Campagne électorale : le flou autour du financement
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La campagne électorale pour les élections des maires et députés du 9 février 2020, lancée depuis le 25 janvier2020, fait apparaitre au jour le jour des signes d’impréparation de la part de l’administration, qui pourtant n’a cessé de multiplier les réunions depuis des mois en vue d’en faire des réglages. Dans les ministères de l’Administration territoriale, de la Communication, de la Défense tout comme à Elecam, on a pensé à tout : réunion avec les gouverneurs des régions, sécurité, recadrage des médias, couleur de bulletins.

Retard de financement

On a pensé à tout sauf au nerf de la guerre, le financement de la campagne, pourtant prévue par le Code électoral. D’après l’article 284, « l’Etat participe au financement des campagnes électorales et référendaires par la prise en charge de certaines dépenses des partis politiques ou des candidats. (2) La participation de l’Etat aux dépenses visées à l’alinéa 1 ci-dessus est inscrite dans la loi de finances de l’année de l’organisation de la consultation électorale ou référendaire » L’article 285 précise que « dans le cas des élections des députés, des sénateurs, des conseillers régionaux ou des conseillers municipaux, les fonds publics destinés au financement des campagnes électorales sont répartis en deux (2) tranches d’égal montant aux partis politiques qui participent à ces élections ainsi qu’il suit : la première tranche est servie, après la publication des listes de candidats, à tous les partis politiques au prorata des listes présentées et acceptées dans les différentes circonscriptions électorales, la seconde tranche est servie, après la proclamation des résultats, aux partis proportionnellement au nombre de sièges obtenus»

Selon les termes de ces articles, les partis politiques devaient déjà avoir reçu la première tranche depuis le 10 décembre 2019, après la publication des listes. Mais en raison des contentieux soulevées suite à cette publication, il était compréhensible que le financement attende, jusqu’au 21 janvier 2020 date à laquelle la chambre administrative de la Cour suprême a vidé le dernier délibéré. Et depuis cette date, aucun signe n’a été fait, la campagne électorale a commencé le 25 janvier, sans que les partis politiques n’aient eu des moyens pour confectionner leurs gadgets de campagne, et se sont pour la plus part concentrés dans les réseaux sociaux. C’est finalement le 28 janvier que le ministre de l’Administration territoriale a signé une note invitant les partis politiques à passer dans ses services rentrer en possession des premières tranches.

Cafouillage

Jusque-là un flou persiste. D’abord on ne comprend toujours pas pourquoi l’argent destiné au financement de la campagne électorale se retrouve au ministère de l’Administration territoriale, alors qu’il y a un organe dont la mission et de gérer de bout en bout le processus électoral. Elecam reçoit les listes des candidatures et les valide, organise les bureaux de votes, publie les listes de bureaux de vote, mais pour la gestion du financement de la campagne les partis politiques doivent se retrouver au ministère de l’Administration territoriale, même pas au ministère des Finances. En plus aucun parti politique engagé dans cette compétition ne connait le montant exact qui lui est alloué. Le communiqué signé du ministre de l’administration reste muet là-dessus, et de manière plus globale le montant total alloué au financement de la campagne n’est pas connu du public. Comme indiquée à l’alinéa 2 de l’article 284 du Code électoral, la participation de l’Etat aux dépenses liées à la campagne électorale est inscrite dans la loi de finances de l’année de l’organisation de la consultation électorale ou référendaire. Effectivement, dans la loi de finances 2020, il a été prévue une somme de 11 478 000 000 Fcfa pour organiser, gérer et superviser le processus électoral. De ce montant l’on ne connait pas la part réservée au financement de la campagne.

Le Ministère de l’Administration territoriale qui contrôle tout en la matière, a pourtant eu le temps de faire les calculs et de rendre publics les chiffres, pour une question de transparence. Mais là encore, les partis politiques vont être traités comme si c’est de l’aumône qui leur était faite, alors que c’est de l’argent du contribuable. Dans le fond, le flou entretenu autour de cet argent de financement de la campagne cache en effet mal les manœuvres de détournement qui se font tout autour. Le Code électoral encadre pourtant l’utilisation des fonds publics alloués aux partis politiques aussi bien pour leur fonctionnement que pour les campagnes électorales, à l’article 277. Alinéa 1, « il est institué une commission de contrôle, habilitée à vérifier sur pièces que l’utilisation, par les partis politiques ou les candidats, des fonds à eux alloués est conforme à l’objet visé par la présente loi. (2) Les partis politiques ou les candidats bénéficiaires d’un financement public ont l’obligation de tenir une comptabilité y afférente. (3) L’organisation, la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de la commission visée à l’alinéa 1 ci-dessus sont fixées par décret du Président de la République. »

Pareille commission n’a jamais vu le jour au Cameroun, même comme les partis politiques reçoivent chaque année des fonds publics, et chaque année électorale des financements de la campagne. Jamais non plus, aucun de ces partis n’a, même pour donner au public un gage de transparence, rendu publics les comptes de gestion des fonds reçus, qui d’après l’article 276 du Code électoral, sont des deniers publics et ne peuvent être source d’enrichissement personnel. Et le fait qu’aucun parti politique n’est jusqu’ici réclamé la mise sur pied de cette commission de contrôle de l’argent de la campagne montre qu’ils sont tous complice de la situation, l’opinion comprend une fois de plus que là encore, le pouvoir et les partis politiques se paient sur leur tête. Dans une entente délictueuse, ils ont institué toute une mafia autour de cet argent de la campagne, un cafouillage dans lequel chacune des deux parties tire son épingle du jeu.

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