Dr Christian Pout : Kofi Annan, «Un ardent défenseur de la paix et de la sécurité»
AFRIQUE :: POINT DE VUE

AFRIQUE :: Dr Christian Pout : Kofi Annan, «Un ardent défenseur de la paix et de la sécurité» :: AFRICA

Dr Christian Pout, internationaliste et président du Centre africain d'études internationales, diplomatiques, économiques et stratégiques (CEIDES).

Quel héritage Kofi Annan lègue-t-il à la postérité?
Tout en partageant la douleur de sa famille et de ses proches, il est légitime de reconnaître et saluer son combat acharné pour un monde plus juste et plus pacifique. Il est le premier diplomate d’Afrique subsaharienne à avoir occupé le poste le plus éminent de la haute fonction publique internationale. Il est également le premier secrétaire général à être issu des rangs de l’ONU où il aura travaillé pendant quarante ans, occupant aussi notamment les postes de directeur des ressources humaines, directeur financier, directeur des opérations de maintien de la paix. Durant toute sa vie, il a été un ardent défenseur de la paix et la sécurité, du développement durable, des droits humains et de l’Etat de droit. L’émergence de l’Afrique et la diffusion de la sécurité humaine sur notre continent auront également occupé une place particulière dans son action. C’est ainsi que la cause des femmes et des jeunes faisait désormais l’objet d’un plaidoyer constant de sa part. Au-delà des valeurs et principes qu’il a su incarner et défendre à la tête de l’administration des Nations unies, il a mis sur pied, depuis une dizaine d’années, la «Kofi Annan Foundation» basée à Genève et qui je l’espère, continuera son action diplomatique en s’engageant dans les domaines suivants : la construction d’une paix durable, la médiation et la résolution des crises, la lutte contre la faim, la démocratie et l’intégrité électorale, la promotion du leadership des jeunes etc.

Depuis sa disparition, la communauté internationale lui rend hommage. Doit-on comprendre que Koffi Annan reste un symbole et un modèle à suivre ?
Je pense que Kofi Annan a été l’une des rares figures contemporaines autour de laquelle se faisait une quasi-unanimité pour ce qui est de l’appréciation très positive de la manière dont elle s’est acquittée de ses responsabilité dans un rôle global de premier plan. Il a mis d’accord le Nord comme le Sud, les américains comme les russes, les européens comme les chinois, les africains comme les asiatiques, les israéliens comme les arabes. Son talent diplomatique hors pair, sa recherche acharnée de la paix et de la justice même en des temps troubles lui valent aujourd’hui qu’il n’est plus de ce monde, mieux encore qu’hier, d’être mondialement célébré. Il était déjà un modèle à imiter pour tous les diplomates et au-delà, comme en témoigne le prix Nobel de la paix qu’il a reçu en 2001 conjointement avec l’ONU. Il prend à présent une dimension symbolique car en parcourant sa vie et ses engagements, le monde redécouvre la singularité de ses aptitudes et lorsque l’on dit de lui qu’il aura été « le meilleur Secrétaire Général que l’ONU a connu » ou qu’il était « une force qui guidait vers le bien », je pense qu’il y a une authenticité dans ces paroles qui sont très loin d’être exclusivement dictées par les circonstances.

Dans son discours d’adieu en décembre 2006, il a invité les États-Unis à accepter l'élargissement du Conseil de sécurité et à respecter les droits de l'Homme. Douze ans plus tard, a-t-il été compris ?
Lorsque Kofi Annan publie «Dans une liberté plus grande » au tournant des années 2000, il rêve d’un monde apaisé où la quête de dignité de l’Homme prévaut sur tout. Il aimerait que tous et toutes vivent à l’abri de la peur, à l’abri du besoin, libres et dans la dignité. Le chemin pour y arriver passe selon lui notamment par la solidarité internationale. Le monde actuel se trouve très éloigné de ces nobles objectifs. Les égoïsmes nationaux reviennent, le terrorisme se répand et la nature par endroits se déchaîne, produisant des catastrophes inédites. La vision paléo-conservatrice des relations internationales chez certaines grandes puissances exacerbe les tensions. Je pense qu’il y a lieu de profiter de ce moment de deuil pour se réapproprier le message de paix et de justice cher à Kofi Annan.

Vu d’Afrique et du Cameroun, quelle lecture faites-vous du passage de Kofi Annan à la tête de l’ONU ?
Kofi Annan a marqué de son empreinte les Nations unies en contribuant à rendre l'ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats. Il a lancé de nombreux chantiers dont l’Afrique a été la priorité et le terrain privilégié d’expérimentation. Je pense notamment ici aux Objectifs du millénaire pour le développement lancés en 2000. S’agissant particulièrement du Cameroun, il a été aux côtés des présidents Biya et Obasanjo un grand médiateur dans le règlement pacifique de l’affaire Bakassi et on ne peut que lui être reconnaissant d’avoir accompagné les deux chefs d’Etat dans leur volonté de faire recours au droit international et non aux armes pour solutionner leur différend frontalier terrestre et maritime. L’accord de Greentree est la preuve de cet engagement. En outre, Kofi Annan a toujours veillé à ce que la plus grande publicité soit faite sur l’exemplarité dont ont fait preuve les présidents Biya et Obasanjo dans la gestion de ce dossier. C’est ce souci majeur pour la sécurité humaine qui l’a conduit à défendre la cause des pays du Sud en appelant notamment la communauté internationale à aider les pays en développement à étendre leurs relations techniques et économiques en vue d’assurer la pleine réalisation du potentiel de la coopération Sud-Sud et d’améliorer l’existence des plus pauvres et des plus vulnérables.

Lire aussi dans la rubrique POINT DE VUE

Les + récents

partenaire

Vidéo de la semaine

évènement

Vidéo


L'actualité en vidéo