Marianne Bema : le perlage bamiléké est fascinante et noble
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L’enseignante et auteure explique pourquoi elle a coordonné la formation de cette expression artisanale à l’occasion du festival Kena.

A l’occasion du festival Kena des peuples Bantoum, dans la commune de Bangangté, département du Ndé en fin mars dernier, vous avez permis à une cinquantaine de participants de se former aux techniques de perlage. Quels étaient les objectifs ?

L’objectif était de faire revivre le savoir-faire de nos ancêtres, de garder cette flamme allumée et de passer le témoin à la jeune génération. Nous avions les ateliers de perlage et les fabricants de tabourets en bambou. N’ayant pas pu trouver les formateurs sur place, il a fallu déplacer la formatrice Evelyne Tamba de Bafoussam. Elle s'associe à d’autres perleuses. J’ai pu dénicher une venue du groupement Batié à travers ses publications sur Facebook ; et dans d’autres villages de la région de l’Ouest. Malgré qu’on soit en préparation de la campagne agricole, nous avons eu des volontaires qui se sont montrés disciplinés et avec l’envie d’apprendre pour en faire un métier.

Cet atelier de perlage au Kena de Bantoum doit son succès a plusieurs personnes, parce qu’un adage populaire indique qu’une main ne peut attacher un paquet. Je remercie le roi de Bantoum, S.M Sabet Jocelyn (Veunmechekeu) qui nous a donnés une plateforme de création et de diffusion pour cet atelier ; Evelyne Tamba qui a fait les déplacements à la recherche des formateurs, aller dans les écoles de Bantoum inviter les enfants et enseignants, et s’installer à Bantoum pour 12 jours pour superviser l’atelier ; Duplex le formateur qui a abandonné ses activités et sa famille pour 12 jours afin de former les intéressés ; Mabatgoup Agathe Belinga, Maveun Leo, et Maveun Euphrasie Woumangue toutes aux USA qui ont sponsorise le repas et rafraichissement pour les participants pendant l’atelier et aussi les cartons de savons de 400 grammes qui ont été partagés aux enfants à la fin du Festival Kena ; Batchamen Isaac de Bantoum qui passait de temps en temps encourager l’équipe et leur donner de délicieux mets fait à base de maïs.

Qui fait le pas ?

J’ai été informée du Festival Kena par le Roi Bantoum et ensuite par la communauté Bantoum du Maryland. Vu l’enthousiasme qui se dessine sur les visages lors de mes ateliers (Bantu Arts Atelier for Kids) en Californie plus précisément dans l’Etat de Los Angeles, je me suis dit pourquoi ne pas faire pareil pour ma communauté à Bantoum. J’ai appliqué la maxime selon laquelle la bonne charité commence par soi-même. J’ai de ce pas contacté Mabatgoup Belinga Agathe, la responsable aux USA qui en a trouvé l’opportunité et nous nous sommes lancés. Les autres mécènes à l’instar de Maveun Leo, et Maveun Euphrasie Woumangue et d’autres petites mains se sont jointes à nous pour en plus de la formation, permettre aux participants d’être dans de bonnes conditions et sont rentrés avec du savon et autres cadeaux à la fin du festival. Batchamen Isaac passait de temps en temps motiver les enfants.

Pourquoi le perlage alors qu’il a bien d’autres formes expressions artisanales ?

J’ai toujours été fascinée par les objets perlés. Je peux les regarder toute une journée sans m’en lasser. J’ai l’impression d’en tirer des messages d'inspiration. La technique du perlage doit continuer à vivre. J’en porte beaucoup d’ailleurs. Je voulais faire ressortir la braise ardente qui couvait dans la cendre, afin que le perlage revienne dans nos communautés ; et au-delà de tout, travailler et développer le Made in Cameroon et à consommer Camerounais.

Quelle suite après ces formations ?

Les matériaux de perlage ont été déposés à la chefferie Bantoum pour permettre la continuité de la formation ; et les objets perlés seront exposés dans la galerie d’arts de la chefferie. Pour faciliter l’accès de cet atelier dans tout le village, trois autres sites naîtront dans les jours à venir. Le formateur Duplex, a déniché trois participants qui selon lui étaient des meilleurs : Prisca, Kalilou entre autres. Ces trois seront chargés de former les autres sous la supervision de leurs parents.

En tant que collectionneuse d’œuvres d’arts. Comment le perlage africain est perçu aux Etats-Unis ?

Le perlage bamiléké en particulier est une technique fascinante de noblesse et d’embellissement qui met en honneur l’amour, le respect, la patience et la considération qu’on porte à son prochain. A l’époque c’était destiné aux objets de la cour royale. Aujourd’hui c’est désacralisé et ça nous donne une influence dans cet environnement.

Vous avez d’ailleurs installé une exposition dans ce sens en 2023. Quelle est votre démarche artistique ?

Dans mes créations, je raconte une anecdote en parlant des paniers (Nkessock) à couvercle perlé. Chaque jeune fille, fiancée, doit en offrir un à son beau-père. Son amour et son engagement pour son futur mari sont mesurés par la beauté et le travail appliqués à son panier. Plus le design est compliqué et très bien fait, plus elle sera une très bonne épouse. Mon histoire pousse les hommes à réclamer des paniers perlés à leurs épouses ou fiancées. Certaines filles disent qu’elles feront un panier repoussant si elles ne veulent pas de ce futur mari. D’autres disent qu’elles le feront tellement lentement jusqu’à ce que le futur mari se décourage et s’en aille. Mon travail artistique tient à ces histoires qui fondent notre patrimoine d’inspiration. J’ai été frappée par l'excès de curiosité et d'admiration que ma communauté aux USA porte à chaque objet d’art venant de notre cher continent. Pour les gens de ce côté, nos objets traduisent l’amour, la patience, l'honneur, et le génie dans la création, donc l’ordinaire rendu extraordinaire.

Les Camerounais veulent mieux vous connaitre

Je suis fille du groupement Batoufam et de la chefferie Bantoum. Je suis née en et grandi à Douala. J’ai hérité du nom de « Magni » pour avoir mis au monde les jumeaux. De mes faits d’armes, j’ai eu le privilège de vivre et d’expérimenter plusieurs cultures de l’Afrique, l’Europe et à présent des USA.

Le partage a toujours été mon point fort. Je l’exerce en participant aux activités organisées dans des communautés par les expositions des objets d’art, des chants, danses, message d’union, sponsorisant des ateliers pour des enfants. Mettant de cote ma formation en Design d’Intérieur et Special Event Cordinatrice, j’ai complété avec succès un programme de Curriculum Development, Classroom Management and How to Teach Young Children a UCLA (University of California Los Angeles). Mon amour du partage et ma communauté m’ont motivée à écrire et publier un livre pour enfant, dans lequel je mets en exergue les cultures grassfield, ses objets usuels et où je valorise l’enfant atteint de l’albinisme, qui est vu par certains comme une tare. Ce livre adresse aussi l’intimidation (bully) dans le milieu des enfants.

J’organise beaucoup d’ateliers d’arts culturels dans des communautés, et aussi des ateliers culinaires en tant que cheffe culinaire.

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