Pré carré français : l’alternance sur commande
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L’actualité africaine, ou plutôt de l’Afrique francophone a été dominée depuis la mi-journée du 05 mars 2020, par l’annonce du président ivoirien Alassane Dramane Ouattara de ne pas se présenter à l’élection présidentielle d’octobre 2020. « Je voudrais annoncer solennellement, que j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération.

Cette décision est conforme à ce que j’ai toujours dit, à savoir qu’il faut laisser la place à une jeune génération, une jeune génération en laquelle nous devons faire confiance, des jeunes ivoiriens honnêtes, compétents et expérimentés, qui ont appris à nos côtés comme nous l’avons fait aux côté du père de la nation le président Félix Houphouët Boigny. Par cet acte, je vais donner la possibilité à des ivoiriens plus jeunes de poursuivre l’œuvre de modernisation de notre pays, et de conduire la destinée de notre nation avec toute l’énergie nécessaire. Je vais aussi assurer les conditions d’une passation de pouvoir d’un président démocratiquement élu à un autre, pour la première fois de l’histoire de notre pays. »

Immédiatement, le président français Emmanuel Macron a réagi sur son compte tweeter « Je salue la décision historique du président Ouattara, homme de parole et homme d’État, de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple“. Cette annonce du président ivoirien suivie de la réaction du président français est doublement porteuse de message, si l’on situe le texte dans son contexte.

Messages

Le texte d’abord peut se comprendre sur la forme et sur le fond. Sur la forme, le président ivoirien met ainsi fin au suspense qu’il entretenait depuis 2016, date à laquelle il avait fait voter une nouvelle Constitution. Entre autres modifications, la limite d’âge de 75 ans pour se présenter à l’élection présidentielle avait été supprimée, et le texte instaurait un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une fois. Ces points avaient soulevé des craintes de l’opposition, pour laquelle cette réforme visait simplement à maintenir le président au pouvoir encore plus longtemps.

En 2016 Alassane Dramane Ouattara était âgé de 74 ans, donc était disqualifié pour se représenter pour un troisième mandat en 2020 d’après les dispositions de l’ancienne loi fondamentale. En éliminant cette clause il se remettait alors en course. Ensuite, même en limitant le mandat à 5 ans renouvelable une fois, il savait qu’il n’était pas concerné, suivant le principe de la non-rétroactivité de la loi. Au moment de la modification il exerçait déjà son deuxième mandat qui s’achève en 2020, après lequel il pouvait se remettre en course en se conformant aux nouvelles dispositions, ce qui lui donne la possibilité de briguer encore deux mandats.

Pour le moment, si l’on s’en tient aux déclarations, il ne se portera pas candidat, c’est dire qu’il renonce. Le message ici est qu’il est possible de renoncer à se porter candidat à une élection présidentielle même quand les possibilités sont offertes, surtout quand l’on a déjà occupé ou occupe encore la fonction. Sur le fond, le président Ouattara dit qu’il faut laisser la place à une jeune génération, « une jeune génération en laquelle nous devons faire confiance, des jeunes ivoiriens honnêtes, compétents et expérimentés. »

Là aussi le message est suffisamment clair, la vielle classe doit libérer l’espace et permettre à la jeunesse de s’exprimer et surtout de prendre son destin en main. Il annonce ainsi la fin de la gérontocratie au pouvoir, en tout cas si l’on s’en tient strictement aux déclarations.

La main cachée de la France

Le contexte ensuite permet d’avoir une autre lecture et percevoir d’autres messages. La côte d’Ivoire fait partie du pré carré français, et sur le plan international la France est de plus en plus interpellée sur la situation sociopolitique dans les pays sur lesquels elle a la main mise. Dans ces pays, l’éternisation au pouvoir des dirigeants est devenue source d’instabilité. Les manifestations de rue réprimées, les arrestations et détentions arbitraires, les élections indéfiniment contestées, toutes les méthodes utilisées pour se maintenir au pouvoir conduisent fatalement aux violations des droits élémentaires des populations.

Lesquelles ne veulent plus se laisser faire, et portent désormais la contestation jusque dans les instances internationales comme l’Union africaine, l’Union Européenne, les instances de l’Organisation des Nations Unis. Dans ces instances, la France est nommément citée comme étant le soutien de ces dictatures camouflées sous les habits d’une démocratie. Et les autres puissances ne cessent de rappeler aux dirigeants français que ces instabilités ne sont pas bonnes pour les affaires. Cette France-là, la mère patrie a alors pensé à changer de méthodes. Il ne s’agit plus pour elle de maintenir trop longtemps des dirigeants à la tête des pays de son pré carré, il faudra roter constamment pour donner l’impression qu’il y a alternance, mais en veillant sur les intérêts. C’est ainsi qu’il faut comprendre la sortie de Emmanuel Macron qui ne s’est pas fait attendre d’abord, et ensuite qui dit clairement : « Ce soir, la Côte d’Ivoire donne l’exemple ».

Quand il parle d’exemple donné, cela sous-entend que d’autres pays doivent suivre, ou qu’il va faire suivre cet exemple à d’autres pays. Cela sous-entend aussi qu’il a travaillé à ce que cet exemple soit effectif. Car comment comprendre qu’Ouattara ait modifié la Constitution il y a 4 ans faisant sauter la limite d’âge de 75 ans pour la candidature à l’élection présidentielle, pour se souvenir subitement qu’il faut laisser la place à la jeune génération ?

Il est dès lors difficile de croire que cette décision de ne plus se représenter vienne de lui, il est bien possible que cela lui ait été suggéré, comme l’on dit en langage diplomatique. Au-delà donc de de l’annonce de Ouattara, on entrevoit également la France qui tient à soigner son image, en « encourageant » – et là c’est une autre expression diplomatique- autant que faire se peut, les dirigeants qui s’éternisent au pouvoir, à emprunter une voie honorable pour la sortie. Après l’exemple ivoirien, qui va suivre ?

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