Fédéralisme et démocratie sous surveillance comme solutions de sortie de crise
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Ce texte du Pr Shanda Tonme a été publié pour la première fois le 1er Avril 2010 dans l'édition du "Messager" et repris dans un chapitre du livre "Analyses circonstanciées des relations internationales" publié en 2011 par L'HARMATTAN". Ce texte très actuel par rapport à l'actualité,vaudrait peut-être mieux de le lire...

Jamais occasion ne s’était présentée de façon aussi lumineuse et aussi éloquente, pour établir la différence entre les pays et groupes de pays jadis classés dans le même tableau des dictatures obscurantistes et liberticides. Jamais il ne sera apparu de façon aussi claire dans l’actualité politique internationale, l’existence d’un fossé entre d’une part, des peuples évoluant vers une démocratie réelle basée sur des consultations électorales effectivement libres et transparentes, et d’autres part des peuples encore condamnés à subir de fausses élections, exposés à la guerre civile et moult incertitudes sur leur destin.

Le constat est dorénavant saisissant, entre d’un côté des pays à l’instar de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, de l’Ouganda, du Congo, de la RCA, et du Soudan pour ne citer que ceux-là, et de l’autre côté des pays à l’instar de la Guinée Conakry, du Mali, du Niger et dans une certaine mesure du Kenya. Dans le premier groupe, l’analyse de la situation politique fait craindre le pire, et met en exergue des dictatures insouciantes et arrogantes, qui entretiennent volontairement et ouvertement, une situation virtuelle et de vexation populaire. Les dirigeants n’envisagent pas du tout de quitter le pouvoir, et par conséquent s’opposent avec tous les moyens, à une alternance au sommet de l’Etat. La vie politique est pour ainsi dire bloquée au sens propre comme au sens figuré, pendant que des mafias impitoyables prospèrent, attisant la haine tribale, le pillage des ressources du pays, l’émergence de chefs de guerre potentiels en prélude à la guerre civile, et le stockage silencieux des armes légères dans des domiciles privées.

Dans le deuxième groupe, on pense à régler les comptes passés, à laver le linge sale le plus vite que possible, à faire un dernier ménage institutionnel et à passer rapidement au choix démocratique des dirigeants légitimes pour le pays. Parce que pour la plupart une crise violente leur a donné la mesure des désastres du crime politique, l’arbitrage international est devenu la voie de la sagesse, et un calendrier précis de rétablissement des institutions démocratiques a été arrêté de concert avec des acteurs diplomatiques.

a) Le paradoxe des choix systémiques imposés : l’urgence du fédéralisme

Si le Nigéria et la guerre du Biafra pouvaient servir de leçon à quelques dirigeants africains, le Cameroun et la Côte d’Ivoire n’en seraient plus à brocarder des slogans mensongers, aux seules fins de se dérober des élections justes et transparentes, en maintenant leur pays dans une situation d’explosion potentielle.

L’embêtant c’est que même le génocide rwandais ne sert de miroir à personne, et non plus à Kagamé en personne car lui aussi n’a utilisé le drame de son pays, que pour consacrer sa propre dictature.

Le décor institutionnel planté depuis longtemps dans la république éclatée du Congo démocratique, offre le parfait exemple d’une démission des intelligences diplomatiques ou de leur complicité, face à l’interpellation logique que constitue la superficie gigantesque d’un tel pays. Au bout de la plus banale des réflexions honnêtes, aucun stratège sensé n’aurait manqué de conseiller aux tenants internes et externes de la décision sur ce pays, le recours au système fédéral. Or pour n’y avoir pas, ou pour ne l’avoir pas souhaité, les acteurs de l’histoire du Congo assument une terrible responsabilité. Les puissances occidentales et leur ONU peuvent répondre là d’un crime brutal et ouvert contre l’humanité, aux côtés de quelques piètres politiciens locaux qui furent d’abord tous des traîtres à la cause de leur propre destin, à l’exception de patrice Lumumba et de quelques fidèles sacrifiés.

Il est clair, il a toujours été clair et il restera clair, que les cas de la Côte d’Ivoire et du Cameroun ne font plus exception, et ne sont pas loin de ressembler avec tous les ingrédients, à cette situation congolaise dont la solution fédérale est devenue la seule alternative crédible pour une évolution politique qualitative au-delà de leurs propagandes mensongères. Le Nigéria serait aujourd’hui une constellation de petits Etats voire de petits royaumes tropicaux barbares, si au sortir de la guerre civile des années 1970, les dirigeants du pays n’avaient pas eu l’intelligence d’opter pour le système fédéral.

En fait, l’observation impartiale de l’évolution politique de nos Etats renvoie à la recrudescence d’un égoïsme et d’un cynisme cruels, qui aboutissent à faire prévaloir les appétits de pouvoir d’une clique de hauts fonctionnaires artisans de la tricherie et de l’enrichissement illicite, soutenus au besoin par une propension ouverte à jouer sur des dissensions ethno tribales.

Dans ce contexte, on ne voit pas comment la Côte d’Ivoire pourra retrouver la paix à brève échéance, tant que le régime de Gbagbo n’abandonne pas le discours identitaire, et tant que la partie Nord du pays n’a pas l’assurance d’une alternance effectivement démocratique au sommet de l’Etat. Le problème se généralise du Congo en Ouganda, au Cameroun, en Centrafrique et ailleurs. Faute de transparence électorale et d’alternance institutionnalisée, l’option fédérale est devenue honnêtement et légitimement la voie de salut et le moteur de l’avenir politique des nations mal gouvernées.

b) Démocratie sous surveillance

Les Etats Unis sont aujourd’hui dans une position de loin moins embarrassante par rapport au début de la guerre en Irak et en Afghanistan. Les critiques ont beau pleuvoir sur le mode d’intervention dans ces deux pays et sur la signification en droit international, ce qui est visible dorénavant c’est le fait que des citoyens à Kaboul et à Bagdad, aient pu pour la première fois dans leur longue histoire, glisser librement un bulletin de vote dans une urne. Même s’il ne faut pas tirer des conclusions hâtives, le précédent de la Corée du sud est suffisant pour établir un parallèle salutaire et dégager des enseignements théoriques généraux dans les relations internationales.

En somme, face à la difficulté qu’il y a de s’assurer que des dirigeants ne prendraient pas goût au pouvoir pour changer les constitutions, dissoudre les organes de représentation populaire et bloquer toute possibilité d’alternance au sommet, le stationnement de troupes aux frontières ou même directement dans le pays, semble être une solution acceptable et viable. Comment en effet faire confiance aujourd’hui à des dignitaires qui changent de testaments et de serments tous les cinq ou tous les trois ans, ou qui usent et abusent des constitutions comme de simples serviettes jetables ? Depuis 1991, le Cameroun a renié au moins trois promesses importantes du président et changé autant de fois la durée du mandat présidentiel. Le cas du Niger est encore plus pathétique. Le pays était presque devenu un modèle de référence démocratique sur le continent, jusqu’à ce qu’un fou du nom de Mamadou Tandja, ne le replonge dans les turbulences des régimes militaires.

Au regard de ce qui précède, le raisonnement qui pousse vers la consécration d’une armée d’intervention pour garantir ou rétablir des institutions légitimes et démocratiques, relève d’une logique vérifiée et confirmée par des expériences contemporaines. Il faut dans cette option, s’élever contre les bases militaires néocoloniales dont la présence a depuis 1960 été motivée exactement par le maintien des régimes corrompus et impopulaires. Il ne faut donc rien confondre avec notre alternative qui se situe loin, très loin des combines françaises et des élucubrations infantiles d’une Union Africaine en coquille vide.

Il va sans dire que toute approche d’une alternative qui ferait de la force armée le garant de l’orientation institutionnelle, doit pouvoir prendre corps dans la plus grande et la plus prestigieuse des organisations internationales. Il n’est d’ailleurs pas vain de dire ici qu’une analyse et une compréhension minutieuse de la charte de l’ONU adoptée en 1945 à San Francisco, abouti à la conclusion selon laquelle les buts et objectifs de l’organisation ont été détournés. Il serait tout autant acceptable de soutenir que ceux-ci ont simplement été mis en veilleuse à cause de la guerre froide et qu’il serait toujours possible, de leur donner enfin tout leur sens.

Le réalisme politique et diplomatique nous conduit inévitablement vers ces alternatives sans lesquelles, il demeurera pour longtemps encore, inutile de s’attendre à la construction d’Etats démocratiques dans plusieurs parties du monde. Certes, le cas de la république populaire de Chine introduit le trouble dans les esprits, de même que les résidus des dictatures communistes de Cuba. Mais comparaison n’est point raison, et ces cas relèvent d’autres structurations politiques autrement moins complexes et nettement moins dangereuses pour la paix et la sécurité internationales.

Pourtant, rien ne saurait atténuer l’urgence de la quête du fédéralisme particulièrement pour les pays déchirés entre les volontés folles et cupides de leurs dirigeants d’une part, et les tentations de vassalisation des communautés entières de leur populations transformées de fait, en citoyens secondaires interdits de gouverner./.

SHANDA TONME 1er Avril 2010

NB: Le titre original de ce texte: Fédéralisme et démocratie sous surveillance comme solutions de sortie de crise dans les systèmes autocratiques et criminogènes

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