La garde à vue administrative d’un enseignant fait peur
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Nathan Fongang Mesaak, professeur bilingue au lycée d’Avebe-Esse est privé de liberté depuis neuf jours après une leçon où a été évoquée la crise anglophone.

Mercredi, 18 septembre 2019, ville de Sangmélima, il est 16h15, lorsque votre reporter à peine arrivé dans la cité se met à la recherche du domicile de Nathan Fongang Mesaak, professeur bilingue au lycée d’Avebe-Esse. Une localité située à 25 km de la ville. L’actualité faisant couler beaucoup de salive dans la région étant l’interpellation de cet enseignant samedi, 14 septembre 2019, au lendemain de son cours d’anglais en classe de première. L’enseignant est donc toujours en garde à vue administrative à la brigade territoriale de Sangmélima depuis le jour de son interpellation.

Nathan Mesaack Fongang, professeur de lycées d’enseignement général bilingue, né le 23 octobre 1983, est en service au lycée d’Avebe-Esse depuis le 15 janvier 2014. Mercredi, 18 septembre 2019 donc, votre reporter se met à la recherche de sa famille. Une tâche qui ne s’annonce pas facile. Surtout qu’au départ, il ne dispose d’aucun indice. Il se souvient néanmoins que dans l’autobus qui l’a conduit à Sangmélima, un passager lors des discussions a laissé entendre qu’il connaissait vaguement monsieur Fongang, et qu’il habiterait non loin du stade de Sangmélima au quartier Akôn.

Le reporter emprunte donc la moto en direction de ce quartier de la ville. Sur place, il interroge passants et habitants. Sans suite. Tout à coup, surgit un monsieur en costume, sortant d’une église non loin de la rue. Par un réflexe, le reporter s’approche de lui, le salut et lui pose la question de savoir s’il connaît un enseignant qui venait d’être mis en garde à vue par le sous-préfet de l’arrondissement de Sangmélima après un cours dispensé en classe dans un village non loin de la ville. « Oui, mon collègue Abassié, enseignant au lycée classique et moderne de Sangmélima m’en a parlé il y’a deux jours », reconnaît le monsieur. Et l’étranger d’ajouter, « c’est ce collègue qui le connaît mieux, c’est son ami ». Et le reporter de repartir, « s’il vous plaît, pouvez-vous m’aider en me conduisant chez monsieur Abassié pour qu’il m’aide à son tour à retrouver le domicile de monsieur Fongang ? », l’interlocuteur regrette, « ouais ! Désolé. J’ai une réunion d’église, je suis juste sorti pour voir si les autres membres arrivaient déjà ».

Le reporter plaide encore, « pouvez-vous tout au moins m’indiquer le quartier de monsieur Abassié ? », l’enseignant conseille, « oui, prenez la moto, vous dites Bissono, carrefour église EPCO ». Le reporter remercie grandement le monsieur pour sa gentillesse et emprunte aussitôt la moto. Direction quartier Bissono au carrefour de la paroisse de l’église presbytérienne camerounaise orthodoxe, EPCO.

Le dehors est devenu compliqué

Sur la place, le reporter trouve deux jeunes filles à qui il pose la question de savoir si elles connaissent un enseignant du lycée classique et moderne de Sangmélima du nom de monsieur Abassié, résidant dans le quartier. Négatif, répondent les jeunes filles non sans conseiller au reporter d’avancer plus loin dans le quartier et d’interroger les élèves de cet établissement habitant le quartier. Le reporter progresse à pieds et quelques mètres plus loin, croise deux jeunes gens assis sur des tabourets sous un grand arbre en train de deviser. Sans perdre de temps, le reporter leur demande s’ils connaissent un enseignant du nom de monsieur Abassié et qui résiderait dans le quartier. « Celui qui a une moto rouge ? », demande l’un. Et le reporter de répondre sans conviction par l’affirmative.

« Oui je le connais. C’est mon voisin », déclare l’un des jeunes gens. Soulagé par cette information, le reporter invite aussitôt le jeune homme à l’accompagner au domicile de l’enseignant. Ils arrivent sur le lieu et trouvent une dame occupée au bain de ses trois enfants. C’est madame Abassié. Il est 17h00. Le reporter s’approche d’elle, le salut, décline son identité et l’objet de sa visite. « Il vient juste de sortir », signale d’emblée la dame. « Puis je alors avoir son numéro de téléphone pour l’appeler ? », propose le reporter. « Non, moi-même je vais l’appeler », refuse la dame. Le portail de camerounais de Belgique. « Vous savez que le dehors ci est devenu compliqué », se justifie-t-elle. Elle lance l’appel, quelqu’un décroche et les deux échangent dans une langue vernaculaire identifiable à celles de la région de l’Extrême-nord du Cameroun.

A un moment, la conversation s’interrompt. La dame se retourne vers le visiteur et lui apprend que son mari refuse de donner son numéro de téléphone ni de s’entretenir avec lui. Le reporter voit le risque de perdre l’unique piste pouvant le conduire à la famille de monsieur Fongang. Il décide cependant de ne pas lâcher prise. Il implore la dame de demander à son mari de lui indiquer juste le quartier de résidence de son collègue. La dame consent et rappelle son mari. « Quartier Haoussa, pont Lobo-Si », lâche- il enfin. Le reporter reçoit ce renseignement tel un trésor. « Combien coûte la moto à partir d’ici ? », s’enquière-t-il avant de prendre congé de la femme. « 100 f », renseigne l’autre. Sur le champ, une moto se pointe et le reporter de lancer, « quartier Haoussa, pont Lobo-Si 100 f ».

Affaire sensible

La moto klaxonne en guise d’approbation. Quelques minutes minutes plus tard, c’est le quartier Haoussa et tout à coup, le reporter aperçoit un confrère. Emmanuel Kweta, correspondant de la chaîne de télévision à capitaux privés, canal 2 international dans le département du Dja et Lobo. Le reporter descend de la moto et se précipite vers son confrère. Après quelques civilités d’usage, il ne tarde pas à lui poser son problème. « Gars, tu as entendu parler de l’affaire de l’enseignant que le sous-préfet a fait arrêter là ? ». Et l’autre de répondre, « c’est mon voisin, voici sa maison », en indiquant du doigt. Le reporter n’en croit pas ses oreilles, surtout après toute cette peine. Sans perdre du temps, les deux hommes de media se rendent au domicile de monsieur Fongang. Le confrère appelle l’épouse. Cette dernière arrive. Il présente le reporter et l’objet de sa visite. La dame affiche des signes de méfiance. Le confrère de canal 2 la rassure, mais ne la convainc pas. Elle demande la permission d’aller consulter les autres membres de la famille se trouvant à l’intérieur de la maison.

15 minutes plus tard à son retour, elle est munie d’un stylo et sollicite un bout de papier. Le confrère lui en trouve. Madame Fongang fait savoir que la famille a décidé que seul le conseil de monsieur Fongang est habileté à communiquer sur cette affaire. Elle se met à rédiger le numéro de téléphone du conseil et propose de l’appeler. Le reporter quelque peu déçu consent non sans exprimer des inquiétudes. Il lance l’appel, l’avocat décroche. Le reporter décline son identité et l’objet de son appel. A l’autre bout du fil, maître Taka, le conseil de Nathan Fongang Mesaack répond, « non, non, non. Je n’ai pas besoin de journalistes ». Sans autre forme de procès. Il est exactement 17h30. Jeudi, 19 septembre 2019 vers 8h00, direction lycée classique et moderne de Sangmélima. Dans un cet établissement, un enseignant ayant requis l’anonymat fait comprendre au reporter que, « c’est une affaire très sensible compte tenu du contexte sociopolitique du pays. Personne n’est prêt à sacrifier sa carrière ». A la question de savoir s’il n’existe pas un démembrement du syndicat des enseignants dans la localité, l’enseignant fait savoir que, « tout syndicat serait assimilé à un groupe d’opposition ».

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