NGANDO PICKETT : DU DEBUT DE SON AVENTURE EN 1981 JUSQU’A CE JOUR
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FRANCE :: NGANDO PICKETT : DU DEBUT DE SON AVENTURE EN 1981 JUSQU’A CE JOUR

En 1981, Ngando, de son vrai nom Henry Mouyebé, décide de quitter le Cameroun à la recherche de nouvelles opportunités dans le monde du football. Son premier objectif est de rejoindre un membre de sa famille en Côte d’Ivoire, mais il finit par atterrir à Yamoussoukro. Là-bas, il combine ses études avec quelques parties de football. Ancien joueur du Dragon de Douala, son père occupe le poste de président du Caïman de Douala à l’époque. Malgré son apparence peu enthousiaste, il est en réalité un fervent amateur de football, voire un véritable passionné. Son amour pour le football s’était déjà manifesté lors de ses participations dans les championnats inter-quartiers de l’école publique de Douala, où il jouait aux côtés de figures telles qu’Anoumou Ngosso, Ndoumbé Léa, Tchakounté, Nguessé et Tiki dans les championnats des vacances.

Le Canon et l’Union de Douala, ainsi que le Dynamo de Douala, sont à leur apogée, comptant parmi leurs rangs des joueurs de renom tels que Thomas Nkono, Manga Onguéné, Bell Antoine, Enamè, Eugène Ekoulé, Mbep Solo, Ndjeya Brice, Alain Eyobo et Sinckot. À cette époque, malgré les modestes primes, les joueurs survivent grâce à leur passion pour le football. Ils jouent par amour et exercent par ailleurs des emplois dans des bureaux ou des usines. Les présidents des clubs sont souvent des dirigeants d’entreprises, qui priorisent l’embauche de joueurs de leur équipe au sein de leurs sociétés respectives.

Le professionnalisme n’est pas encore largement répandu, à l’exception de quelques rares cas, comme celui de Milla, qui est reconnu comme le seul professionnel. Ainsi, la concurrence est féroce au sein des clubs, et il faut avoir acquis une solide expérience sur le banc de touche pendant au moins cinq ans pour espérer jouer régulièrement. Les stades se remplissent principalement lors des matchs impliquant des équipes prestigieuses telles que le Canon-Union, le Tonnerre-Canon ou  Dynamo de Douala contre Union. C’est dans ce contexte que Ngando Pickett décide de quitter le Cameroun, avec l’espoir de rejoindre des clubs  d’ailleurs surtout ceux de l’Afrique du nord, où évoluent des joueurs comme Yerima et Mangamba Adalbert, qui avaient quitté le Cameroun de manière discrète ;  en passant notamment par la Côte d’Ivoire, où sa sœur était mariée, c’est un bon appui pour l’extérieur. Cependant, cette aventure, si elle a réussi pour certains, a été un échec pour la plupart.

En cours de route, les voyageurs sont souvent confrontés à des réalités imprévues qui les poussent à reconsidérer leurs plans. Les premiers aventuriers ayant quitté le Cameroun dans les années 58 à 60 se sont par exemple établis à Dakar, séduits par des femmes capverdiennes métisses qui ressemblaient à des Européennes. Ainsi, se demandaient-ils, pourquoi partir en France quand tout ce dont on a besoin est ici ? Ngando a traversé toute l’Afrique de l’Ouest et finalement a établi sa résidence au Burkina Faso, à l’époque où le pays était encore connu sous le nom de Haute-Volta. Le Burkina Faso ne semblait guère différent du Cameroun, et la vie y était plus abordable.

Dans les restaurants, un plat de riz avec dix morceaux de viande ne vous coûtait que 20 FCFA à l’époque. Ngando a donc décidé de s’installer au Burkina Faso après la Côte d’Ivoire. Il y a rencontré des personnalités telles que le regretté Toumba Minka, ainsi que Lobè, qui est aujourd’hui devenu prospère en Mauritanie, et le journaliste de radio de l’époque, Gabriel Mvolong. Comme tout habitant du littoral, Ngando avait une certaine grâce, il est  bel homme, sportif, et il avait du succès dans sa vie amoureuse. Lorsque le Cameroun s’est qualifié pour la CAN 1984, Ngando était presque le seul et rare supporter de l’équipe nationale dans les tribunes. Il est passé relativement inaperçu. Après la coupe, il a passé un certain temps en Côte d’Ivoire avant de retourner au Burkina Faso. C’est là qu’il a été recruté comme masseur-entraîneur en Mauritanie.

Son arrivée en Mauritanie a été accueillie en grande pompe, avec les médias locaux qui parlaient de lui comme d’un grand entraîneur venu pour révolutionner le football mauritanien. Il était presque adulé partout où il allait à Nouakchott. Ngando était encore mince à l’époque, mais une autre chose l’attirait en Mauritanie : le poisson. Le pays était célèbre pour ses poissons, mais la manière de préparer le poisson, notamment le poisson à la braise, était encore méconnue en Mauritanie. Généralement, les Mauritaniens se débarrassaient de la tête du poisson lorsqu’ils le préparaient, C’est  Ngando qui introduit le poisson à la  braise en Mauritanie.

Cependant, sa carrière en Mauritanie n’a pas duré longtemps. Le pays étant principalement islamique, les comportements extravagants de Ngando, typiques d’un Camerounais, ne sont pas bien passés. Il a quitté la Mauritanie aux pas de course  pour Dakar. Je vais vous épargner les détails des raisons de sa fuite vers Dakar. Pendant ce voyage, Ngando a embrassé la foi évangélique et est devenu pasteur. Il a rapidement revêtu une longue robe blanche, une Bible à la main, et a commencé à convertir des personnes qu’il rencontrait en chemin, tout en proposant de  baptiser certains d’entre eux. « suivez-moi » disait-il dans les rues de saint Louis au sénégal.

Finalement, Ngando est arrivé à Dakar, où il a été accueilli par le célèbre De La Riva. Cependant, De La Riva était un sans-abri marqué par ses propres revers. Ngando a ensuite trouvé refuge chez Edi… un ancien vendeur du BH à Dakar  qui l’a chaleureusement accueilli et lui a offert son aide. Malheureusement, cette collaboration n’a pas fonctionné non plus, et les deux hommes ont fini par se séparer. C’est alors que Ngando a retrouvé le père Flo. À Dakar, le dernier personnage clé dans la ville  est  un homme au grand cœur qui, travaillant dans le plus imposant restaurant de Dakar à l’époque, « MINI RESTAU », venait en aide à tous les Camerounais en difficulté.

C’est grâce à lui que Ngando a trouvé refuge dans ce restaurant, où il a été logé. C’est aussi dans ce restaurant que Ngando a pris du poids, une transformation physique qui ne l’a jamais quitté jusqu’à aujourd’hui. Parce que le soir on lui dit de s’occuper des assiettes non vendues. Son apparence actuelle a été façonnée dans ce restaurant. Dans le monde de l’aventure, le temps file lorsque tout semble merveilleux. Ngando a parcouru l’Afrique de l’Ouest de nombreuses fois et connaît les routes par cœur. Il possède une carte mentale de l’Afrique de l’ouest, il est  capable de superviser un voyage tout en décrivant avec précision chaque recoin des villes d’Afrique de cette région.

Il peut indiquer les chemins à suivre, mettant en garde contre les dangers potentiels à certains endroits. Le chemin qu’il a emprunté pour la CAN 2024, il le connaît comme sa poche. Ce n’était une création, il  maîtrise cette route. Ce n’est réellement qu’en 2000 qu’il a commencé à se faire connaître lors de la Coupe d’Afrique des Nations organisée conjointement par le Ghana et le Nigéria. C’était enfin la reconnaissance de ses efforts. Il prétend même avoir fait un rêve où il était peint aux couleurs du drapeau camerounais (vert, rouge, jaune), disons une vue de son esprit mais qui peut être pris aujourd’hui avec une note de sérieux.

Ngando est quelqu’un qui vit principalement à travers des incantations. En Afrique de l’Ouest, il est bien connu, et son parcours est une histoire qui se raconte dans tous les pays où il a vécu. Il n’a jamais changé, et certains disent qu’il ne changera jamais. Il faut bien entendre ici par ce qu’on entend par « changer ».  À la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, soyez assurés qu’il y sera, s’il peut marcher, et surtout s’il peut voyager par la route, car il adore ce genre de défi. C’est dans ses veines, il est un opportuniste né. Chaque fois qu’il crie, il sait ce qu’il fait, mais le problème est qu’il entraîne souvent de jeunes enfants dans ses aventures tumultueuses.

Ngando a participé à trois Coupes du Monde et à plus de dix Coupes d’Afrique des Nations. Aujourd’hui, il est devenu une icône, non seulement du football, mais de tout le sport camerounais. Beaucoup de gens demandent aujourd’hui qu’il s’arrête, mais ceux qui le font devraient se demander ce qu’ils ont à offrir en remplacement. Il ne pourra pas s’arrêter tant qu’il ne sera pas reconnu à sa juste valeur, comme tout patriote qui s’est battu par amour pour son pays. Ngando est une véritable bibliothèque vivante du football camerounais, riche en anecdotes et en connaissances. Les historiens du football gagneraient à le rencontrer.

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