Cameroun, Portrait: André Siaka : Toujours plus haut, toujours plus loin !
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Cameroun, Portrait: André Siaka : Toujours Plus Haut, Toujours Plus Loin ! :: Cameroon

Pour lui, chaque obstacle est une source de motivation, un prétexte de transcendance. Aucun sommet n’est assez haut pour donner des vertiges à André Siaka. Un modèle pour notre jeunesse à la croisée des chemins.

«J’ai de l’admiration pour ceux qui sont hors de portée pour moi. Barack Obama par exemple a pris son destin en main et s’est battu pour atteindre son objectif (…) pour ceux qui se battent pour réussir. Parce qu’il est important que chacun prenne son destin en main.» Ainsi parle André Siaka, le Pdg de Routd’Af, homme pluridimensionnel qu’on ne devrait plus présenter, tant il est familier de la scène publique, notamment des affaires, de notre pays. Ce propos n’est pas différent de celui d’un coach en développement personnel… Rien n’empêche André Siaka d’en être. Dale Carnegie, l’ultime référence mondiale du développement personnel ne faisait pas valoir en son temps autant de compétences que l’ancien président du Gicam (Groupement interpatronal du Cameroun). Celui-ci s’y intéresserait qu’il en serait une référence comme il en est dans tous les domaines auxquels il se frotte.

André Siaka est un homme des superlatifs qui, depuis toujours, surfe avec les cimes. A l’école Saint Charles de Pète-Bandjoun où il fait ses premiers pas en 1954, il est vite repéré comme un champion en devenir qui, dès le CM1, est surclassé à la fin du premier trimestre au Cm2 afin d’être prêt pour présenter le Cepe (Cep actuel), qu’il réussit haut la main à 12 ans. Son premier diplôme en poche, le jeune élève qui souhaite devenir prêtre porte son choix sur le petit séminaire de Melong pour continuer ses études. Mais à Melong, il ne croise pas sa vocation. On y enseigne beaucoup de littérature alors qu’il se passionne de mathématiques qu’on ne pratique malheureusement pas assez. «En restant au petit séminaire, confie-t-il, je me serais fait orienter en littérature alors que j’étais doué en maths». Son recteur adresse alors une lettre recommandée à celui de Libermann. Celui-ci le soumet à la présentation du concours d’admission comme tout le monde. Nouveau défi relevé avec panache et voici le jeune André Siaka qui foule le sol de la capitale économique pour la première fois et intègre l’un des plus prestigieux collèges du Cameroun. Excellent élève, il est une nouvelle fois remarqué par ses professeurs. Au contact des pères jésuites qui l’encadrent, il acquiert le sens de

l’humilité, de la discipline et de la ponctualité. Qualités qui l’habitent à ce jour et sans lesquelles personne ne peut efficacement et durablement faire face aux défis de la vie et se maintenir au sommet.

Toujours croire en soi

A Libermann, André Siaka vit pleinement sa passion des maths ainsi que des autres matières scientifiques et son rêve de devenir prêtre est bien ancré. Mais ses exploits en maths et physiques en décideront autrement. «C’est à Libermann que je découvre l’univers scientifique et que l’idée d’ingénieur a pris corps dans ma tête en troisième. Avec d’excellentes notes en mathématiques et physiques en seconde, j’étais le préféré des professeurs».

Un jour alors qu’il est déjà en Première, après quelques devoirs de physiques, son professeur le père Crouigneau, lui demande de présenter le concours de Polytechnique : «André, tu devrais essayer l’Ecole Polytechnique», lui avait-il conseillé. Cette suggestion n’est pas rentrée dans les oreilles d’un sourd, puisque l’élève doué met désormais l’Ecole polytechnique dans sa ligne de mire. L’année suivante, en 1968, il décroche son baccalauréat C. Le conseil de son professeur refait surface.

Le jeune André Siaka s’envole alors pour la France où il s’inscrit à l’Ecole Sainte Geneviève qui prépare aux Grandes Écoles. Trois ans de préparation (1968-1971) lui suffisent et comme de bien entendu, il est reçu à l’Ecole Polytechnique d’où il sort ingénieur en 1974.

C’est l’époque où l’Afrique a besoin de ses enfants allés se former en Occident pour se développer. Naturellement, André Siaka tient à rentrer au pays pour apporter sa pierre à l’édifice en construction. Il choisit d’être banquier et se fait recruter par la Générale des Banques à Paris pour être le premier Directeur Général camerounais de sa filiale locale. Le temps de se faire la main dans le domaine bancaire, l’Etat opère une réforme bancaire en 1974 et entre dans le capital de la Générale comme actionnaire principal. Le poste de directeur général pour lequel il avait été recruté est désormais occupé par un Camerounais. André Siaka devra se contenter d’une place de numéro 3 de la banque, la France conservant le poste du numéro 2. Offre qu’il décline sans hésiter, comme on peut l’imaginer. Conscient de sa valeur minutieusement construite au fil des ans, il se refuse de jouer les seconds rôles sans aucun profil de carrière. C’est ainsi qu’il écrit à une brochette d’entreprises triées sur le volet pour proposer ses services en précisant qu’il signerait pour la première qui lui ferait une offre. La première offre sera celle de la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun (Sabc) en 1975.

Toujours viser la lune

André Siaka signe sans réfléchir, ni même discuter de son salaire. C’est le début d’un long parcours inédit qui commence à Drancy et Marseille en France (un an à l’Union des Brasseries) et se poursuivra pendant 37 ans, dont 25 en qualité de Directeur général et Administrateur directeur général, jusqu’à son départ en retraite en 2014. Un parcours jalonné d’obstacles et de défis auxquels le Directeur général donne des réponses toujours appropriées, souvent novatrices. Son entreprise évolue dans un secteur extrêmement concurrentiel et quand le contexte sociopolitique s’en mêle au début des années 90 pour tenter de déstabiliser la barque, André Siaka la redresse comme un capitaine au long cours qu’il est. Quand il quitte la direction générale des Brasseries du Cameroun, cette entreprise affiche un bilan éloquent : leader des secteurs agroalimentaire et brassicole au Cameroun ; premier contribuable de l’Etat, après le secteur pétrolier. 3000 salariés directs et 2500 prestataires ; 8 millions d’hectolitres de bière et boissons gazeuses produits en 2013 ; 450 milliards de FCFA de chiffre d’affaires ; 80% de part de marché en bière, 67% en boissons gazeuses et 70% en eau minérale naturelle ; certifiée ISO 9001 (2008).

L’une des prouesses de son management qui est déjà rentrée dans les annales du management au Cameroun et qui est enseignée dans les écoles de commerce, c’est cette ficelle qu’il a trouvée en réponse à la tension de la trésorerie et à la conquête des parts de marché auxquelles faisaient face les Brasseries : la transformation des coûts fixes en coûts variables. Le meilleur exemple cité est la gestion qu’il avait alors faite de la livraison des boissons par ses salariés : désormais, ceux-ci allaient être payés au prorata des casiers livrés. Ce qui a décuplé leur motivation et boosté les livraisons et donc les ventes.

Entre temps, il devient le patron des patrons, le président du Gicam (Groupement interpatronal du Cameroun), le plus grand regroupement des créateurs de richesses du pays. Ici encore, le président Siaka met son imagination en marche pour déclencher d’autres batailles qui permettront de moderniser le mouvement patronal. Parmi les acquis de son magistère qui a duré 15 bonnes années (1993-2008), on peut citer l’institutionnalisation du dialogue secteur public/secteur privé, le centre d’arbitrage et la dotation du Gicam d’un siège digne de son rang. Grâce à lui, le Gicam est désormais impliqué dans l’élaboration des politiques et lois qui régissent l’économie nationale et les finances publiques.

Homme des sommets, on l’a dit, on retrouve ce Camerounais bilingue français/anglais (comme devraient l’être tous les Camerounais) dans des cercles élevés de mise sur pied de l’efficacité de l’économie nationale et sous-régionale : Administrateur du Fonds national de l’Emploi (Fne) de 1993 à 2001 ; président du Comité Fal (Comité National de Facilitation du Trafic Maritime International) et administrateur du Guichet unique (1997-2010) ; membre du Comité national de compétitivité (1998-2008) ; administrateur de Arsel (Agence de régulation du secteur de l’électricité) et commissaire de la Commission des marchés financiers (Cmf) de 1999 à 2016 ; président de Unipace (Union des Patronats d’Afrique Centrale) de 2001 à 2004… La liste est bien longue !

Sur ce CV déjà bien rempli, on note une ligne qui peut détonner mais qui n’est rien d’autre que la marque des grands hommes qu’on retrouve souvent où on les attend le moins : depuis 2009, André Siaka est le consul honoraire de la Principauté de Monaco au Cameroun, l’une des 85 représentations étrangères au Cameroun et l’une des 136 représentations diplomatiques et consulaires de la Principauté dans le monde ! Il remplaçait à ce poste, Michel Torrielli, l’ancien Directeur général de la Bicec arrivé en fin de séjour.

Toujours servir et tendre la main

André Siaka poursuit sa route, triomphal, vers d’autres challenges. Après un si riche parcours, le commun des mortels aurait songé à prendre un repos bien mérité. Mais non, M. Siaka n’est pas un homme ordinaire. C’est le moment pour lui de commencer une autre aventure qui est dans ses tiroirs depuis toujours : il sort Routd’Af (Routes d’Afrique) des starting blocks. Une entreprise ambitieuse au capital de 2 milliards de Fcfa qui «a pour mission de construire des infrastructures de qualité pour l’Afrique, dans le respect des coûts et délais». Au risque de se voir dédire par cet homme que rien n’arrête, jamais à court d’ambitions, on peut dire que Routd’Af est aujourd’hui le projet de sa vie. Il lui consacre l’essentiel de son énergie afin d’en faire l’une des références du continent.

De fait, il retourne à une passion non assouvie. Sorti de l’Ecole Polytechnique de Paris comme ingénieur, il avait envie de poursuivre une spécialisation à l’Ecole Nationale Supérieure des Ponts et Chaussées, mais la banque, sa première passion l’avait déjà happé. Après cette longue parenthèse de près de 50 ans, il reprend sa deuxième passion là où il l’avait laissée. Pendant sa présidence du Gicam, dit-il, son obsession était «les infrastructures routières qui sont à la base de tout développement. Si nous n’avons pas un véritable réseau d’infrastructures, l’émergence n’arrivera pas.» Le voilà donc sur le chantier de la construction des routes. Ses ambitions dépassent désormais les frontières nationales, car le champ d’action de Routd’Af c’est l’Afrique. Comme du bon vin, André

Siaka s’est constamment bonifié. En près d’un demi-siècle d’activités, ce fils de Bandjoun a pris beaucoup d’envergure. On le retrouve naturellement dans le secteur bancaire (Ecobank), les télécommunications (Orange, deuxième opérateur national), les assurances (Chanas Assurances) et bien sûr les Ponts et Chaussées.

A 69 ans, André Siaka figure désormais au répertoire des grandes réussites professionnelles de notre pays. Mais son parcours aura toujours un goût d’inachevé s’il ne parvenait pas à faire des émules en partageant son immense expérience et en tendant la main aux jeunes. D’où cette autre exigence de sa vie : «Continuer à servir. Voir que ce que vous avez réalisé améliore le quotidien de tout le monde est ce qui fait vibrer un homme. (…) C’est plus cette envie de faire en sorte que vous rendez la vie meilleure autour de vous et susciter le développement personnel des autres qui vous donne l’impression d’être utile.»

Distinctions honorifiques

Chevalier de la Légion d’Honneur (France, 1996)
Officier de la Reconnaissance Communautaire (CEMAC, 2004)
Commandeur de l’Ordre National de la Valeur (Cameroun, 2008)

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