Basile-Juléat FOUDA repose au cimétière de Massy en France par Noah Sévérin à Paris
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Basile-Juléat FOUDA repose au cimétière de Massy en France par Noah Sévérin à Paris

Le grand philosophe camerounais Basile-Juléat FOUDA, penseur de l’herméneutique des traditions orales africaines, penseur chrétien s’il en est (catholique) influencé par l'existentialisme et la phénoménologie, est décédé samedi 18 juillet 2020.

Il était âgé de 88 ans. Basile-Juléat FOUDA était malade depuis plusieurs mois et est décédé dans la journée de samedi dans une maison de repos à Verrières Le Buisson dans le département de l’Essonne en France, a précisé son fils, le Dr Jean-Yves FOUDA, joint par notre rédaction.

Ce dernier a précisé que son père s'était couché normalement vendredi, bien que fatigué par une longue période de confinement qui n’était pas favorable aux visites. Basile-Juléat FOUDA, a-t-il précisé a cependant été entouré durant toute la semaine par ses enfants et petits enfant dont l’universitaire et homme politique Vincent-Sosthène FOUDA. Basile-Juléat FOUDA était un philosophe de l’universel, il repose donc depuis vendredi 24 juillet au cimetière de Massy. Quelques membres de la famille, des universitaires se sont retrouvés dès 10 heures à l’église sainte Marie-Madeleine de Massy pour des obsèques suivant la tradition catholique. Basile-Juléat FOUDA, ancien séminariste, ordonné diacre en 1961 a été un acteur de l’inculturation au Cameroun et à ce titre laisse de nombreux cantiques à l’église.

Basile-Juléat FOUDA restera l'un des plus importants penseurs camerounais d’avant et d’après indépendance, bien que ostracisé par l’université camerounaise comme l’a été aussi Fabien Eboussi-Boulaga, il laisse une œuvre considérable qui commencera simplement à être découverte par les nouvelles générations de penseurs africains. Le professeur Souleymane Bachir Diagne professeur à l’université de Columbia salue la mémoire du « philosophe de la responsabilité politique et éthique en Afrique noire. A partir du pancalisme ontologique développé dès les années 60, il n’a eu de cesse que d’inscrire l’Afrique dans l’universel ».

Il avait été en 1958 lauréat du prix « Amitié par la plume » de Blanc-Mesnil, prestigieuse récompense française pour les sciences humaines. Basile-Juléat FOUDA a produit une importante oeuvre de philosophie esthétique de l’existence enraciné dans le pancalisme ontologique. Opposé à tous les totalitarismes, à la guerre à la colonisation, il prendra un nom de plume « Guéma l’Africain » pour réfuter les thèses « du docteur angélique » dictées aux africains par le « païen Aristote », il construisit ainsi ce qu’il appela la « dissidence par la personnalité ». Kiri mbeng « bonjour » est le chant qu’il composa pour l’indépendance du Cameroun et qui fut chanté pendant très longtemps dans les églises du Cameroun ce qui amena Mgr René Graffin à dissoudre Lumina. Basile-Juléat FOUDA fut pillé voilà pourquoi très peu de ses textes sont disponibles mais son épouse professeur de philosophie pendant leur période de vie au Cameroun en a sauvé environ 817 textes et une dizaine d’ouvrage.

Influences catholiques

Né le 4 février 1932 à Akono, fils d'un enseignant d’école primaire doublé de cathéchiste, il est le petit fils du chef Mvog Fouda FOUDA MENDOUMOU celui-là même qui céda ses terres aux missionnaires pour bâtir l’église Notre Dame des Sept Douleurs d’Akono par le Père Stoll, Basile-Juléat FOUDA a été élevé par des parents profondément croyant. C’est eux qui l’enverront au pré-séminaire à Mva’a dans la Lékié alors qu’il n’a que 9 ans. Ensuite il poursuivra ses études au pré-séminaire Saint Tharcisius d’Edéa. C’était un cours moyen deuxième année bis, une sorte de propédeutique avant l’entrée en classe de sixième. C’est en 1946 qu’il y entre et rencontre entre autres, l’abbé Charles Ngandé, qui deviendra un grand poète

de la négritude, Georges Walter Ngango professeur d’économie de philosophie et de théologie et ancien ministre, Jérôme Owono-Mimboé premier évêque d’Obala, Raphaël Marie Zeh troisième évêque de Sangmelima, Louis Paul Ngongo prêtre et directeur de l’Iric, Bernard Nnanga écrivain et professeur d’université, Etienne Nkoa économiste, Gervais Tonyé prêtre musicien, Paul Biya président de la république. Cette génération brillante a pour devise « Perinder ac cadaver » « Obéir comme un cadavre ». Tous iront à Akono le village natal de Basile-Juléat FOUDA dès 1948 et prendront pour devise « custodi regulam et regula custodiet te » « garde la règle et la règle te gardera ». C’est sur les bancs du séminaire que Basile-Juléat FOUDA, découvre l’herméneutique et la phénoménologie de Husserl et de Gabriel Marcel, qu’il développe ses propres recherches sur les traditions orales camerounaises. Il est celui qui mettra à jour les richesses ancestrales de Ngog Lituba avec un texte publié en 1955 « Quand grand père sortit de Ngog Lituba ». En 1962 il se retrouve au cabinet du ministre Aurélien Eteki Mboumoa avant de s’envoler pour Lille en 1963 où il soutient une mémoire de maitrise puis un DESS puis une thèse de doctorat sur la philosophie négro-africaine de l’existence, herméneutique des traditions orales africaines sous la direction du prof. Roger Lefèvre qui deviendra député puis ministre sous Pompidou. En 1974 il soutient sa thèse de doctorat d’Etat sur la rationalité et liberté chez Descartes. Basile-Juléat FOUDA est le père de la littérature camerounaise car dès 1961 il éprouva la nécessité de rassembler la production et les chemins de la littérature camerounaise. A ce titre là il disait « qu’il n’existe pas de précurseur mais seulement des retardataires et le Cameroun était en retard il fallait donc ouvrir le chemin.

Chef de département de philosophie de l’ENS de Yaoundé

Basile-Juléat FOUDA a regagné le Cameroun le 25 septembre 1967. Le département de philosophie de l’université fédérale du Cameroun n’avait alors que deux professeurs, Philippe Marie Laburthe-Tolra et l’agrégé de la Rue d’Ulm Guillaume Bwélé. Il y est recruté mais comme le rapporte Philippe Laburthe-Tolra dans la préface de l’ouvrage Basile-Juléat FOUDA Idiosyncrasie d’un philosophe africain, « un collègue que nous ne nommerons pas, sans être aussi titré, était plus ancien que lui à Yaoundé, où il disposait pourtant d’une chaire à l’Ecole Normale Supérieure, activiste, il fit les démarches qu’il fallait auprès du ministre pour être nommé à l’Université, à la place de Basile, avec le propos que celui-ci prît sa propre fonction à l’E.N.S. camerounaise. » Basile-Juléat FOUDA le pacifiste a donc forgé le département de philosophie de l’E.N.S qui lui doit presque tout. On garde de lui une gestion intellectuelle de ce département et n’hésita pas à poursuivre l’université en justice pour permettre le recrutement du Dr Sidjoum Pokam. Les intrigues, la mort de son ami Bernard Nnanga vont faire qu’il se sente isolé.

C’est ainsi qu’il va quitter le Cameroun partagé par son souci de ne pas faire de l’université « une poubelle de l’histoire » et sa sympathie intellectuelle pour le bouillonnement d’idées qu’il voyait venir.

Lassé de la vie intellectuelle et politique camerounaise, il enseigne en France dans l’université populaire de Longjumeau et anime quelques séminaires à Evry pendant une dizaine d’années. L'"exil" n'est qu'apparent, car il anime parallèlement au Collège International de philosophie à Paris un séminaire, qui devient vite une plaque-tournante de la pensée philosophique. Basile-Juléat FOUDA repose donc hors des terres siennes, il est mort en scrutant le Cameroun et en lui prédisant un avenir radieux. Il n’a pas connu de consécration, mais en ce moment toute une jeune génération intellectuelle découvre sa pensée et de nombreux travaux lui sont consacrés.

FOUDA, B.-J., La philosophie africaine de l'existence. Thèse de doctorat en philosophie, Fac. des lettres, Lille, 1967, 245 p.

*FOUDA, Basile, De la négrité, fasc.I: L'enracinement, le devenir et les nations, Yaoundé le 10 avril 1972.

*FOUDA, B.J., Personnalité africaine et émergence technologique, Yaoundé, brochure, 1972, et Publ. de l'ENS, Yaounde, mai, 1984.

FOUDA, B.J., Rationalité et liberté chez Descartes, Thèse de doctorat d'Etat ès Lettres, Lille, 1974.

FOUDA, Basil Juléat, Le bonheur: énigme, moteur et impasse de la destinée humaine, Conférence, Ecole Norm. Sup., Yaoundé, 1976.

FOUDA, B.J., Discours philosophiques et développement, in Recherches ouvertes (Yaoundé) (1978) n.1.

FOUDA, B., Dialogue philosophique et problème du mal chez les Beti (Sud-Cameroun), in Cl. SUMNER, (ed.), Philosophie africaine, Addis-Ababa, 1980, 38-55.

*FOUDA, B.J.; POKAM, Sindjoun, La philosophie camerounaise à l'ère du soupçon. Le cas de Towa. Yaoundé, Le Flambeau, 1980, 113 p.

*FOUDA, Basile, Méthode cartésienne: le point vélique de la philosophie, in Actes du colloque de philosophie de l'ENS, Yaounde, 4-8 avril 1983. Yaoundé, Impr. St-Paul, s.d.

FOUDA, Basile, Philosophical Dialogue and the Problem of Evil amongst the Beti (Southern Cameroun), tranlated by Claude Sumner, in Journal of African Religion and Philosophy 1 (1990) n.2.

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