Sam Mbende : « Nous attendons que l’histoire nous juge»
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La disparition de Joe Mboule, un mastodonte de la chanson camerounaise a touché en plein cœur la famille artistique. Pour ses obsèques, ce 31 octobre 2015 à Douala, les artistes se mobilisent. Sam Mbende que nous avons rencontré jeudi 29 octobre courant dans un hôtel huppé de la ville a pris le vol, question de venir adresser un dernier au revoir au père de «Malabar». Ses relations avec Joe Mboule, leurs combats dans les droits d’auteurs, l’éviction d’Ama Tutu Muna du gouvernement sont autant de sujets soulevés dans cet entretien.

Sam Mbende est au Cameroun depuis mercredi (28 octobre 2015) pour rendre un dernier hommage à Joe Mboule. Qui a été Joe Mboule pour vous ?

D’abord Joe Mboule est l’un des aînés qui nous a accueillis en Belgique. En plus de ça, il fait partie de nos idoles parce que, étant petits, nous allions le voir, ainsi que Toto Guillaume…dans les concerts. La particularité que j’ai avec Joe Mboule c’est que c’est lui qui m’a amené en fait dans le combat du droit d’auteur. C’est la première personne qui est venue me voir en 1997/1998 en Belgique pour me faire comprendre que l’ex Socinada (Société civile nationale des droits d’auteurs, ndlr) ne tournait pas bien. Avec mon cursus de juriste, il pensait que je pouvais être utile à ce combat. Donc c’est lui qui m’a pratiquement amené dans cet univers.

Et l’homme, comment était-il ?

C’était quelqu’un de très réservé. On pouvait penser à la limite qu’il était timide, chose fausse. Joe Mboule aimait la paix. C’est quelqu’un qui n’aimait pas les histoires, les bagarres, tout ce qui est bruyant, les contradictions vaines et violentes. C’est ce que je garde de lui. Nous étions diamétralement opposés. Autant il était parfois calme et n’allait pas au bout des actions, autant moi –quand il m’a amené-, c’était pour que j’aille au bout des actions. J’étais très actif, c’est lui qui venait encore me demander de mettre la pédale douce. C’est deux tempéraments qui ont laissé croire à un moment que nous étions en désaccord total sur le combat. Mais non ! On ne pouvait pas être en désaccord total, sauf que c’est lui qui m’a amené dans le combat et je voyais que parfois, il ne voulait pas aller au bout de l’action. Moi je suis un homme d’action. Finalement est-ce que les évènements m’ont donné raison ou lui donneront raison ? On attend que l’histoire nous juge.

On assiste depuis quelque temps au décès, dans des circonstances regrettables, de nos artistes. Dernièrement c’est la condition physique de la chanteuse Lina T qui défrayait la chronique. Le Cameroun traite-t-il mal ses artistes ?

Non, ce n’est pas ça. En fait le Cameroun, le Camerounais, l’opinion publique et le statut social font en sorte que l’artiste n’est pas encore considéré comme un homme normal. On le voit encore aujourd’hui comme quelqu’un qui joue tel un saltimbanque. Pourtant ce sont des professionnels qui devraient vivre de leur art, tout comme vous qui vous levez le matin pour aller dans votre rédaction produire le journal. C’est un combat, je pense qui va porter ses fruits et Joe Mboule était dans cette logique de mettre un jour en place des syndicats pour défendre le statut social des artistes camerounais. On n’a pas encore intégré dans la tête que l’artiste est un être à part entière qui doit avoir un statut social, une couverture sociale, il doit gagner sa vie normalement. Ce n’est pas un problème du Cameroun. C’est un problème général qu’il faudra résoudre à court terme, pas à moyen terme.

Les média, les artistes ont sans cesse dénoncé la gestion chaotique des droits d’auteurs de l’ex-ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna. Comment voyez-vous l’arrivée de Mouellé Kombi à la tête de ce département ministériel ?

Personnellement je n’aime pas trop l’heure des bilans. Je n’ai pas de compétence pour ça. Le président de la République qui a nommé les ministres a nommé en même temps un premier ministre qui, lui peut évaluer ses ministres. On a changé le ministre de la Culture, mais il faudrait simplement appliquer la vision du gouvernement dessiné par le chef de l’Etat et bien incarné par le chef du gouvernement –qui applique dans les faits les treize points que le chef de l’Etat pour qu’on sorte la gestion collective de ces méandres là- je pense que c’est en train d’être fait. Et ça va dans le sens de rendre l’artiste heureux. Faire le bilan d’un tel qui est parti et faire l’éloge de celui qui arrive n’apporte rien à la chose.

A vous écouter, peut-on dire que la question du droit d’auteur est sous un bon auspice ?

La gestion collective est sous un bon auspice actuellement. Le chef du gouvernement est en train d’appliquer les mesures du président qui demandait qu’on fasse accroître la gestion collective. Elle va passer de 6milliards Fcfa d’ici 4 à 5 ans à 10 milliards Fcfa, ce qui est possible en réalité. Tout à côté, on est en train de mettre une série de choses en place, ce qui va faire en sorte qu’il y ait une émergence des industries culturelles récréatives au Cameroun. N’oubliez pas qu’il n’y a pas de salle de spectacles, de salle de cinéma au Cameroun. C’est ça qui crée l’émulation et permet à l’artiste de vivre. En réalité le droit d’auteur doit arriver à la fin. Nous on fait le contraire. On commence par le droit d’auteur alors que c’est un épiphénomène. Ce n’est pas ça qui peut nourrir l’artiste. Aucun artiste au Cameroun ne pourra vivre en comptant uniquement sur le droit d’auteur parce qu’il est saisonnier. Plus tu produis plus tu gagnes. Si tu ne produis pas tu ne gagnes rien du tout. Il ne faut pas penser que parce qu’on est artiste, dès que l’on parle de répartition on va venir faire sa réclamation. L’artiste vit d’abord de ses spectacles, donc il faut tourner, et dans ses spectacles il faut produit des chansons tout le temps.

© Pour Camer.be : Entretien avec Valgadine TONGA

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