LE MILITANTISME GASTRONOMIQUE ET EXOTIQUE A L’EPREUVE DE LA DEMOCRATIE CAMEROUNAISE
CAMEROUN :: POINT DE VUE

LE MILITANTISME GASTRONOMIQUE ET EXOTIQUE A L’EPREUVE DE LA DEMOCRATIE CAMEROUNAISE :: CAMEROON

Dire que le Cameroun va mal, est plus qu’un truisme, c’est une redondance. C’est comme, faut-il le dire, changer quatre trente sous pour une piastre, c’est du pareil au même, c’est un chiasme. Certes, le Cameroun dans le concert des nations, ne danse pas plus mal que d’autres. Mais plutôt que d’accuser son pantalon, il faut reconnaître qu’on est piètre danseur, et chercher à s’améliorer plutôt que de regarder dans la salle qui danse moins bien que nous.

Entre l’incapacité de nombreuses familles à satisfaire leurs besoins primaires, l’impossibilité d’accéder aux soins de qualité dans des hôpitaux qui préfèrent pratiquer l’euthanasie involontaire par le manquement à l’éthique professionnelle, l’injustice sociale par l’enrichissement des élites, la corruption endémique et systémiquement entretenue, le chômage exponentiel d’une jeunesse condamnée à végéter, la criminalité croissante tant dans les régions qu’au centre du pays, la terreur instaurée à l’Extrême-Nord du pays par des ennemis voilés par le masque islamique, etc., les maux sont nombreux. N’en déplaise à ceux qui soutiendront le contraire, parce que le chef de l’Etat lui-même, en fin d’année 2015 et à l’occasion de la fête de la jeunesse l’a implicitement reconnu.

Derrière les concepts de « Résilience » (discours de la fin d’année 2015), et ceux de « facteurs externes » et « pesanteurs internes » (discours à la jeunesse 2016), qu’il n’a réellement pas expliqués, il mettait simplement entre parenthèses, les nombreux problèmes que le Cameroun vit depuis plusieurs décennies. Cette unité structurale entre ces concepts et la misère qu’il n’a pas voulu évoquer en profondeur, mais dont il a tracé les grandes lignes, masquait simplement l’identité des responsables de cette catastrophe. C’est donc, dans ce climat d’investigation des causes et/ou des responsabilités, qui permettent d’apporter des solutions, que certains lui accordent le bénéfice du doute ou lui reconnaissent les qualités de « guide » de la nation, tandis que d’autres par contre, voient en lui, et au système qu’il incarne, l’unique responsable des malheurs ce qui justifie chez eux, le « tout sauf Paul Biya ». Deux groupes, qui pour les uns et les autres, se ressemblent plus qu’ils ne sont ou se croient différents.

Le peuple ignoré ou l’exploitation de l’ignorance du peuple

Comment ne pas voir derrière le soutien à Paul Biya et aux accusations portées contre lui, l’opportunisme qui se dégage de l’activisme des uns et des autres ? Que ce soit du côté de ceux qui défendent mordicus un système pas en panne, mais en manque d’inspiration et ceux qui le contredisent, il semble, à bien y regarder, que l’intérêt général, celui du peuple, n’est pas souvent la préoccupation des uns et des autres, mais que les besoins primaires, élémentaires et égoïstes, entourent le discours et l’action politique, des pasteurs politiques improvisés.

A côté de la gourmandise politique des uns, que cache mal leur goût du luxe et de l’ostentation que leur confère leur statut, il y a la misère, la paupérisation voire l’exclusion des autres, qui nourrit autant leur gloutonnerie, leur boulimie du pouvoir, qui n’est pas nécessairement nourrit par la finalité du meurtre du père politique ou par son expulsion du trône, mais accessoirement par leur reconnaissance tacite par celui-ci, et qui aboutit à des tractations leur conférant un statut qu’hier il n’avait pas. L’histoire de notre pays, sous son ère pluraliste, regorge suffisamment d’éléments de preuves de ces négociations nocturnes, dont la quintessence est livrée au journal de 13h par une liaison dangereuse, fatale, politiquement pour la masse qui, moutonnièrement, religieusement, a cru en un leader qui en prostituant un idéal politique auquel lui-même n’a jamais cru de toute façon, en changeant son fusil d’épaule, s’engage dans une relation incestueuse avec le père politique, dans le but de génocider le peuple, en phagocytant son militantisme. L’exemple « paulitique » du ministre de la communication est ici flagrant, même s’il est vrai qu’il n’est pas le seul engagé dans cette partouze, cet échangisme politique. Comment donc ne pas s’inquiéter dès lors que le régicide, le parricide légal qu’offre la démocratie ne se transforme en pogrom sous une forme ingénieuse d’autocratie légaliste masquée ?

Il ne faut non plus oublier, ceux qui sur le tard ou à l’improviste, tente une dénonciation systémique parfois injurieuse, calomnieuse, simplement dans le but d’avoir une visibilité et de s’expatrier ensuite, en criant à une chasse aux sorcières dont ils sont les victimes, alors que le seul monstre qui court après eux, c’est le fantôme de leur double hallucinatoire inventé de toutes pièces par une mythomanie compulsive. Ceux-ci, des aventuriers, dont le président de la République sait se moquer, en narguant à travers eux, le peuple entier, qui n’arrive pas à distinguer « les apprentis-sorciers » de la seule divinité qu’il incarne, conduisent le peuple au naufrage tandis que sur des îles paradisiaques occidentales, ils bénéficient des avantages liés à leur statut d’exilés politiques, pour faire fortune et continuer à gloser à travers les réseaux sociaux. Dans ce jeu du chat et de la souris, c’est le peuple, légitime propriétaire, qui paie la note. Il engraisse la souris, tandis que le chat s’amuse à la laisser courir, pour sa propre délectation avant de décider s’il l’achève ou non.

On comprend sans doute, dans un tel contexte que, le peuple, désillusionné, opte pour la complaisance, se détourne de la politique, en noyant son espoir du changement, dans le désespoir bienheureux de la débrouillardise du « mbia boyaïsme », et que se perpétue au sommet du pouvoir, une caste de criminels à col blanc, qui le confisque au nom d’un héritage divin et intellectuel. Ou même qu’à défaut de voir réaliser son désir du changement, il s’aligne comme l’ont fait les transporteurs du Centre ou les musiciens de l’Ouest à travers leurs motions de soutien. Comment donc susciter, ressusciter l’engagement populaire, à l’heure où se multiplient des motions de soutien par une bande d’affamés et d’assoiffés politique, qui détourne son vampirisme en plein jour contre le peuple au nom de qui il prétend parler , et à l’heure où s’improvise sur la scène publique des prestidigitateurs dont le seul talent réside dans la couardise, la félonie et l’enrichissement personnel ou la notoriété ?

Construire sur la jeunesse, le nouveau contrat social

L’expérience historique du militantisme camerounais, émerge du confinement du système colonial, comme volonté clairement affirmée, d’une jeunesse déterminée, par sa compréhension de la marche de l’histoire, la prise de conscience de l’enjeu du pouvoir colonial sur son devenir Kamerunais, comme détermination de rompre avec ce système. Deux éléments sont ici nécessaires pour la saisie de ce militantisme : information et formation. Cette jeunesse, se distingue de celle qui a hérité finalement du pouvoir, non par la lutte, mais par la soumission à l’ordre colonial, en ce qu’elle était éclairée sur la politique et que les autres étaient des politiciens par nomination et par acclamation.

Um, Ouandié, Moumié, et tous les autres, étaient nourris par un savoir énorme sur la réalité historique. Se soumettant au matérialisme dialectique et historique, ils savaient exactement quels étaient leurs problèmes et pouvaient ainsi identifier les causes, les coupables, et l’action à entreprendre. Mais, leur savoir, ils le partageaient avec le reste de la masse qu’ils formaient, éduquaient. Ce n’est donc pas dans les amphis, derrières les caméras, dans les radios, sur les réseaux sociaux…, que le combat va se faire, c’est sur le terrain. Et, comme hier, il ne faut pas s’attendre à ce que l’ennemi offre l’opportunité de se déployer sur le terrain pour préparer la stratégie, il faut conquérir l’espace.

Dans le contexte camerounais, où la figure de l’opposition est indistincte de celle du dirigeant, où tous semblent être des doubles mimétiques, où l’on ne propose plus rien en dehors du « Paul Biya must go », où les propositions qui sont faites, sont élaborées dans un langage savant dans le but de séduire le peuple sans lui laisser la possibilité de comprendre… Il devient impératif, que se présente quelqu’un d’autre, qui ne doive rien en réalité au régime en place, un jeune, dynamique, dont le discours tienne en compte le vécu parce qu’il exprimera la réalité.

Parler à la jeunesse dans son langage, lui définir un plan d’action dans lequel il se retrouve, lui dire la vérité sur le temps que cela prendra pour opérer le changement. Il faut construire un nouveau pacte social sur la jeunesse. Tel est l’objectif de celui qui veut présider aux destinées du Cameroun contre le président Paul Biya. On peut sembler idéaliste. Mais l’heure des vestes, des meetings où le seul thème porte sur Paul Biya développé en plusieurs tomes, est passé. La jeunesse camerounaise sait qui est responsable de ses malheurs. Alors, la politisation des masses, de cette catégorie principalement, devient un enjeu électoral et politique sans pareil. C’est sur cette jeunesse exploitée, fragilisée, misérabilisée, que le RDPC, a toujours misé ses victoires, en leur proposant quelques billets. Il est temps, de rentrer, s’il le faut, dans le « maquis » (les bars, les réseaux sociaux, les stades de foot, etc) pour former cette jeunesse à comprendre que son destin ne repose pas sur l’instantané. Il ne s’agit pas de former la jeunesse à la rébellion, à la lutte armée, mais seule une véritable culture politique, est capable à terme, de réaliser le changement au Cameroun. Cette culture politique ne doit en rien reposer sur l’élimination politique du président Biya, mais sur un programme de société qui reflète véritablement les ambitions de cette jeunesse désespérée. Cette culture politique, ne doit non plus s’improviser à la veille des échéances électorales. Il s’agit d’un discours permanent, simple, et concret. Car si certains attendent depuis 33 ans, ils attendront encore quelques années s’il le faut, le temps que la transition leur permette de voir réaliser ces projets, à condition qu’ils y croient. Le problème de la jeunesse camerounaise, c’est qu’elle est politiquement inculte. Il faut donc l’éduquer. Pour cela, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle s’associe à un parti politique, il faut la convaincre.

A l’heure actuelle, la jeunesse camerounaise est capable de supporter 10 ans après Biya à condition qu’elle ait des garanties que ce délai sera respecté. De même, elle est incapable de se libérer de lui pour confier son avenir à des charlatans et des pouvoiristes. Il est donc temps, si cette opposition est sérieuse et soucieuse du Cameroun et de sa jeunesse, qu’elle se défasse chacune des colorations partisanes pour proposer à la jeunesse camerounaise ce qu’elle attend de ses leaders, non pas la tête de Paul Biya, mais le bonheur qu’il espère. Le peuple ne s’unira derrière les partis politiques d’opposition, que si ceux si sont unis aussi. Ou le parti politique qui aura réussi le pari d’entendre la jeunesse, de lui inculquer des valeurs autres que celles proposés actuellement, réussira à susciter le changement.

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