Vient de paraître: L’INCENDIE DU QUARTIER CONGO A DOUALA 24 AVRIL 1960
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Dimanche 24 avril 1960 à Douala, autour de 14h, le quartier Congo s’est embrasé. Ce fut l’une des étapes sanglantes de la tragique guerre sans merci que se livraient les « maquisards » et l’armée française dans cette ville depuis la veille de la proclamation de l’indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960. Il eut ce jour fatidique des centaines de personnes brûlées par cet incendie qui s’avèrera criminel par la suite …
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Chapitre III
Au détour d’une ruelle du quartier Misosi, Nabangui se retrouva nez-à-nez avec un copain qu’il évitait depuis un moment : Goukal. Ce dernier était militant du parti qui avait réclamé l’indépendance du pays et dont des membres étaient désormais sous maquis. Il ne put l’esquiver.
— Nabangui, mon cher Nabangui, de quoi as-tu peur ? Je sais que tu aimes profondément ce pays, je sais que tu l’aimes, mais de quoi as-tu peur ?
Nabangui poussa un soupir de résignation.
— Ecoute, reprit Goukal, allons chez le camarade Manka, il n’habite pas loin d’ici, il est le responsable du parti dans ce secteur.
Nabangui et Goukal ne marchèrent pas longtemps, et se retrouvèrent devant la case de cette personne. Bien que la porte fût ouverte, Goukal y frappa.
— Ouiiii !! répondit une voix grave de l’intérieur.
— C’est moi, camarade, moi Goukal, je viens avec un ami.
— D’accord, entrez donc, vous êtes les bienvenus.
Goukal pénétra dans la case de Manka, suivi de Nabangui. Ils le saluèrent.
— Prenez place, mes amis, prenez place, vous êtes chez vous ici.
Nabangui et Goukal s’assirent en face de Manka, dans son salon. Goukal s’éclaircit la voix.
— Euh … camarade Manka …
— Oui …
— Je te présente mon ami Nabangui, c’est quelqu’un de bien. (Se tourne vers Nabangui). Nabangui, je te présente le camarade Manka.
Nabangui et Manka sourirent. Goukal reprit la parole.
— Nabangui, mon cher Nabangui, il faut t’engager dans la lutte, il faut le faire, tu es un vaillant garçon, tu dois nous rejoindre dans notre combat contre les Blancs et les traitres de notre race. Il faut rejoindre le maquis. Tu dois venir opérer avec nous, frapper sans pitié l’ennemi. Nous sommes là devant le camarade Manka qui coordonne le maquis ici dans la ville. Il peut t’introduire dans l’une de nos unités de combat, et opérer dès cette nuit-même, si tu le veux. Nous devons aller tuer un traître noir qui cause beaucoup de tort à notre lutte. Nous allons l’éliminer cette nuit. Il a déjà assez nui à la cause nationale, ça suffit. Nous allons le neutraliser. Il va aller au diable, comme il a choisi de servir les Blancs.
— Oui, nous pouvons t’intégrer dans le commando que dirige le camarade Samory, le commando «chauve-souris ». Lui, il n’intervient que la nuit. Il se regroupe à une heure donnée, frappe, et se disperse avant que n’arrivent les forces ennemis.
Nabangui poussa un soupir. Puis, il prit la parole.
— Pourquoi continuer à tuer les gens, l’indépendance n’a-t-elle pas été proclamée le 1er janvier 1960 à Ewondo, le 2 janvier ici à Kweditown et le 3 janvier à Sobajo ? Pourquoi continuer à faire couler le sang, celui des nôtres, alors que nous avons vaincu les Blancs, dès lors qu’ils ont accepté de proclamer l’indépendance ? Ne leur avons-nous pas mis un genou à terre ?
Manka bougea ses fesses sur son fauteuil, croisa et décroisa ses jambes, puis redressa son torse.
— Euh … camarade, non, non, tu n’y es pas, non, non, le 1er janvier, à Ewondo, le 2 janvier, ici à Kweditown, le 3 janvier, à Sobajo, n’a pas été proclamée l’indépendance. Non, ce fut un simulacre d’indépendance, un mensonge grotesque pour nous tromper, nous les Noirs, comme d’habitude, pour nous tromper une fois de plus, il n’y a pas eu indépendance, non, il n’y a rien eu du tout, la preuve, tous les Blancs d’hier sont encore là à nous maltraiter comme ils l’ont toujours fait, avec la complicité des Noirs traitres que nous devons éliminer, un point c’est tout. Aucune pitié pour eux. Je dis bien aucune pitié. Ils trahissent notre race, ils doivent être châtiés, c’est tout. On les tue, point.
Goukal reprit la parole.
— Nabangui, quel est ton métier ?
— Je suis chauffeur-mécanicien. Je conduisais un taxi, celui de mon patron blanc, Monsieur Lebron. J’ai fait un accident avec le taxi, et il m’a licencié. A présent, je suis au chômage, répondit Nabangui.
— Voilà ! Camarade, voilà ! Si tu avais tué ce Blanc, si tu l’avais fait avant qu’il ne te licencie, tu aurais gardé le taxi pour toi, tu aurais actuellement une voiture à toi, tu as été bête. Le camarade Mokandjo, tailleur de profession, a tué son patron, et il est parti avec sa machine Singer, toute neuve, à présent, il a ouvert son propre atelier de couture à Nkong. Si tu tuais ce Blanc, tu pouvais te sauver avec la voiture dans une autre ville, et faire le taxi là-bas. Tu as été bête. Regarde, à Manjo, à Penja, à Mbanga, bref, dans le Mungo, nous tuons les Blancs et reprenons leurs plantations. Ils n’ont qu’à rentrer chez eux. Ils nous ont déjà suffisamment exploités comme ça. Tu devais tuer ton Blanc, Nabangui, tu devais le tuer, tu aurais actuellement une voiture à toi, un taxi que tu serais en train de conduire quelque part, dans une autre ville, tout tranquillement. Tu ne serais pas au chômage actuellement.
Nabangui poussa de nouveau un soupir, se gratta la tête.
— C’est cette violence que je réprouve, cette soif de tuer les gens qui vous anime, vous les « maquisards », vous tuez, tuez, tuez, sans état d’âme, et les Blancs, d’ailleurs très peu, et les Noirs, en grand nombre, ce n’est pas bien. Vous avez transformé l’indépendance en un incompréhensible bain de sang.
Manka dressa la tête.
— Ne mélange pas les choses, camarade, ne mélange pas les choses, ce sont les Blancs qui en premier nous ont tués, nous, actuellement, nous ne faisons que leur rendre le mal qu’ils nous ont fait en arrivant ici, la Bible à la main gauche, et le fusil à la main droite.
— Et les Noirs, pourquoi les tuez-vous, et plus grave, plus que les Blancs ? C’est pour l’indépendance que vous faites cela ? Tuer vos congénères ? Ça n’a pas de sens…
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