Jojo est un cas d’école, un motif de fierté pour notre pays, un haut cadre, un intellectuel avant d’être un footballeur et un citoyen d’exception qui vous impressionne à chaque échange. Il ne laisse personne indifférent.

Il faut au moins espérer que cette fois, après cette élection, cette grosse machine qui n’a jamais connu que des histoires de la mafia, fera parler du Cameroun dans le football autrement que négativement.

Le mot de la fin

Le Cameroun va mal, très mal. Tout est à revoir ou à changer radicalement, et le plus tôt sera le mieux. Le soldat Cameroun doit être sauvé rapidement ou périr./.

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