PMUC : Des centaines de Camerounais en prison sans jugement depuis 2014
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PMUC : Des centaines de Camerounais en prison sans jugement depuis 2014 :: CAMEROON

Il y a de cela plus de six (06) mois des centaines de Camerounais avaient été appréhendés par les forces de maintien de l’ordre dans divers coins des capitales politique et économique, puis placés sous mandat de dépôt dans les prisons centrales de Kondengui et de New-Bell.

Le motif de ces arrestations au départ était totalement inconnu. C’est de bouche à oreille que nous avons appris qu’il s’agissait de prise illégale de paris, préjudiciables au pari Mutuel Urbain du Cameroun (PMUC), filiale du Pari Mutuel de France. Depuis lors, toute tentative d’en savoir plus sur le dossier est vouée à l’échec. Ni le Ministère de la Justice, ni celui de la Communication pourtant très disert en la matière ; n’ont osé lever un pan de voile sur la question et encore moins le principal concerné : le PMUC.

Pourquoi tant de silence autour de cette affaire ? S’agirait-il d’une affaire d’Etat ou d’un simple crime ? Qui pilote cette affaire et pourquoi refuse-ton de communiquer là-dessus ? Pourquoi jusqu’ici, en dépit des dispositions de la loi, les présumés coupables ne sont-ils toujours pas jugés et pourquoi les avocats n’ont-ils pas accès aux dossiers de leurs clients ? Autant de questions laissent transparaitre un flou bien entretenu, digne d’un film de science-fiction de mauvais goût car, aujourd’hui, l’on se demande : à qui profite le crime ? Combien de personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette enquête relative à la prise illégale des paris ? Une centaine, deux ou trois voire plus ? Difficile d’y répondre.

Dans les brigades de gendarmerie et dans les commissariats de police où ils avaient été placés en garde à vue, l’on nous a demandé d’aller voir au niveau du parquet ou de la prison et à ces deux endroits, nous avons obtenu une fin de non-recevoir et pour cause, l’instruction n’aurait pas encore été close. Impossible de vérifier des allégations du genre quand on sait que le système judiciaire camerounais est d’une opacité sans pareille. Un avocat que nous avons voulu interroger à ce sujet nous a purement et simplement éconduits, arguant que le dossier était délicat et ne devait en aucun cas être divulgué sans l’autorisation du parquet.

Dans ces conditions-là, avons-nous demandé, qui a saisi le parquet ? Le PMUC ou le ministère de la Justice ? Et à ce niveau, nous avons adressé un protocole d’interview au responsable de la communication du PMUC et celui-ci demeure sans réponse. Pourquoi ce dossier fait-il peur et pourquoi ne veut-on pas l’aborder. Quelle est l’identité des mis en cause et pourquoi ne pas en parler ? Quel est le rôle d’un service de la communication dans une institution comme le PMUC s’il ne peut répondre aux questions des journalistes ou à une préoccupation somme toute normale ?

Ce que nous avons appris au cours de cette opération et que nous avons voulu vérifier, c’est le nombre exact des personnes interpellées. Il nous a été dit qu’ils étaient arrêtés par dizaines dans différents endroits de la ville et parqués dans des pick-up de la Police ou de la Gendarmerie, selon les cas. Le nombre exact de ces personnes est difficile à vérifier car à Douala, d’aucuns parlent de dix endroits là où d’autres estiment à une vingtaine, le nombre des opérations de ratissage. Dans l’un et l’autre cas, pas moins de cent (100) personnes auraient ainsi été interpellées puis envoyées sans jugement en prison. Si à ceux de Douala, il faut ajouter ceux de Yaoundé, au moins deux (200) cents personnes se trouveraient en prison.

Une prévention devenue illégale

Si l’on s’en tient aux dispositions de la loi, ces personnes auraient dû être jugées ou alors être présentées au juge d’instruction. Mais il nous a été conté que jusqu’ici, rien de cela n’a été fait. Certains prévenus ignorent-même ce pour quoi ils ont été arrêtés car au moment de leur interpellation, certains se trouvaient là par hasard ou étaient tout simplement de passage ou encore accompagnaient des amis qui, eux, étaient des parieurs. Tous ont été mis dans le même panier à crabes et croupissent en prison sans jugement. Pis encore, ils ignorent qui leur a porté plainte ? S’agit-il alors d’une dénonciation calomnieuse ou d’une tentative d’étouffement d’un scandale aux ramifications incontrôlées ? Car la question que l’on se pose est de savoir sur quelle base était organisée cette prise de paris ? Sur la base du PMUC ou alors sur la base des autres courses de chevaux ? S’agissait-il uniquement des chevaux ou des autres paris organisés par le PMUC ? En quoi ces paris-là étaient-ils illégaux ? Comment étaient organisés les groupes au sein desquels ces paris étaient pris ? Comment se recrutaient les parieurs et à quelle catégorie sociale appartiennentils ? Y avait-il connexion entre les parieurs de Douala et ceux de Yaoundé ?

Qui imprimait les listes des paris et qui les distribuait ? Des questions et bien d’autres fusent de toutes parts, aussi bien des prévenus et de leurs avocats et familles, que des journalistes ayant suivi cette affaire et désireux de communiquer là-dessus. Dans le mutisme auquel se sont murés les principaux acteurs de cette situation, difficile de donner au grand public une information objective. De supputations en supputations, on court le risque d’amplifier la rumeur et de déboucher sur des débordements sociaux dont les auteurs ne seront autres que ceux qui pilotent ce dossier. Dans l’immédiat, il serait souhaitable que ce dossier sorte des tiroirs dans lesquels il se trouve et qu’une communication objective soit faite à son sujet. Les familles de ces personnes interpellées commencent déjà à bouillir d’impatience de ne pas voir leurs parents faire l’objet d’un procès équitable et  contradictoire.

Combien de temps vont-elles refréner leur ardeur ? Quand laisseront- elles libre cours à leur colère ? Difficile de le prévoir. Le mieux est que l’on calme leurs inquiétudes et cela ne peut se faire qu’à travers une communication ou un procès. Quand cela se fera-t-il à Douala ou à Yaoundé quand on sait que la justice de notre pays « n’évacue » pas aussi facilement les dossiers, même les plus brûlants ? Dans un pays où l’on parle à longueur de journée de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, comment expliquer que la presse soit écartée de cette affaire dont l’intérêt public n’est plus à démontrer ? Pourquoi retenir une information qui concerne des dizaines et peut-être des centaines de familles ? Cette retention de l’information, à qui profite-t-elle, aux initiateurs de ces arrestations, à ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre ou au PMUC ?

Si cette dernière croit en tirer profit, force est pour nous de dire qu’elle se trompe car son image est fortement écornée au sein de la population des parieurs du Cameroun au point où ces derniers, progressivement lui tournent le dos pour s’attacher les services d’un autre jeu qu’ils jugent « plus attractif », le pari des matchs de football. En communiquant sur cet épineux dossier, peut-être que le PMUC gagnera quelques parieurs encore indécis mais en ne le faisant pas, cela risque fort de les conforter dans leur indécision qui finira par les conduire vers les paris des matchs de football. Le risque est grand et en ce sens, le service de la communication devrait le faire comprendre aux responsables administratifs du PMUC avant qu’il ne soit trop tard, car c’est aussi là son rôle.

Mais encore faut-il que ledit service comprenne les enjeux réels d’une communication au grand public de ce qui se passe en douce et qui n’est plus un secret pour beaucoup. Pour cette affaire Horizons Nouveaux Magazine International a usé et même abusé de tous les artifices pour en savoir plus sur ce qui se passe autour de ce dossier et est même allé jusqu’à retarder la publication d’un numéro espérant recevoir du PMUC une réponse au protocole d’interview déposé dans ses services. C’était peine perdue et jusqu’au moment où nous mettions sous presse, nous croyions encore que cette réponse tant attendue nous parviendrait. Hélàs, nos efforts ont été vains.

Mais nous ne baissons pas les bras car « il n’y a rien de caché sous le soleil » et tôt ou tard, la vérité finira par éclater et en ce moment-là les Camerounais seront mieux édifiés sur ce qui s’est réellement passé autour de cette prise illégale des paris dans les villes de Douala et de Yaoundé. Une affaire digne d’intérêt sur plusieurs points : comment la justice a-telle pu garder des centaines de Camerounais en prison sans jugement ? Comment on a foulé aux pieds les prescriptions du nouveau code de procédure pénale ou encore comment le système judiciaire, qui se veut indépendant est aux ordres d’un ou de plusieurs individus ou enfin comment un simple crime peut se transformer en une affaire d’Etat ? Autant de possibilités de traitement qu’offre ce dossier opaque qui ne méritait pourtant pas un si triste sort. Affaire à suivre !

© Horizons Nouveaux Magazine : Mouna Mboa

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