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© Correspondance : Thierry Amougou, Economiste, Pr. Université catholique de Louvain, Belgique. Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques. Thierry.amougou@uclouvain.be
- 02 Mar 2020 20:28:00
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Cameroun/France : Macron, Calibri, révolution et risques de la diplomatie activiste :: CAMEROON
Avant le renforcement de la globalisation économique et le grignotage qu’elle a induit sur la régulation stato- centrée, la souveraineté des États était sacrée dans la tradition westphalienne des rapports inter-étatiques. Il en a résulté, à quelques exceptions près, une diplomatie courtoise à travers des lettres de créance policées et des ambassades sanctuarisées dirigées par des diplomates rompus au discours sans aspérités pour ne pas dire diplomatique. Les réseaux Foccart et la cellule africaine de l’Elysée étaient inscrits dans cette philosophie officielle du « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » tout en menant en sous-main une diplomatie plus offensive, personnalisée et intéressée aux intérêts « françafricains » situés à mille lieues de la sacro-sainte souveraineté de l’État subsaharien indépendant. Ce dispositif diplomatique, sans être devenu complètement désuet, a connu, non seulement des changements liés au style et aux personnalités des présidents français et africains successifs, mais aussi le surgissement de la société civile dans la diplomatie internationale à travers les ONG. Avec l’apparition des lanceurs d’alerte, combattants et autres activistes multiformes, le monde, et partant la Françafrique, entrent-t-ils dans une phase de diplomatie activiste comme nouvel instrument de l’ensemble des mécanismes diplomatiques ? C’est notre hypothèse dans ce texte. Il cherche, à partir de l’échange Calibri/Macron, à clarifier ce nouveau type de diplomatie, à montrer quel est son faisceau de risques et à établir quels types de liens il peut nourrir avec l’esprit révolutionnaire.
· La diplomatie activiste : Qu’est-ce à dire ?
De nombreux États du Nord passent de plus en plus par des ONG pour financer leurs projets de développement dans les pays africains afin de contourner la corruption institutionnelle et atteindre ainsi plus directement les populations. C’est cette stratégie qu’a évoquée Macron lorsque l’activiste Thiam alias Calibri a insinué les détournements de fonds par les dirigeants camerounais et donc la corruption du régime en place. Il est tout de même important de signaler, pour la gouverne de Macron et de Calibri, que la corruption, réalité au Cameroun, ne saurait être qu’une affaire d’Etat, mais aussi un mal qui concerne les individus, le secteur privé, les rapports Cameroun/France et bien entendu la société civile camerounaise que Macron semble ériger en modèle de vertu. Les évaluations des résultats de la coopération au développement décentralisée, c’est-à-dire via la société civile sont par ailleurs si mitigés que les Etats sont redevenus au centre de l’aide au développement. Il est cependant judicieux, suite à l’individualisation à outrance du néolibéralisme et à l’omniprésence des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de noter le surgissement contemporain d’une diplomatie hybride où les Etats et les ONG, quoiqu’en interactions, gardent des couloirs diplomatiques spécifiques mais sont obligés de cohabiter avec de nouveaux acteurs, combattants, lanceurs d’alerte et/ou activistes. Ces derniers sont des individus solitaires et/ou appartenant à des organisations dont le but est d’activer des problématiques latentes dans la diplomatie officielle, de mettre en lumière des sujets évités et/ou oubliés ou d’imposer dans l’agenda politico-médiatique des sujets qui ne s’y trouvent pas ou plus. C’est une nouvelle forme d’engagement et de militantisme politiques qui, outre des banderoles, l’affichage, le « sit-in » et les manifestations, use de l’interpellation publique, directe et sans détours de responsables politiques. Elle installe, de ce fait, une néo-diplomatie sous forme d’un dialogue à chaud d’élites avec des acteurs populaires, en rupture avec la discrétion de mise dans la diplomatie classique. C’est cette diplomatie activiste qu’a choisie Emmanuel Macron au dernier salon de l’agriculture en accordant un temps conséquent de conversation à l’activiste Thiam surnommé Calibri.
· Les risques de la diplomatie activiste
Il faut cependant noter que la diplomatie activiste reste un exercice très risqué même en prenant en compte le jeu politique stratégique entre activistes et dirigeants politiques qui s’entendent au préalable pour se rendre réciproquement service dans leurs sphères à travers leurs échanges publics. La diplomatie activiste garde, malgré ces arrangements possibles, les risques qu’accepterait un skieur qui s’engage à faire du hors-piste car il s’agit d’un hors- piste diplomatique avec une grande probabilités d’aléas. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous distinguons quatre principaux risques qui, dans le cas d’espèce, se sont manifestés de façon explicite lorsqu’on examine certains effets de l’échange Macron/Calibri : le risque d’incohérence entre l’activiste et ses objectifs déclarés ; le risque d’incident diplomatique ; le risque de subjectivité et le risque de connivence entre l’activiste et les systèmes des pouvoirs établis.
1. Le risque d’incohérence entre les objectifs de l’activiste et ses doléances
Le risque d’incohérence entre l’activiste et ses revendications est démontré par le fait que l’activiste Thiam appartient à la « Brigade Anti-Sardinard » (BAS) qui, officiellement, lutte pour l’avènement de l’Etat de droit au Cameroun. Brigade qui a saccagé l’Ambassade du Cameroun en France et qui, de ce fait, ne peut revendiquer l’Etat de droit au Cameroun en ayant mis à sac sa représentation diplomatique en France, une microstructure moderne de l’Etat de droit dans les relations internationales. Circuler à travers le monde, séjourner dans un pays étranger, se marier, y travailler, y habiter, se faire établir une carte de résident et bien d’autres prestations liées aux privilèges de l’extraterritorialité, sont des actes et des faits de droit qui font des ambassades des pôles performants d’un Etat de droit dans le système international d’Etats. Il est donc incohérent de les saccager et de déclarer en même temps combattre pour l’Etat droit au Cameroun. Cette première incohérence est suivie d’une seconde : la demande à la France, mieux, la supplique faite à l’ancienne puissance coloniale par Calibri de faire pression sur le Président Paul Biya afin qu’il mette en place l’Etat de droit et libère « les prisoniers politiques ». Il est ainsi mis en évidence une contradiction dirimante entre le combat affiché pour un Cameroun démocratique et la demande d’ingérence explicite d’intervention de la France au Cameroun que formule l’activiste. Celui-ci semble ne pas se rendre compte que le seul fait de demander à une force exogène (France, UE, USA…) d’intervenir dans les affaires nationales d’un Etat est déjà par lui-même un acte de renoncement à l’idéal démocratique car la démocratie n’est rien d’autre que la capacité de résoudre ses problèmes soi-même et de prendre ses décisions de façon autonome. Les dernières interventions exogènes en Irak, en Lybie et en Afghanistan montrent non seulement qu’il est impossible et illusoire de bâtir une démocratie depuis l’extérieur d’une société, mais aussi que ce sont des régressions sociétales et politiques qui en découlent.
2. Le risque d’incident diplomatique
Le risque d’incident diplomatique induit par la diplomatie activiste sort aussi l’incident diplomatique de sa conception classique mise en exergue par la convocation de l’ambassadeur d’un pays ami par les autorités du pays hôte. Il peut aussi désormais prendre la forme de manifestations de contestations contre le pays ami et cela très souvent médiatiquement ou autour de son ambassade. Le risque d’incident diplomatique, sans exclure l’occurrence de sa modalité classique, se manifeste par le fait qu’une diplomatie activiste qui utilise les nouvelles technologies pour ses actions, entraîne aussi la mobilisation d’un contre-activisme en signe de contestation et de contre-pouvoir virtuel et réel. D’où un incident diplomatique d’abord virtuel dans la médiasphère puis réel dès le lendemain entre le Cameroun et la France sous forme d’activisme patriotique. Des milliers de Camerounais ont en effet manifesté autour de l’Ambassade de France au Cameroun pour dénoncer le néocolonialisme et l’ingérence française dans les affaires internes du Cameroun. Le fait qu’Emmanuel Macron ait affirmé avoir fait pression sur Paul Biya pour libérer l’opposant Maurice Kamto tout en ajoutant avoir conditionné la présence du Président Biya au sommet de Lyon à cette libération, a ravivé et réactualisé, tout comme sa promesse à l’activiste de continuer à faire pression pour la libération des prisonniers politiques camerounais, le spectre d’une France qui dirige le Cameroun depuis l’Elysée. Se trouve également au fondement de cet incident diplomatique le ton impératif et jupitérien du président français : « J’ai mis la pression sur Paul Biya pour que d’abord il traite le sujet de la zone anglophone et de ses opposants. J’avais dit je ne veux pas qu’on se voit à Lyon tant que Kamto n’est pas libéré et il a été libéré parce que ce qu’on a mis la pression. Là, la situation est en train de se redégrader à nouveau en zone anglophone. Je vais appeler la semaine prochaine le Président Biya et on mettra le maximum de pression pour que cette situation cesse. Je suis totalement au courant et totalement impliqué sur les violences qui se passent au Cameroun et qui sont intolérables ». En interlocution avec Macron, Calibri devient automatiquement comptable de cette arrogance du pouvoir français et ne peut échapper à la vindicte populaire autant que son illustre interlocuteur.
3. Le risque subjectif de la diplomatie activiste
Le risque subjectif de la démocratie activiste est quant à lui lié au fait que les activistes basent leur militantisme/engagement sur leur histoire personnelle et la lecture que celle-ci donne de leur société et du monde. Si on se fie à son discours, Calibri est un migrant passé par l’épreuve traumatisante de la méditerranée pour arriver en France. Il invite Macron à intervenir contre les dictatures africaines qui, selon lui, entraînent la migration d’Africains vers l’Europe. C’est cette trajectoire traumatique qui semble être le moteur de son engagement et de son militantisme. Cette histoire n’est pourtant que sa parole. C’est l’histoire qu’il veut bien nous rencontrer de lui pour fonder son statut et ses revendications. Calibri a cependant aussi été bébé, enfant, écolier, collégien ou travailleur quelque part avant la méditerranée. Ces épisodes-là sont tus dans son « story telling » calibré de façon à faire de « la dictature camerounaise » la seule cause explicative de sa souffrance et de celle des autres Camerounais migrants. D’où une approche subjective, orientée et tronquée des causes migratoires car, en dehors des quelques cas liés aux problèmes politiques, les Africains migrent d’autant plus que leurs conditions de vie s’améliorent et les Africains/Camerounais n’évoquent jamais « la dictature » pour expliquer leur réussite dans la vie mais uniquement leurs échecs et problèmes. Il est donc fort probable, et cela s’est démontré dans le cas de Calibri, non seulement que les revendications activistes soient si subjectives qu’elles ne peuvent rencontrer l’assentiment populaire, mais aussi qu’elles embarquent Macron dans une lecture erronée de la situation à cause de l’état d’âme que la subjectivité de l’activiste projette à chaud sur la sienne obligée de s’exprimer ouvertement et cela « on the spot ».
4. Le risque de connivence entre activisme et pouvoir établi
L’échange Calibri/Macron et ses effets inattendus permettent de saisir le risque de connivence de la diplomatie activiste. Ce risque résulte du fait qu’un échange qui se passe trop bien entre un activiste et un haut responsable politique place l’un et l’autre dans une situation de connivence qui jette le discrédit à la fois sur le haut responsable politique et l’activiste. Ce risque est la traduction du soupçon ou de la réalité de perpétuation de l’ancien monde une fois établi que l’activiste a désormais ses entrées dans les lieux de pouvoir qu’ils étaient censés combattre et dont l’extériorité par rapport à lui déterminait sa crédibilité d’activiste. Il va sans dire qu’à travers l’activiste Calibri, le Président français a voulu adresser certains messages au pouvoir camerounais et qu’en contrepartie il a permis au dit activiste de passer les siens. Le pouvoir officiel bouffe ainsi de l’intérieur l’activisme en le transformant en un contre-pouvoir qui lui devient intérieur et qu’il utilise pour atteindre les effets escomptés du pouvoir officiel. L’activiste et l’activisme, même s’ils jugent leurs objectifs atteints, deviennent de ce fait parties prenantes du système dominant surtout lorsqu’on sait, contrairement à Calibri, que d’autres activistes du mouvement Gilets Jaunes ont été exfiltrés violement du même salon de l’agriculture. Ne plus être exfiltré manu militari des lieux de pouvoir alors que d’autres le sont fait de
ces autres des hors-pouvoir et de celui qui est toléré un insider du pouvoir. L’épisode Macron/Calibri montre que ce risque n’a pas pu être évité car il s’est traduit en faits concrets contreproductifs pour les deux interlocuteurs. D’un côté, le Président français a magistralement montré qu’il était toujours, malgré ses déclarations passées, un puissant vecteur de la continuité de la Françafrique. De l’autre côté, Calibri, en demandant à ladite France d’intervenir pour l’Etat de droit au Cameroun, devient aussi un maillon de la Françafrique, système de pouvoir occulte et de tutelle de l’Afrique que le continent africain combat depuis plus de cinquante ans. Le contre-pouvoir fait partie du pouvoir comme Kamto et Nzongang font partie du « Biyaïsme » d’abord comme ses serviteurs puis comme ses hérétiques.
· Le double discours de la diplomatie activiste et l’acte révolutionnaire
Les contours de l’éthique révolutionnaire consistent, grosso modo, en trois principes sacro-saints : la liberté comme horizon indépassable du combat, la fin de l’ancien monde ou le commencement d’un nouveau monde comme début de l’histoire, puis l’absence radicale de compromis avec les forces de la domination diachronique et synchronique. Tout ce qui concerne le travail, la réflexion et l’action révolutionnaires se doit d’être en conformité stricte avec ces normes révolutionnaires. Fidel Castro n’a jamais ménagé les USA qui ont soumis son pays par l’industrie de la drogue, du sexe et du jeu. Gamal Abdel Nasser ne s’est jamais amouraché avec les Anglais, les Français et les Israéliens qui occupèrent l’Egypte via le contrôle du Canal de Suez jusqu’en 1956. De Gaulle et Churchill n’ont accepté le moindre compromis avec les Nazis. Thomas Sankara n’a pas fait chorus avec François Mitterrand pendant une seconde. L’UPC n’a jamais pensé une quelconque alliance avec la France dans le projet d’une indépendance véritable du Cameroun. Qu’en-est-il de l’échange Macron/Calibri ? A-t-il les qualités normatives d’un acte révolutionnaire ?
Afin de prouver que cet échange n’est pas à la hauteur de l’éthique révolutionnaire, revenons sur certains de ses passages, c’est-à-dire sur la parole des uns et des autres car celle-ci est fondatrice de l’acte politique par excellence. Qui plus est, un échange traduit un rapport de pouvoir entre interlocuteurs. On se rend compte que Calibri est dans un rapport hyper respectueux au président Macron car il utilise le titre « Monsieur » de façon inflationniste chaque fois qu’il s’adresse à lui. Le Même Calibri ne prend cependant pas les mêmes précautions pour le Président camerounais qu’il appelle par son nom Paul Biya. Le passage suivant où Calibri s’adresse à Macron en témoigne : « Monsieur Macron il y a Paul Biya qui tue les Camerounais. Il y a un génocide au Cameroun Monsieur Macron. Paul Biya tue des Camerounais Monsieur Macron. Nous sommes des Camerounais et nous sommes des morts Monsieur Macron. Monsieur Macron s’il vous plait, s’il vous plait Monsieur Macron. Oui Monsieur Macron mon pays il y a un génocide au Cameroun Monsieur Macron… C’est un honneur pour moi c’est un plaisir de vous voir Monsieur Macron. Nous sommes des Camerounais et nous souffrons Monsieur Macron. Il y a plus de 22 morts qui sont morts calcinés. Nous sommes des Camerounais et nous souffrons. Depuis la méditerranée je vous ai écrit et vous avez répondu ».
Nous avons, à travers ce passage, non seulement le fait que le représentant de l’ancienne puissance coloniale n’a pas besoin de mépriser l’ancienne colonie devenue indépendante car cela est fait par le descendant d’anciens colonisés lui-même, mais aussi qu’il sera beaucoup plus enclin au mépris parce que la voie au mépris est ouverte par le descendant d’anciens colonisés lui-même. Comme quoi, on ne peut mériter le respect qu’on ne se donne à soi-même. Outre cela, si on peut comprendre que Calibri ne respecte pas Biya et son régime qu’il combat à travers la BAS, l’esprit révolutionnaire fait toujours défaut à son acte car le révolutionnaire ne respecte pas, comme il le fait pour Macron, les représentants contemporains des pays auteurs des structures historiques de la domination. Sankara s’adressait avec dédain aux responsables occidentaux et aux institutions financières internationales. La preuve ultime que cet acte n’avait pas l’étoffe d’un acte révolutionnaire est qu’il est inapte à capter et à drainer en sa faveur l’énergie populaire et l’amour viscérale des Camerounais à l’autonomie de leur pays. Un acte qui se dit révolutionnaire ne peut omettre que les peuples descendants d’anciens colonisés, les Africains/Camerounais en l’occurrence, sont hautement allergiques à tout ce qui, de près ou de loin, évoque ou invoque la résurgence contemporaine du moment colonial. C’est pourtant cela que cet échange à réactualisé en faisant ainsi de la liberté et de la naissance d’un nouveau monde, autres objectifs de toute révolution, de pures illusions. Caractère antirévolutionnaire d’autant plus renforcé que Calibri reste dans la stature du « bon sauvage » (indigène accepté par le Colon) qui demande aux « Blancs » d’aller civiliser des « Nègres » qui, toujours à l’âge barbare, n’arrivent pas à construire l’Etat de droit dont la France est le parangon historique en oubliant que les Gilets Jaunes ont déjà enregistré des milliers de condamnations expéditives, des morts, 25 éborgnés et 5 mains arrachés. L’activiste Calibri accepte donc et cautionne le paradigme de « la mission civilisatrice » que l’ancienne puissance coloniale promet de poursuivre au Cameroun en particulier et en Afrique en général.
Si l’acte Macron/Calibri n’a pas les qualités normatives d’un acte révolutionnaire mais ceux de la perpétuation de l’ancien monde à travers la Françafrique, que traduit-il donc dans son double discours ? Parler de discours diplomatique veut aussi dire que c’est un double discours. Quelle est l’autre face de Janus de l’échange Calibri/Macron ?
Du côté de Calibri, l’autre face de ce discours c’est d’abord monter en estime et en grade dans le microcosme des activistes camerounais de la diaspora car la réussite de ce type d’actes, pour un activiste, se limite en premier à l’acte en soi, c’est-à-dire à la réalité du dialogue avec Macron. Cet objectif est atteint car Calibri a été très vite fait Maréchal par ses pairs. L’autre objectif que vise Calibri est d’être non expulsable au Cameroun au cas où il serait sans papiers car cet acte est la preuve qu’il y serait en danger de mort. Le Cameroun joue
aussi le rôle de brouillage de sa vraie nationalité et d’éviter une éventuelle expulsion au cas où il ne serait pas Camerounais car l’administration française ne saurait vers quel pays le faire.
Du Côté de Macron, l’autre message de cet échange est d’utiliser l’opposition au pouvoir camerounais pour mettre la pression au pouvoir camerounais par rapport à certains dossiers (port de Douala, accords coloniaux, fiscalité des brasseries du Cameroun, Sonara, Camrail…) où le pouvoir de Yaoundé se montre moins docile. C’est une vieille stratégie française que de soutenir les régimes en place en Afrique et d’héberger en même temps sur ses terres des opposants à ces régimes. Cela s’est passé en Centrafrique entre Bokassa et David Dacko et se passe actuellement en Côte d’ivoire entre Ouattara et Guillaume Sorro. Ces opposants permettent au régime français de mettre la pression sur les régimes en place en Afrique en brandissant, par moment, une préférence stratégique à l’endroit de leur opposition diasporique. Cela dit, l’échange Macron/Calibri a plus de portée pour la prise de pouvoir par une nouvelle équipe à Yaoundé que pour la révolution. Lorsque Macron promet qu’il va travailler avec la société civile dans les pays avec des présidents non élus démocratiquement, il ne faut pas perdre de vue que le MRC, ses adeptes et bras armés parlent de Kamto comme du « Président élu ». Autrement dit, Macron, sans le dire ouvertement, dit implicitement qu’il va soutenir une société civile camerounaise qui se soulèverait contre un Président non élu démocratiquement, c’est-à-dire Paul Biya, non parce qu’il n’a pas été élu démocratiquement, mais parce que Macron sait que Biya est au courant du fait que cette problématique a été installé par le MRC et Kamto et que la France peut la crédibiliser ou non suivant l’attitude de Biya envers les intérêts français. Le pouvoir de Yaoundé l’a très bien compris. Pourquoi ? Parce que le retour de Maurice Kamto au Cameroun et son escorte par la foule de ben skinneurs à Douala ne semble pas, après cet échange Calibri/Macron, un hasard. Le timing semble avoir été assez bien choisi pour que cette escorte se transforme en émeute urbaine, entraine des violences et que la France intervienne pour établir l’Etat de Droit. Nous prétendons que le pouvoir l’a compris par ce qu’il a encadré efficacement cette manifestation comme jamais auparavant sans aucune violence ou acte de débordement. Le pouvoir a su qu’avec ce que Macron avait déclaré quelques jours plus tôt, l’étincelle était attendue pour que cela s’applique sous prétexte de défendre les Droits de l’Homme. Relisez vous-mêmes pour vous en convaincre la réponse de Macron après que Calibri ait demandé aux « pays des Droits de l’Homme » d’intervenir au Cameroun pour établir l’Etat de Droit :
« Là-dessus… nous sommes très clair. Simplement, la France est toujours prise dans un rôle si je puis dire compliqué en Afrique. Nous sommes un Etat de droit, nous défendons l’Etat de droit partout. Mais quand en Afrique un Président français dit tel dirigeant n’est pas démocratiquement élu, les Africains disent mais de quoi venez-vous vous mêlez ? Vous n’avez pas à nous donner la leçon. Donc moi je dis partout je veux partout des dirigeants démocratiquement élus et lorsqu’ils ne sont pas démocratiquement élus je travaillerai avec la société civile. Je mets la pression sur chacun et je travaille avec l’UA et les organisations régionales pour mettre la pression. Quand le Président Kabila était là il y avait comme vous des opposants dans son pays. On a mis la pression on a travaillé avec d’autres présidents. On a réussi à ce qu’il y ait une alternance politique pour avoir le président Tshisekedi. Sur le Président Biya je lui ai dit il doit ouvrir le jeu, il doit décentraliser, il doit libérer les opposants politiques il doit faire respecter l’Etat de droit. Je mettrai tout ce qui est en mon pouvoir pour le faire. Je veux vraiment que vous le sachiez. Mais ce n’est pas la France qui peut faire la démocratie au Cameroun à la place des Camerounaises et des Camerounais. »
En d’autres termes, aux Camerounais donc de démarrer la révolution et la France viendra les soutenir. C’est ce que dit Macron car il soutiendrait ainsi la société civile sachant que le prétexte d’un Président africain non élu démocratiquement peut être brandi dans n’importe quel pays africain par les Occidentaux qui donnent les bons et les mauvais points en démocratie. Les prochaines tentatives de soulèvement populaire au Cameroun doivent être lues sous ce prisme afin de ne pas être surpris.
Thierry Amougou, Economiste, Pr. Université catholique de Louvain, Belgique. Fondateur et animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques. Thierry.amougou@uclouvain.be
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