Oraison funèbre de Léopold Henri MEBOE OTELE prononcée par Vincent-Sosthène FOUDA Menyu M’Ewondo
CAMEROUN :: SOCIETE

CAMEROUN :: Oraison funèbre de Léopold Henri MEBOE OTELE prononcée par Vincent-Sosthène FOUDA Menyu M’Ewondo :: CAMEROON

Ekang bëse biso elang elang ééé! Ééé éee! Ekang bëse biso elang elang ééé! Ééé ééé! Beti benanga m’asug Ekang éée! Eée éée ééé ééé Melo’o me baa, Me baa fo Ekang bolo’o Esagom Madzo nna Ekang bolo’o Esagom Mëne Ekang mbolo Esagom Esangom mbo betoa Yaaaaaaaaaa!

Je voudrais commencer cette oraison par une anecdote. Juste après les obsèques d’André Mba Obame, je reçois in box une note de Léopold Henri Meboé Otélé. « Bonsoir, merci pour ce que tu as fait pour André, dis-moi j’espère que tu as déjà préparé mon dernier titre de noblesse ». Nous venions de passer plusieurs mois sans nous parler alors, je lui ai rétorqué que je ne comprenais pas de quoi il parlait, il a poursuivi : « Eh bien, dans très peu de temps, on va se référer à moi comme Léopold Henri Meboé Otélé… de … regretté mémoire ». J’ai pris le temps de lui dire que cette expression n’existe pas en langue française…

Je voudrais entrer dans cette oraison avec l’Abbé Zacharie Atangana qui pour moi à mieux cerner l’âme Ekang.

“ O ne za a man Beti?

Me ne man Engong

Nbialane y'Ekang

Nlod Zen Y'Esondo ai Bekon

Atobo nnam y'Emomilang

Ntebe nzang binying bisë

E bi bia yene E bi bi ne te yene

Ma ve, ma va'a Ntondôbe a kulghi sô

Nala o ne mbeng, o tô fe nsôsô”

Dignitaires de l’Église, dignitaires de nos religions traditionnelles, musulmans de notre pays, journalistes, diplomates, grande famille de la police camerounaise, Chers parents et amis de Léopold Henri Meboé Otélé, Léo H Méboé pour les intimes, Mesdames, messieurs, la mort est certes un phénomène ordinaire, mais la disparition d’un personnage de la trempe de Léopold Henri Meboé Otélé reste un événement hors du commun. C’est un mapou qui vient de tomber, un Essingang qui vient de s’écrouler dans le monde Ekang ! Voilà pourquoi je veux l’enraciner dans cette culture qu’il habite désormais.

Une bibliothèque vivante s’est éteinte dans un Cameroun qui s’interroge et doute ! Une perte inestimable pour notre communauté de scientifiques, plus particulièrement pour sa famille naturelle, ses collègues journalistes et diplomates, ses amis d’ici et d’ailleurs. La grande faucheuse vient ainsi enlever à notre affection celui qui fut un mari aimant, un grand-père formidable, un père attachant, un oncle, un cousin, un frère ou encore un ami, une connaissance ; convivial, loyal, mais surtout et avant tout, un homme de caractère, bon, courtois, généreux, avec des convictions sociales et politiques assumées, un esprit brillant doué de qualités et d’un sens des responsabilités exceptionnels.

Nous voici tous, ici aujourd’hui, amis et parents éplorés, recueillis devant sa dépouille, pour lui rendre un dernier hommage. Mesdames, messieurs, appelé par les circonstances au redoutable devoir que celui qui me porte à prononcer l’éloge funèbre d’un homme que j’ai rencontré il y a exactement 20 ans jour pour jour en ce 10 septembre 2015… C’était à la Cathédrale Notre Dame des Victoires de Yaoundé, jeune religieux affecté à la communication, nous préparions alors la messe du Pape Jean-Paul II qui devait se tenir à la base aérienne de Yaoundé le 15 septembre. Il s’était approché de moi et m’avait posé des questions relatives à la disposition des uns et des autres autour de l’Autel – nous avons échangé – je devais poursuivre mon voyage en Afrique du Sud, il m’avait alors invité chez lui à Mendong à l’époque.

Alors devant vous, devant Léopold Henri Meboé Otélé, je dois sans doute regretter de n’avoir pas reçu du ciel les mêmes talents que lui afin de pouvoir embrasser toute l’étendue de son érudition et vous offrir, en tous points, un tableau digne de son génie et de son éloquence. D’ailleurs, tout autre que celui dont la perte nous afflige aujourd’hui ne saurait rendre qu’une ébauche imparfaite des dimensions complexes de sa fulgurance et de son autorité intellectuelle. Intellectuel de haut vol depuis le Collège de la Salle à Doumé dans la forêt de l’Est Cameroun, puis à la faculté des Sciences économiques de Yaoundé aux dires de ses condisciples, journaliste de haut vol m’a confié Isabelle Essono son promotionnaire à l’ESIJY, autodidacte entêté et curieux de nos cultures Ekang, Léopold Henri Meboé Otélé s’est attelé à parcourir, sans se limiter aux frontières des disciplines, le vaste empire des connaissances humaines. Journaliste, conférencier, membre des services intelligents de notre pays, spécialiste en relations internationales, Léopold Henri Meboé Otélé restera un professionnel inclassable dont le génie du verbe, l’agilité de la plume, l’intelligence des mots, la dextérité rhétorique et la noblesse des idéaux ont fait le succès de plusieurs diplomates et autres hommes d’Etat de notre pays.

Pour longtemps encore, son empreinte demeurera indélébile dans les couloirs de la Délégation Générale à la Sureté Nationale de notre pays, au palais des Nations Unies son dernier poste d’affectation où il a offert ses compétences avant de s’éteindre tranquillement, soudainement à quelques jours de sa 55e année, sous le regard impuissant de sa progéniture alors qu’il venait de marier le premier de ses enfants en guise de passation de témoin. C’est l’occasion pour moi de dire avant d’interroger, que son appartenance aux services intelligents de notre pays, n’a pas fait de lui, un être asocial, un briseur de carrière voire un monstre. C’est un homme qui a su se mettre au service des institutions de notre pays, qu’il a servi avec loyauté et fulgurance.

Je peux alors interroger son employeur, qu’as-tu fait de celui que les Etenga, les Endongo t’ont confié avec amour ? Que faisait-il donc avec sa progéniture dans ce lieu fatidique que l’intelligence humaine ne saurait nommer ?

Tour à tour, sa carrière l’a promené à la CRTV, au Minrex, à la DST, dans les couloirs de nombreux autres services dont l’Etat et lui seul sont témoins. Je ne saurais rappeler ici toutes les brochures, conférences, tous les recueils, toutes les notices dans lesquels Léopold Henri Meboé Otélé s’est prodigué. Gravé au bas de plusieurs rapports et autres notes, son nom restera principalement attaché à son service pour la patrie. Il a excellé grâce à sa double formation, ce qui faisait de lui un homme craint plus que redouté.

En lisant même entre les lignes ses rapports et ses notes, il étend toute la profondeur, la vision et l’ouverture de son patriotisme agissant, proposant et progressiste. Par la force et la pertinence de ses écrits, Léopold Henri Meboé Otélé restera toujours vivant et survivra dans la postérité. Car, comme l’exprime si bien un de ses confrères : Lire Léopold Henri Meboé Otélé, ça fera toujours du bien. Mais au-delà de cette vie professionnelle bien remplie, il fut un homme mû par de multiples passions. Admirateur de tous les plaisirs de la vie, des arts de toute espèce, grand mélomane, ambassadeur de la culture Ekang, Léopold Henri Meboé Otélé adorait danser, blaguer, s’esclaffer. Et même en ces heures si tristes, je ne peux m’empêcher de me souvenir de ses yeux malicieux ainsi que de ses colères grondantes qui pouvaient être suivies d’un rire éclatant. La fierté et l’élégance de cet homme chaleureux et énergique étaient une disposition naturelle qui allait de pair avec sa simplicité et son humilité. Un homme entier dont la vie est ancrée dans un champ de principes qu’on croyait perdus à jamais.

Léopold Henri Meboé Otélé restera dans la mémoire de celles et de ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer comme un homme dont le tempérament et le style honorent la condition humaine. Inébranlable à la fois dans sa force tranquille, son indépendance, son éclectisme et son étonnante ouverture d’esprit, il était tellement respecté et redouté que certains s’abstenaient de s’aventurer dans une conversation avec lui de

peur de ne pas être à la hauteur. On ne finirait pas d’évoquer tous les aspects attachants de sa foisonnante personnalité. Homme de dialogue et d’expérience, il se faisait le devoir d’aider les autres par ses conseils qui se nourrissaient de sa vaste culture et de sa pratique des choses de l’existence. Il avait toujours le mot juste, la bonne dose d’humanité pour apaiser un ami ou une connaissance en proie au doute ou au découragement. Je le revois comme si c’était hier, élégamment vêtu dans son allure de Dandy, prendre les bras de Agnès-Antoinette son épouse ou d’une amie de la famille pour exécuter une salsa ou un boléro lors du mariage de Pichou son fils. Je l’ai vu se trémousser au rythme du dernier Mani Bella….

Je ne sais pas s’il a été malade, j’étais encore le 24 août dernier en vacances ici au village quand j’ai appris son décès. J’ai vu qu’il a pris le temps avant de s’éteindre de partager avec ses proches une musique de Manu Dibango, alors je peux affirmer que l’approche de la mort n’a en rien altéré, ni son humour, ni ses facultés intellectuelles et même, sur le seuil de la mort, il a encore trouvé le courage de rire, de travailler et de solliciter son épouse Agnès-Antoinette - sa canne de vieillesse - ce modèle de courage- un petit baiser d’amour. Dans nos mémoires à tous, Léopold Henri Meboé Otélé restera un homme qui a bien vécu son existence et qui a marqué son temps. Il restera aussi toujours vivant, cela ne fait aucun doute. Car la mort n’est pas un anéantissement. La mort est une nécessité de la vie. Elle est dans la vie elle-même. Elle doit être vécue comme le point de départ d’une transformation, la transformation ultime vers l’exaltation de l’esprit. Notre espérance doit venir du fait que ce qui a été perdu doit se retrouver. La mort, aussi cruelle soit-elle, vue par nos yeux humains aux faibles lumières, est un passage vers la renaissance. Car « Vivre, c’est naître sans cesse et la mort ne peut être qu’une ultime naissance ». « Continenter vivere non potest esse finis ultimus ex genere mortis »

En adressant, en ton nom, comme tu l’aurais voulu mon cher Léopold Henri Meboé Otélé, les remerciements à tous celles et ceux qui sont venus aujourd’hui te rendre ce dernier hommage, je tiens à présenter mes sincères condoléances à ta femme Agnès-Antoinette, à qui tu vas manquer énormément, à tes enfants, je ne veux les nommer de peur d’en oublier certains, tes petits enfants, tes frères et sœurs, belles-sœurs, neveux et nièces, oncles et tantes ainsi qu’à tous les membres de la famille élargie. Immense pour ta famille, tes amis et pour moi particulièrement la perte que nous inflige ton départ pour l’au-delà. Nous essayerons de nous en consoler en nous répétant que tu as bien merveilleusement rempli ton séjour parmi nous et que tu as œuvré pour que rester pendant longtemps encore dans la mémoire et dans les cœurs de tous celles et ceux qui t’ont connu et pratiqué. Pars en paix, Léopold Henri Meboé Otélé ! A man ngoan Etenga, A man Endongo, A nom begoan besë ya akoa-eman… Après une vie si riche et si accomplie, que l’Eternité emplisse ton repos de sérénité. Au revoir Léopold Henri Meboé Otélé.

Je voudrais terminer comme j’ai commencé, dans ton éternel sacoche il y avait enfoui ces mots de l’Abbé Lucien Anya Noah qui fut un de tes enseignants au séminaire saint Paul de Mbalmayo :

Man Beti a ne Ati, a ne Afang, Akab, Avuman ai Abiali, Ndoman Awoundza kolo a ding a wog na Ave, A loé mvoé na madzang !

Ekang bëse biso elang elang ééé! Ééé éee! Ekang bëse biso elang elang ééé! Ééé ééé! Beti benanga m’asug Ekang éée! Eée éée ééé ééé Melo’o m’abah, Maba yi fo Ekang bolo’o Esagom Madzo nna Ekang bolo’o Esagom Mëne Ekang mbolo Esagom Esangom mbo betoa Yaaaaaaaaaa!

Houston, le 10 septembre 2015

© Correspondance : Dr Vincent-Sosthène FOUDA

Lire aussi dans la rubrique SOCIETE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo