RUBEN UM NYOBE PARLE DE L’OCCUPATION FRANCO-BRITANNIQUE ET DE LA REUNIFIICATION DU CAMEROUN
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RUBEN UM NYOBE PARLE DE L’OCCUPATION FRANCO-BRITANNIQUE ET DE LA REUNIFIICATION DU CAMEROUN :: CAMEROON

En 1914, au moment où se déclenche la Première Guerre mondiale, le Cameroun est un protectorat allemand. On a souvent dit que notre pays est une ancienne colonie allemande, c'est là une affirmation qui prend source dans le fait que l'accord de protectorat n'était conclu qu'avec les chefs de la côte. Peu importe, nous connaissons assez ce que signifie les « protectorats » coloniaux pour qu'on ait besoin d'insister sur cette question de forme. Néanmoins, il est à considérer qu'au moment où se termine la guerre de 1914-18, le Cameroun ne se trouve lié ni par un acte de colonisation antérieur ni par un acte de « protectorat », l'accord conclu avec les Allemands ayant expiré en 1913. Ainsi donc, juridiquement, le Cameroun est un pays libre à la fin de la Première Guerre mondiale.

A la défaite des troupes allemandes (16 février 1916), une administration mixte est établie sur le pays. Elle est assurée en condominium par les Anglais et les Français. C'est une situation transitoire qui donnera lieu au partage du Cameroun, dicté par l'intérêt des conquérants. Voici comment s'exprime à cet effet, M. Gaston Joseph, ancien Directeur des Affaires politiques au ministère des Colonies du Gouvernement français :

« Finalement, devant les obstacles, le Cameroun fut divisé en deux zones d'influence. Chacune eut son administration distincte, française et anglaise ( ). »

Dans ce partage en « frères », la France reçut une portion de 425.000 km2 alors qu'une superficie de 90.000km2 était prise par l'Angleterre. Un accord franco-anglais du 4 mars 1916 délimite les zones d'administration de chacune des deux Puissances (article déjà cité de M, Gaston Joseph). D'après la même source, c'est aux deux Puissances que le Conseil suprême Allié confie la tâche de déterminer le statut des territoires « devenus vacants» et l'accord franco-anglais du 4 mars 1916 est entériné le 28 juin 1919 par le traité de Versailles.

ORIGINE DU MANDAT

Le système du Mandat est né d'une controverse opposant le président Wilson (Etats-Unis d'Amérique) aux représentants de la France, de la Grande-Bretagne et du Japon. Le premier soutenait le principe de l'internationalisation des territoires «ex-allemands», tandis que les autres voyaient l'« incorporation » pure et simple de ces territoires dans leur empire colonial comme la « juste compensation » des dommages et préjudices qui étaient la conséquence des hostilités provoquées directement par le pangermanisme. C'est un compromis écartant l'annexion et l'internationalisation qui aboutit en janvier 1919 à la création du régime des Mandats.
Mais ni le préambule ni l'article 22 du Pacte de la Société des Nations n'avaient établi avec netteté, les principes de ce nouveau régime.

REGIME DES MPANDATS, CAMOUFLAGE DE LA COLONISATION PURE ET SIMPLE.

Comme on peut le voir, les forces militaires franco-britanniques occupent le Cameroun et chassent les Allemands qui occupaient le pays jusque-là. Une double administration, puis le partage en deux zones sont réglés uniquement par les autorités franco-britanniques. Au débat sur le sort des anciennes « possessions allemandes », les deux puissances sont partisanes de l'incorporation pure et simple de ces territoires dans leur empire colonial. Dès lors, le Cameroun n'est pas considéré comme un pays devant avoir une perspective, mais comme une marchandise destinée à payer les dommages de guerre.
Du conflit diplomatique opposant le président Wilson aux trois puissances coloniales (France, Angleterre et Japon) il ne sort que la seule appellation qui change le mot colonie en celui de territoire sous mandat, mais rien n'est fait pour marquer le statut particulier du pays placé sous mandat. Dans le numéro spécial de l'hebdomadaire des milieux financiers français (Marchés coloniaux) déjà cité et sur lequel nous reviendrons souvent au cours de cet exposé, M. Gaston Joseph nous révèle en ces termes, ce qu'a été le régime de mandat:

«Dans la pratique, la France disposa au Cameroun des pouvoirs aussi étendus que dans ses colonies, sous réserve de rendre compte de leur emploi. »

Le régime du mandat a donc été un camouflage de la colonisation pure et simple et toute subsistance des pratiques découlant de ce régime dans un pays sous tutelle des Nations Unies ne peut que compromettre les buts poursuivis par celles-ci dans le territoire en question.

CONTINUATION DU MANDAT

Les théoriciens de la colonisation laissent aussi accréditer l'idée que le régime de tutelle est la simple continuation du régime du mandat. Mais cela n'est pas vrai. Le régime de mandat a été institué dans l'esprit du Pacte colonial. Il n'y a qu'à voir dans quelles conditions le sort du Cameroun et du Togo a été réglé à l'issue du premier conflit mondial pour s'en convaincre. Quelques comparaisons suffisent à montrer que la tutelle et le mandat ne sont pas une seule et même chose.
Au cours de la guerre de 1914-1918, aucune rencontre internationale n'avait posé les principes sur lesquels seraient administrés les peuples du monde alors que la rencontre de l'Atlantique pose le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et exclut tout recours à la force par un État pour établir sa domination sur un autre.
A l'issue de la Première Guerre mondiale, aucune base n'a été définie dans le système d'administration des pays non autonomes alors que la Charte des Nations Unies, reprenant les garanties de la Charte de l'Atlantique sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, définit les conditions dans lesquelles ces pays non autonomes seront administrés. Bien mieux, la Charte des Nations-Unies consacre deux chapitres comportant 17 articles au régime international de tutelle, en précisant les buts de ce régime (acheminement des pays intéressés vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou l'indépendance).
En plus du Pacte de la Société des Nations qui était un acte global réservant seulement un passage au système des mandats, aucun acte particulier n'était établi entre la haute instance internationale et la puissance mandataire sur les conditions dans lesquelles le territoire sous mandat devait être administré alors qu'en dehors ou plus précisément en plus des garanties portées dans la Charte de l'Atlantique et la Charte des Nations Unies des accords ont été conclus entre l'O.N.U, et les puissances chargées de l'administration dans les territoires sous tutelle.
En outre, sous le régime des mandats, les populations des pays coloniaux ne bénéficiaient pas des dispositions des grandes réformes internationales comme la Déclaration universelle des Droits de l'homme, alors que ces garanties existent aujourd'hui, même lorsqu'elles doivent être bafouées comme elles le sont par des autorités colonialistes.
Il est démontré ainsi qu'il n'y a pas de confusion possible en droit entre le régime de mandat, fondé sur le Pacte colonial et le régime international de tutelle, basé sur LE DROIT DES PEUPLES A DISPOSER D'EUX-MÊMES.
Cependant, s'il n'y a pas une confusion en droit entre les deux régimes, il subsiste une confusion de fait. Cette confusion de fait est caractérisée par le maintien de notre pays dans la division en deux zones imposant; « une zone, une frontière » à l'intérieur du pays, séparant arbitrairement des familles et des tribus appartenant depuis l'antiquité à la même souche. Mais il y a une aggravation tandis que sous le régime des mandats il n'était pas expressément déclaré que les pays considérés étaient «partie intégrante» des puissances mandataires : aujourd'hui dans l'Accord de Tutelle concernant le Cameroun sous administration française, il est mentionné que la France administrera ce territoire comme « partie intégrante » du territoire français. Nous reviendrons sur cette dernière question lorsque nous aurons à traiter du problème de l'Union française.

LA DIVISION DU CAMEROUN

1/- Elle est artificielle.
L'établissement de deux administrations étrangères dans un pays ne justifie pas la création d'une frontière au sens réel du mot. Que remarque-t-on entre les deux parties du Cameroun si ce n'est la présence de quelques vieux bâtiments abritant les agents de la police douanière, police dont le but est de faire entrave aux libres communications des Camerounais à l'intérieur de leur propre pays. En dehors de ces agents de la répression, rien d'autre ne laisse l'impression qu'il y a une division justifiant la séparation des deux parties du pays comme cela existe.

2/-Elle est arbitraire.
II s'agit de la subsistance d'une situation découlant de l'état de guerre de 1914-1918. Il s'agit donc d'une situation de force. Mais cette situation de force cause préjudice à qui ? Est-ce à la nation qui a mené la guerre contre les Franco-Britanniques ? Non, elle cause préjudice au paisible Cameroun qui n'avait déclaré la guerre à personne et c'est là qu'apparaît dans sa cruauté, l'injustice flagrante dont souffre notre pays dans son état de pays colonisé et divisé.

3/-Elle ne profite qu'aux colonisateurs.
La division du Cameroun n'est justifiée par rien d'autre que le souci des Gouvernements français et anglais d'établir une domination perpétuelle sur notre pays, sous le couvert du régime de tutelle. Car ces Gouvernements savent très bien qu'il ne sera jamais possible au peuple camerounais d'accéder à son indépendance aussi longtemps que notre pays restera arbitrairement divisé en deux parties, confiées à l'administration de deux puissances différentes.

4/-Elle est préjudiciable au peuple camerounais.
Les indications ci-dessus montrent suffisamment dans quelle mesure le peuple camerounais se trouve gravement lésé par le fait de la division que lui ont imposé les Franco-britanniques en 1916. Les communications sont rendues difficiles sinon impossibles par la présence de la police douanière. Nous avons démontré dans le mémorandum remis à la Mission de visite que le service des douanes avait donné quelques « instructions » à la veille de la venue d'une Mission des Nations Unies au Cameroun, « instructions » tendant à ordonner l'assouplissement de quelques mesures de contrôle dans les postes de douane se trouvant entre le Cameroun sous administration française et le Cameroun sous administration britannique. Ces postes sont improprement appelés «postes-frontières». Il s'agit des instructions données par simple circulaire d'un chef de service ce qui n'enlève rien à la réglementation existante, établie de part et d'autre par les deux administrations en présence.

Les pétitions remises à la Mission de visite par différentes organisations et personnes dans les deux parties du pays relatent de nombreux cas d'abus exercés par les agents des douanes dans ce qu'on s'est convenu d'appeler «frontière ». Il convient de citer un cas ici. Les Elongs, dépendant de l'administration anglaise, sont situés à 25 kilomètres de Nkongsamba (Cameroun sous administration française). Le centre commercial le plus proche d'Elong au Cameroun sous administration britannique dont ils relèvent est Kumba (distance 90 kilomètres). Or les Elongs ne peuvent venir vendre leurs produits et acheter les marchandises de première nécessité pour leurs besoins personnels à Nkongsamba sans se voir appliquer des sanctions de toutes sortes, allant de simples amendes aux condamnations à des peines correctionnelles (ci-annexé, copie d'une lettre adressée par le Comité Directeur de l'U.P.C. à Monsieur le Chef du Service des douanes en date du 21 mai 1952). Des exemples de l'espèce abondent. (…)

Extrait du livre « Histoire du Cameroun, de 1940 à nos jours, Tome 1 »

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