Une famille use de tout pour ressusciter un décret d’Ahidjo
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L’acte signé de l’ancien chef d’Etat il y’a 46 ans avait octroyé 16 hectares de terre à un homme d’affaires à Soa. Annulé pour cause d’irrégularité, le document est de nouveau au coeur d’une nouvelle bataille judiciaire.

Les membres de la succession Kam, ayant-droits d’un défunt homme d’affaires, ont eu l’occasion le 22 novembre 2019, d’exposer publiquement les motifs pour lesquels ils réclament la rétractation d’un jugement (tierce opposition permettant à un tiers qui n’était ni partie ni représenté à la procédure et qui critique une décision, de faire à nouveau statuer en fait et en droit) rendu à leur insu et à leur détriment. Ils n’en reviennent toujours pas d’avoir découvert, grâce à votre journal, ce qu’ils redoutaient le plus, il y’a un peu plus d’un an : l’annulation d’un décret présidentiel attribué à feu Ahmadou Ahidjo, ancien chef de l’Etat. Un acte sur lequel ils fondent leurs droits sur une parcelle de terre de 16 hectares située à Nkozoa, dans l’arrondissement de Soa. La décision a été rendue le 10 juillet 2018 au Tribunal administratif de Yaoundé.

Ce jour-là, la juridiction avait donné raison à Mme Elomo Mballa Blandine, native et membre de la communauté villageoise de Nkozoa, qui avait attrait les services de la présidence de la République devant la barre. La dame jugeait que le décret vieux de 45 ans était entaché d’irrégularités. Le décret querellé est daté du 28 décembre 1973 et cède l’exploitation et l’occupation des terres dont se prévaut la communauté villageoise de Nkozoa à feu Kam Jacques, un homme d’affaires, pour développer un projet agricole d’envergure. Seulement, aux dires de Mme Elomo Mballa, ledit projet n’y a jamais vu le jour. Elle expliquait qu’aucun membre de la succession Kam n’a été vu dans ce périmètre pour entamer, selon les stipulations dudit décret, l’exploitation d’un infime bout de terre. D’où sa surprise quand ces derniers ont brandi deux titres fonciers n°6121 et n°6138/Mefou et Afamba englobant la surface du terrain querellé lors d’un autre litige.

A la suite de ses investigations, elle a trouvé des documents qui prouvaient que le processus ayant conduit à l’attribution de leurs terres à feu Kam Jacques était émaillé de fraude de bout en bout. C’est sur le fondement desdits éléments que le décret a volé en éclats le 10 juillet 2018.

Recours forclos

La succession Kam a contreattaqué en réclamant le maintien en vie du décret présidentiel. Devant la barre, ses avocats ont développé un argument «unique et essentiel», à savoir le caractère tardif du recours gracieux préalable de Blandine Elomo Mballa. Ils font comprendre que ce décret a été émis le 28 décembre 1973 et fait l’objet d’une publication au journal officiel de la «République Unie du Cameroun», le 1er janvier 1974. De leur point de vue, leur adversaire avait jusqu'au 1er avril 1974, soit trois bons mois, pour contester les termes dudit décret présidentiel comme le lui permettaient à l’époque les dispositions de l’article 12 paragraphe 3 de l’ordonnance du 26 août 1972 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême.

Pour eux, la publication est vue comme «l'action de porter un acte administratif ou législatif, le plus souvent de portée générale, à la connaissance du public, normalement par son insertion dans un périodique officiel tel que le journal officiel de la République. C'est une mesure de publicité destinée à rendre l'acte opposable à tout ce qui constitue l'une des conditions de l'entrée en vigueur de l'acte». Le portail des camerounais de Belgique (Camer.be). Au regard de cette définition, ils ont estimé que tant le recours gracieux préalable du 28 septembre 2016 de la dame que son recours contentieux du 26 janvier 2017, violent la loi, du fait de leur caractère tardif.

Doubles requêtes

André-Marie Opono Tsala, mandataire de Mme Elomo Mballa, s’est attelé à affaiblir cet argumentaire. Pour lui, le décret querellé est un acte administratif individuel qui n’a jamais été porté à la connaissance effective de sa cliente. L’argument de la forclusion est de ce fait inopérant. «Peut-on faire tierce opposition dans une procédure où on a déjà fait une intervention volontaire?», s’est-il demandé par la suite. L’homme explique qu’après avoir reçu, en premier, la requête en tierce opposition de ses contradicteurs en novembre 2018, il a constaté que ces derniers ont demandé aux juges d’annuler leur propre décision. Ce à quoi, il a répliqué que le tribunal est incompétent pour annuler sa propre décision.

D’après lui, la succession s’est rendue coupable de tripatouillages, en s’introduisant au greffe pour faire enregistrer «frauduleusement», «à la main», une requête en intervention volontaire faisant d’elle une partie au procès. L’acte est daté de 2017. Ceci laisse croire que les juges n’ont pas tenu compte de la succession Kam en rendant le jugement querellé. Cette requête lui a été notifiée par voie d’huissier de justice en janvier 2019. Il l’a présentée aux juges qui, curieusement n’en ont vu aucune trace dans le dossier de l’affaire. Interpellé par le tribunal, Me Omar Machia, avocat de la famille Kam a reconnu le document portant l’en-tête de son cabinet et signé de sa main. Il a expliqué que l’intervention volontaire a été «occultée», raison pour laquelle ses clients ont fait tierce opposition au jugement. M. Opono Tsala est revenu à la charge en déclarant que la succession n’a jamais mentionné cette prétendue omission. De plus, les délais de pourvois sont désormais clos.

Selon son raisonnement, c’est un pourvoi en cassation que la famille aurait dû introduire à la Cour suprême en découvrant que son «intervention volontaire » a été ignorée. Les débats ont été abrégés et l’affaire déprogrammée. Dans ce même volet de l’affaire, le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf), qui n’était pas partie au procès initial a déclenché une offensive judiciaire en formant un pourvoi en cassation, le 7 août 2018, contre le jugement rendu en faveur de Mme Elomo Mballa Blandine, le 10 juillet 2018. Cette fois, c’est devant les juges de la Cour suprême que les parties vont aller batailler.

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