Carnet noir : la dernière balade du père du Soul Makossa
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L'artiste, véritable icône africaine des musiques mondiales, a définitivement rangé son saxophone, hier mardi, 24 mars, à l'âge de 86 ans. Les diasporas africaines, en Europe, sont en émoi.

Il ne chantera plus, ne jouera plus d'instrument de musique. Il ne nous gratifiera plus de sa bonne humeur contagieuse, ni de son rire incomparable. Il a tout emporté, ou presque au « Mboabatete ».

A commencer par sa sagesse légendaire. La nouvelle est tombée comme un couperet. Hier, mardi 24 mars. Il était environ 8h30, à Paris. « Jean-Célestin, Manu est parti ». C’est par un coup de fil d'un ami très proche de la famille, que je reçois la terrible nouvelle. Trop brusque. La violence du choc me paralyse. J'ai juste le temps de dire « Non ! » et « Merci », en l'espace d'une poignée de seconde, moins d'une minute en tout cas. Et comme nous sommes en mode confinement, la télé est allumée. Je suis le journal télévisé de France télévision. En plein milieu de l'édition de 8h30, la présentatrice confirme la triste nouvelle que je venais de recevoir quelques minutes auparavant. Je comprends que, cette fois, il ne s'agit pas de rumeur.

Cette dernière avait couru les réseaux sociaux depuis quelques jours déjà, avant d'être démentie par un communiqué officiel de la famille. D'autant plus qu'à la fin du journal, l'information est reprise avec cette précision « L'enterrement aura lieu en toute intimité, annonce la famille ». Le milieu artistique des camerounais et africains, exilés à Paris, encaisse le coup, hébété.

« En plein enregistrement d'un album »

Quand je l'appelle en début d'après-midi, pour avoir sa réaction, connaissant la proximité de ses rapports avec Manu, François Essindi, artiste camerounais initié à l'art traditionnel, n'en revient pas. « Pour moi, c'est comme la fin du monde. Nous étions à Montpellier, les 1er et 2 février 2020 pour un concert. Au moment de rentrer sur Paris, j'ai raté le TGV. Mon billet électronique était dans mon téléphone qui n'avait plus de batterie. Les contrôleurs ne m'ont pas cru. Manu s'est inquiété et m'a appelé pour avoir le cœur net. Je lui ai expliqué la situation, le rassurant que je prendrais le prochain. C'est ce qui s'est passé. Il était très attentionné, attentif à chaque détail."

Et d'ajouter : « Après Montpellier, nous étions en studio, mi-fin février, pour enregistrer quelques morceaux de son prochain album en préparation, tout en balafon. Manu était très attaché à nos traditions ancestrales, notamment musicales. Tous les projets que nous avions commencé m'ont ouvert des portes et beaucoup apporté. Nous en avions encore beaucoup d'autres. Que vais-je devenir? », s'interroge-t-il dépité.

Aimé Nouma, un slameur et auteur camerounais qui vit en région parisienne, se souvient particulièrement d'une anecdote avec le père de Soul Makossa. « En 1981, j'étais dans un vol parti de Paris pour le Cameroun, où je retournais pour la première fois, depuis mon arrivée en 1963. A un moment, je vois un monsieur qui passe à l'allée, arrivant en face de moi. Il me regarde fixement et me fait un sourire communicatif, comme un clin d'œil. Nous ne nous sommes pas parlé avec des mots. Mais c'est tout comme ».

Une autre artiste, la styliste malienne, MariétouDicko, qui a eu l'honneur et le plaisir d'habiller Manu lui adresse ces quelques mots : « Dors en paix Manu ! Tu étais fier de moi ! Moi je suis fière de mes émissions avec toi grâce à Robert Brazza ! Moi je suis fière de t'avoir vu porter quelques-unes de mes créations ! Moi je suis fière d'avoir eu l'occasion d'habiller tes choristes ! M.E.R.C.I. Tu es déjà passé de l'autre côté car les Grands Hommes ne meurent jamais!».

« Honneur à un monument !»

Initiateur du projet de la Maison des Camerounais de France-Centre Franco/Camerounais (MCF-CFC), le journaliste Abdelaziz Mounde rend hommage à un artiste inclassable. « Manu Dibango est l'artiste panafricain par excellence. Il a fait le pont, par son inspiration, son parcours, son œuvre, son incroyable humanisme, entre le Cameroun, l'Afrique, le Monde noir(musical et culturel », affirme-t-il, ajoutant : « Grâce à ses rencontres et collaborations musicales, avec Kabasele, en 1960, le projet des Fleurs musicales dans les années 70, au Cameroun, Tam-Tam pour l'Ethiopie dans les années 80, Wakaafrica avec Yves Bigot, ce monument du 20è siècle, curieux insatiable, négropolitain au sens d'Achille Mbembe, a parcouru les continents de la musique, donnant une armature à ce que l'on a appelé la Worl music, tissant une toile infinie de découvertes et inspirant le monde entier, par les reprises de Soul Makossa, depuis Michael Jackson, de façon éclatante et riche. Honneur au monument !».

Même son de cloche chez Hugues Seumo, journaliste à Camer.be, à Bruxelles. « Manu Dibango, l'un des artistes les plus doués de notre époque, a impacté la musique contemporaine. Puisse son héritage constituer une source d'inspiration pour les générations actuelles et futures. Repose en paix Papy Manu. Mes condoléances à toute ta
famille, au Cameroun, à l'Afrique et au monde musical ».

Manu Dibango s'était rendu à l'hôpital, à Paris, le 6 mars dernier, pour un problème de santé qui n'avait rien à voir avec le coronavirus. Il en est revenu avec le Covid-19 et en est mort.

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