Christophe FOMUNYOH : « Une sortie de crise ne se fera que par la libération des gens qui sont détenus »
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Les différences notables entre Barack Obama et le nouveau président des Etats-Unis Donald Trump sont connues de tous. Mais certaines nécessitent de se pencher précisément sur le sujet pour déceler les nuances qui les séparent. En effet, Donald Trump mène une politique africaine opposée à celle de son prédécesseur. A washington, le Camerounais Christophe Fomunyoh dirige le département Afrique du National democratic institute, un think tank proche du parti démocrate. De passage à Paris, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Trois mois après son arrivée au pouvoir, est-ce que Donald Trump montre une volonté de changement dans la politique africaine des Etats-Unis ?
Je crois que les premiers signes indiquent quand même une rupture par rapport à l’administration de Barack Obama. Nous avons vu que Trump a reçu par exemple le président d’Egypte, Abdel Fattah al-Sissi, une personnalité qui n’avait pas été bien vue par l’administration de Barack Obama. Nous avons constaté également que le président Trump, dans les premières semaines, a eu des conversations téléphoniques avec le président Buhari du Nigeria et le président Zuma de l’Afrique du Sud. Donc il va se focaliser sur la géopolitique.

Un peu comme Barack Obama, non ?
Un peu comme Barack Obama, mais qui à l’époque avait mis des critères de démocratisation et de bonne gouvernance dans ses interactions avec les chefs d’Etat africains.  

Barack Obama avait bloqué la vente d’une douzaine d’avions militaires américains au Nigeria dans la lutte contre Boko Haram. Donald Trump vient de débloquer cette vente ?
Effectivement, c’est une confirmation de cette approche très militaire. Il est vrai que, jusqu’à présent, on a constaté une préférence de la part de Donald Trump sur le règlement militaire des questions de sécurité par rapport au respect des principes des droits de l’homme.

Mais en même temps, son ambassadrice aux Nations-Unies, Nikki Haley, a eu des mots très durs contre le régime congolais de Joseph Kabila. Elle l’a accusé d’avoir un « comportement prédateur » par rapport à sa propre population ?
Effectivement, je crois que l’ambassadrice Haley a des opinions assez fortes, mais on devrait s’attendre à ce que sa politique soit un peu imprévisible parce que nous avons vu effectivement au Moyen-Orient, une certaine imprévisibilité par rapport à son approche : d’un jour à l’autre el-Assad est passé d’une personnalité qui devrait contribuer au règlement du conflit syrien à une personnalité non grata lorsque le président Assad a utilisé des armes chimiques sur sa propre population.

Obama disait : « Il vaut mieux des institutions fortes que des hommes forts ». Ces derniers mois, on pensait que Donald Trump dirait tout à fait le contraire « Il vaut mieux des hommes forts ». Qu’en est-il aujourd’hui ?
Au vu d’aujourd’hui, je pense que beaucoup d’Américains et beaucoup d’observateurs à travers le monde sont dubitatifs. On a vu que dans ses déclarations, il faisait toujours allusion à des personnalités fortes. Mais par la suite, nous avons suivi aussi ses avertissements au président de Corée du Nord. Ce qui dit que quelque part, il a des principes de droit international et des principes de la bonne gouvernance qui pèsent encore dans ses calculs de sa part.

La semaine dernière, le président en exercice de l’Union africaine, le Guinéen Alpha Condé, nous a dit : « Avec les démocrates américains, il y a beaucoup de promesses, mais peu de réalisations ». Exemple la promesse « Power Africa » de Barack Obama. Avec les républicains, il y a plus de concret ?
Effectivement, quelque part je pense que le président Alpha Condé a raison parce qu’on a vu que par exemple le président George Bush, qui était républicain, a fini par poser des actes avec son Pepfar, le Plan de lutte contre le Sida. Par contre, avec Barack Obama, les espoirs étaient très élevés. Il a fait de très bons discours. Il avait des idées géniales, mais par une coïncidence un peu malheureuse, nous constatons qu’au moment de son départ du pouvoir, il y a beaucoup plus de régimes autocratiques sur le continent qu’il avait trouvés au moment de la prestation de serment en 2009.

Vous travaillez au National Democratic Institute à Washington, mais vous êtes un citoyen camerounais, et vous êtes un acteur politique originaire de la région anglophone du Cameroun. Depuis le mois de novembre 2016, il y a une forte contestation dans cette région, à l’initiative des professeurs et des juristes, plus de 80 personnes ont été arrêtées. Comment voyez-vous une sortie de crise ?
Je dois vous avouer pour ce qui est de mon pays, le Cameroun, je suis tiraillé entre la tristesse et l’embarras. La tristesse parce que je constate effectivement avec une certaine amertume, et une certaine déception, que cette crise qui a commencé par de simples revendications des enseignants et des avocats a été tellement mal gérée au point qu’au jour d’aujourd’hui, on parle d’une crise anglophone que moi, je vois comme une crise nationale au Cameroun. Embarras aussi parce que partout où je passe sur le continent, les autres Africains me posent la question de savoir : comment se fait-il que le Cameroun n’arrive pas à bien gérer sa diversité ? Je me dis que là où nous nous trouvons, une sortie de crise ne se fera que par la libération des gens qui ont été détenus, par la création de conditions qui permettraient un dialogue sincère et ouvert. Le Cameroun ne mérite pas ça et mon espoir, c’est que dans les jours à venir, on va trouver un terrain d’entente pour une plateforme de discussions larges et sincères afin de trouver un compromis de façon durable.

Le Cameroun est un Etat unitaire. Que pensez-vous de la revendication fédéraliste chez un certain nombre de Camerounais de cette région anglophone ?
Au départ, le problème ne se posait pas en ces termes. Mais c’est justement parce que certains actes qui ont été posés par la suite ont poussé, même les gens qui étaient très modérés, à prendre des positions assez radicales et assez sévères, je me dis que si les Camerounais se retrouvent ensemble dans une discussion ouverte, pour voir les résultats de la mauvaise gouvernance qui ont poussé les gens à la révolte, on pourra de la même manière réfléchir sur les solutions adéquates pour pallier à ce manquement. Et cette solution consensuelle pourrait toucher à la forme de l’Etat, comme elle pourrait plutôt amener à une amélioration de la répartition des responsabilités au niveau de l’Etat.

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