EVACUATION : De nombreux prisonniers VIP privés de soins de santé appropriés
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Il ne se passe plus une semaine sans qu’une rumeur ne vienne inonder les réseaux sociaux au sujet de M. Fotso Yves Michel. Le médiatique capitaine d’industries, qui est sous le coup de deux condamnations de prison à perpétuité, avait quitté le Cameroun à bord d’un avion médicalisé en août 2019, pour une évacuation sanitaire au Maroc. Et compte tenu de son état physique au moment de son départ, son décès a été annoncé plusieurs fois avant d’être démenti. Ce fut encore le cas la semaine dernière.

La conscience collective semble ainsi gagnée à l’idée que les jours de l’homme d’affaires sont désormais comptés… Environ six semaines avant son évacuation sanitaire effective, Yves Michel Fotso s’était présenté pour la dernière fois en public le 25 juin 2019, à l’occasion d’une audience à la Cour suprême. Ce jour-là, les observateurs avaient découvert un homme très amaigri, poursuivi par une potence qui portait trois perfusions à la fois. Il était d’ailleurs arrivé au palais de justice à bord d’une ambulance. Sa présence dans la salle d’audience avait d’ailleurs suscité quelques commentaires indignés.

Certaines personnes étaient choquées qu’un homme aussi visiblement diminué par la maladie se retrouve devant une cour. Mais, il semble que c’était la condition sine qua non pour qu’un accord soit donné pour sa sortie du pays. La Cour suprême, où sommeillaient depuis deux dossiers concernant l’homme d’affaires, devait préalablement les trancher. Ce fut l’occasion de la confirmation de son double emprisonnement à vie. Ayant été préalablement embastillé plus d’un an plutôt à la prison centrale de Kondengui, Yves Michel Fotso était arrivé à la prison secondaire de Yaoundé (en fait, une cellule du secrétariat d’Etat à la défense chargée de la gendarmerie abusivement affublée du titre de prison), le 25 mai 2012, en compagnie de Marafa Hamidou Yaya, l’ancien secrétaire général de la présidence de le République, et Polycarpe Abah Abah, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances. A ce jour, les deux compagnons d’infortune de l’homme d’affaires, qui croupissent également en prison après de lourdes condamnations, présentent tout aussi une santé fragile.

Affection neurologique

Si, depuis son arrivée en prison, Marafa Hamidou Yaya est coutumier des séjours fréquents dans les grands hôpitaux, notamment pour des ennuis oculaires, M. Abah Abah semblait présenter une santé de fer. Mais, depuis bientôt deux mois, le plus coriace du trio est interné à l’hôpital de la Caisse nationale de Prévoyance sociale (Cnps)... Pour cause de maladie, Polycarpe Abah Abah était d’ailleurs absent, jeudi dernier, à l’audience concernant une des affaires qui le concerne devant le Tribunal criminel spécial (TCS). Mais, son compagnon d’infortune dans cette procédure-là, Amadou Vamoulke, pourtant apparemment en jambes, s’est exprimé ce jour-là, non pas pour se défendre, mais pour présenter ses soucis de santé.

Il a alors exposé ce qu’il a appelé une «situation sanitaire grave qu’il urgeait de porter à la connaissance du tribunal pour exprimer [la] demande de liberté provisoire qui en découle». Il a expliqué qu’il lui a été découvert à l’Hôpital central de Yaoundé, à la suite d’une insensibilité insistante de son pied gauche, une affection neurologique sévère qui nécessitait sa prise en charge à l’étranger compte-tenu des limites du plateau technique local. L’ancien DG a expliqué que sa maladie avait été diagnostiquée par le Dr Yepnjio Faustin, neurologue, après quoi il a subi, sur les conseils du praticien, des examens médicaux d’abord au Centre Pasteur à Yaoundé, puis au Centre médical de la Cathédrale. «Les résultats ont confirmé le diagnostic initial du Neurologue, lequel a préparé un rapport médical indiquant que la seule option qui reste consiste à effectuer une biopsie nerveuse avant tout traitement au fond». Pour mémoire, la biopsie nerveuse ne peut s’effectuer au Cameroun faute d’équipement approprié. Afin d’avoir le coeur net au sujet de la sentence de l’HCY, le rapport médical et les autres documents ont été transmis par les amis du journaliste au Pr Hervé Taillia, Neurologue à l’Hôpital Américain de Paris-Neuilly, qui a confirmé le diagnostic du neurologue camerounais.

M. Vamoulké explique au tribunal qu’au fil des jours, sa situation sanitaire se dégrade et l’expose à la paralysie. «Lorsque je me rendais en consultation, je n’éprouvais pas de douleur particulière, mais juste une insensibilité du pied gauche. Mais, depuis une dizaine de jours, mes nuits sont devenues pénibles et je passe la journée avec le pied posé sur une chaise. Pour le neurologue, l’absence de prise en charge signifie, à terme, le recours à une chaise roulante à la suite d’une perte de mobilité progressive et inévitable. […] Il y a urgence sanitaire, M. le président, M. et Mme les membres du tribunal, le droit à la vie et à la santé sont supérieurs au droit à la liberté. Je suis persuadé que les pères et la mère de famille que vous êtes comprenez aisément cette priorité que j’accorde à ma santé pour que cela puisse inspirer la réponse que j’espère favorable à ma requête. Au cas où elle ne le serait pas, vous permettrez que j’insiste sur mon indisponibilité prévisible pour la suite, soit à cause de mon immobilisation, soit peutêtre parce que je serais mort».

Curieusement, le parquet donnera son avis sur la demande de l’ancien DG de la CRTV le… 21 novembre 2019 avant une éventuelle décision du tribunal.

Olanguena Awono

M. Amadou Vamoulke n’est pas seul suspendu à un avis administratif pour une prise en charge sanitaire à l’étranger. Il y a des années que M. Olanguena Awono Urbain, ancien ministre de la Santé publique, caresse l’espoir de sauver au moins un de ses yeux, la situation étant déjà irréversible pour l’autre organe. Comme dans le cas de M. Vamoulke, les médecins traitants avaient préconisé une évacuation sanitaire en occident suite à la pauvreté du plateau technique local. Informé de la situation, la présidence de la République avait quand même marqué son accord, après quelques mois d’attentes. Cet accord n’a jamais été concrétisé, le concerné étant embastillé à la prison centrale de Kondengui.

Très récemment, a appris Kalara d’une source proche du dossier, l’ancien ministre avait été invité à une contre-expertise médicale ordonnée par son successeur. Elle eut lieu au centre hospitalier spécialisé d’Oback, dans le département de la Lékié. En dépit de la confirmation de la prescription médicale initiale, le prisonnier attend, probablement sans grand espoir que son oeil soit sauvé… Depuis l’émeute de la prison centrale de Kondengui, le 22 juillet 2019, M. Olanguena séjourne d’ailleurs à l’hôpital, suite aux violences subies à l’occasion. Il y avait été transporté, dans l’urgence, en compagnie de M. Ephraïm Inoni, l’ancien Premier ministre (PM), qui est lui aussi emprisonné à Kondengui.

Sauvagement malmené par des jeunes prisonniers, l’ancien PM serait entre la vie et la mort. Certaines fois, l’idée d’une évacuation sanitaire a été évoquée, avant de s’envoler… Plusieurs autres prisonniers parmi les anciens hauts responsables publics sont dans ce cas. C’est le cas de Gilles Roger Belinga et de Iya Mohammed. L’ancien DG de la Société immobilière du Cameroun (SIC) et son homologue de la Sodecoton, résistent, mais, sont bien amoindris par la maladie. Il peut cependant remercier Dieu de rester en vie, puisque de nombreux autres, tels Fréderic Ekande, Jérôme Mendouga ou encore Henri Engoulou, ont passé l’arme à gauche alors qu’ils étaient embastillés. Dans de nombreux cas, la qualité du plateau technique était déjà en cause…

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