Qui a peur des cadavres à Yaoundé ?
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Le régime de Yaoundé, à commencer par Ahmadou Ahidjo, est bien connu pour discriminer entre les Camerounais qui méritent un enterrement digne et ceux qui ne le méritent pas. De nombreux « maquisards » ont de la sorte été enterrés dans des fosses communes, laissés dans des buissons ou des tombes anonymes. Même la proposition d'une statue pour le leader historique de l'UPC, Ruben Um Nyobe, à Douala a été rejetée par les chefs traditionnels Sawa proches du régime de Yaoundé.

Il y a aussi de nombreux Camerounais dont les corps ou les cendres sont empêchés de retourner chez eux par les structures du pouvoir à Yaoundé. C'est le cas d'Ahmadou Ahidjo lui-même, de Felix Moumie, d'Abel Kingue, de LaPiro de Mbanga et même d’autres plus récents comme Jeanette Marafa qui s'est vue refuser un enterrement correct dans son pays, et dont des cadavres qui sont toujours piégés dans les absurdités sombres et les pratiques déshumanisantes de la politique nihiliste du régime de Yaoundé.

La question centrale devient qui a peur des cadavres à Yaoundé?

Pour répondre à cette question, nous devons reconnaître que le terme «humain» tire son origine de créatures qui enterrent correctement leurs morts. Cependant, dans un pays comme le Cameroun, où le président jouit de tout le pouvoir et qui est une autorité souveraine à part entière, il a ainsi le privilège de décider unilatéralement qui est un bon ou un mauvais camerounais.

Ce débat sur qui représente un bon Camerounais est la décision qui relève du seul président et démontre à suffisance comment il est à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la loi, parce qu'il a le pouvoir légal de suspendre la loi et de statuer par décrets sous les prérogatives d'urgence d’un État d'exception permanent qui prévaut au Cameroun; puis de révoquer les droits civiques de toute personne qu'il considère comme une menace pour la supposée sécurité nationale.

En pratique, une absurdité de justice qui se discerne facilement avec un président qui a déclaré officiellement que le rapatriement de la dépouille de son «illustre prédécesseur » Ahmadou Ahidjo dépend de sa famille. Ce qui, comme tout le monde le sait, est absolument faux puisque la femme d'Ahidjo, Germaine Ahidjo, a dû faire face à de nombreux obstacles à cause des sombres machinations du gouvernement camerounais qui, en réalité, continue de s’opposer fermement à ce rapatriement.

Cela est ni plus ni moins qu’une façon d'avoir le beurre et l’argent du beurre en même temps, révélant la ligne mince qui existe entre le crime et la justice, puis la justice et la vengeance au Cameroun. De plus, ce débat est lui-même pollué par les tensions récurrentes autour des notions d'autochtonie contre l'allogénie, de double nationalité, d'élites contre les roturiers, de militants des droits de l'homme contre les pontes du régime, les prisonniers politiques, etc. puis la mort sociale qui structure tout le reste.

Cela crée un état constant d'anxiété pour ceux qui ne sont pas reconnus par l'État et sont de facto des citoyens de seconde classe; ce que le philosophe italien, Giorgio Agamben appelle «Homo Sacer». Homo Sacer est un mot (latin pour «l'homme sacré» ou «le maudit» homme ") est une figure du droit romain: une personne dont les droits ont été révoqués et qui peut être tué par quiconque et en toute impunité, mais ne peut être sacrifié dans un rituel religieux.

Tout cela est dû à la capacité du tyran à privatiser la république.

Dans un état de privatisation, le dictateur incarne la souveraineté, puis le droit à la vie et à la mort. La démocratie, d'autre part, est un gouvernement d'égaux, le peuple est souverain et donc personne ne peut en faire un citoyen de seconde zone ou un homo sacer.

C'est là que des organisations de défense des droits humains, telles que le CL2P, travaillent dur pour mettre un terme à ces souffrances infinies jamais reconnues par l'État. Ainsi, le CL2P s'appuie sur tous les moyens possibles et active les mécanismes internationaux pour ramener ces corps dans leur pays car il s'agit avant tout de transparence, de bonne gouvernance, et d'égalité des droits civiques.

C'est aussi la nécessité de reprendre le pouvoir de raconter des histoires sur nous-mêmes, et pas seulement en tant que personnages précaires. Comprendre, cependant, comment la mort de ces héros rend nos vies vivables en commençant par refuser le statu quo et les conditions qui rendent nos vies jetables. D'où le refus de garder le silence face à l'oppression.

Comme l'a écrit Edmund Burke: «Tout homme est coupable de tout le bien qu'il n'a pas fait. ... La tragédie ultime n'est pas l'oppression et la cruauté des mauvaises personnes mais le silence à ce sujet par les gens du bien. »

Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P

http://www.cl2p.org 

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