Résistance versus patriotisme : Comment BAS et BDP peuvent ensemble servir l’idéal démocratique  ?
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Ces derniers temps ont connu une floraison de directs de la multitude de leaders tant de la BAS que de la Brigade Des Patriotes (BDP). Qu’avons-nous eu comme informations concernant ces deux organisations, si ce ne sont des conflits, des intrigues, des questions d’argent, de conquêtes féminines et des luttes de leadership ?

Dans un premier temps, cela n’est nullement surprenant dans la vie organisationnelle, surtout quand ce sont des organisations intéressées comme celles-là. La BAS et la BDP, comme déjà démontré dans un de nos derniers articles de presse, mettent en place une double économie de la résistance. La BAS résiste officiellement à la dictature de Biya et la BDP officiellement au dénigrement des institutions camerounaises et de ceux qui les représentent. Cette double économie de la résistance génère des statuts d’où les conflits de leaderships, des circulations de fonds (BDP et BAS ayant leurs financements officiels et officieux), des rencontres amoureuses d’où « ces histoires de cul », et des ambitions illusoires ou crédibles. Il en résulte une mini-société diasporique de la résistance dont la continuité a désormais une dynamique propre moins axée sur les intérêts collectifs des Camerounais et du Cameroun, que sur ceux particuliers des organisation BAS et BDP en elles-mêmes et de leurs leaders et membres respectifs. C’est ce qu’on appelle « l’organizing » dans le jargon anglosaxon de la politique des organisations pour signifier la distinction entre buts publics déclarés des organisations et ceux singuliers des organisations elles-mêmes et de leurs fondateurs.

Ces conflits, dans un premier temps, ne sont pas complètement négatifs. Ils sont les preuves que ces organisations vivent et que des divergences s’y expriment. Ils sont aussi la preuve qu’elles peuvent se réformer à condition de considérer le conflit comme une ressource pour inspirer la réforme. Cependant, là où le bât blesse est que ces conflits sont plutôt des opportunités pour dénigrer, insulter à tout-va, exclure, s’autoexclure les uns les autres, ou d’annoncer de nouvelles filiales organisationnelles en se pensant bien entendu la seule parole autorisée pour l’organisation initiale. Il est également très intéressant de se rendre compte que le « Biyaïsme » va impacter le Cameroun pour longtemps encore. Il est en effet lourd d’enseignements de constater que la problématique du détournement de fonds publics, de non partage du pouvoir, de la collection de conquêtes féminines et des biens matériels est au cœur de ce qui mine la BDP et la BAS. Ce besoin maladif d’être le seul « Caïman du marigot » et de jouir injustement des privilèges des postes et des fonctions porte le nom de « libido accumulatrice » dans mon ouvrage le « Biyaïsme » publié en 2011. Mises en place par des Camerounais de la Diaspora, BAS et BDP semblent reproduire les tares de la société camerounaise actuelle. D’où la possibilité de la permanence d’un temps, celui d’un « Biyaïsme sans Biya et d’un Biyaïsme après Biya ». Tout se passe comme si les comportements installés par le régime camerounais depuis 37 ans se logent et agissent dans l’inconscient et le subconscient des Camerounais du dedans et dehors et contaminent les organisations par pollinisation.

La transition à opérer au Cameroun ne peut donc pas seulement être un changement de ceux qui occupent actuellement des places pour d’autres occupants, mais aussi et surtout celle des esprits, de l’inconscient et du subconscient afin que l’Etat, le pouvoir et la gestion de la chose publique se transforment radicalement en mieux en échappant à l’inconnaissance de notre inconscient « Biyaïste ».

Outre cela, BDP et BAS semblent se définir de façon contradictoire. La BAS serait une organisation opposée à la dictature camerounaise et la BDP un mouvement pro-régime de Yaoundé et axé sur la défense des institutions camerounaises et de ceux qui les incarnent. Il nous semble que ce qui manque à la BAS est une résistance critique pouvant permettre la sortie des actions contre-productives comme l’attaque des ambassades au service de tous les Camerounais, notamment des plus faibles, sachant que les classes aisées n’ont pas besoin d’y passer pour se faire délivrer un visa ou un passeport. De même, il manque à la BDP un patriotisme critique capable de distinguer défense des institutions nationales du soutien au régime en place. En d’autres termes, BAS et BDP peuvent être une seule et même organisation de la diaspora camerounaise résistante s’ils deviennent respectivement une résistance critique et un patriotisme critique par rapport au régime camerounais. Aucune résistance ne peut avoir le peuple avec lui si elle n’est patriotique et aucun patriotisme ne peut être crédible aux yeux du peuple s’il n’a le souci de le libérer des régimes autocrates. Sans cette double caractéristique fondamentale, BAS et BDP sont inaudibles, frappés de partisannerie et inefficaces dans le combat démocratique. C’est donc en devenant elles-mêmes des organisations démocratiques, c’est-à-dire en acceptant la critique, le débat contradictoire et de réformer pour l’intérêt collectif en cas de conflits internes, que BDP et BAS peuvent évacuer la dimension tribale et partisane qui les dominent, l’inconscient et le subconscient « biyaïstes » qui les gouvernent en lame de fond pour se laisser guider par la passion de la liberté et la passion de l’égalité, les deux principales caractéristiques de l’Homme démocratique.

Thierry Amougou, Pr. Université catholique de Louvain. Dernier ouvrage publié suivre le lien https://pul.uclouvain.be/book/?GCOI=29303100452120 

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