GENERATION 90 appelle à donner un sens au dialogue national inclusif
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1. Les faits: Le Chef de l`État a, au cours d’une allocution à la Nation le 10 Septembre 2019, annoncé la convocation très prochaine, d’un « grand dialogue national, sans exclusive qui permettra aux filles et fils de notre pays, d’examiner dans le cadre de notre constitution, les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du NO-SO, [et de discuter] de valeurs qui nous sont chères comme la paix, la sécurité, la concorde nationale, la sécurité et le Progrès dans notre pays (…) ».
La prestation radiotélévisée de Monsieur Paul Biya, n’a pas fait cas des détenus de la crise anglophone qui croupissent toujours dans les prisons du pays sans jugement, encore moins du sort des leaders séparatistes anglophones comme Sisuku Ayuk Tabe et ses huit compagnons, qui ont été condamnés à la prison à perpétuité par le tribunal militaire il y a quelques semaines à Yaoundé.

Monsieur Biya a aussi volontairement omis d’évoquer la crise politique qui a émergé à la suite de la contestation des résultats de l’élection du 07 octobre 2018 par Maurice Kamto et ses alliés, crise qui a entrainé l’arrestation, la détention et la poursuite, devant un tribunal militaire de Yaoundé, du candidat officiellement classé deuxième par l’administration électorale, et plus de 300 autres personnes.
Enfin, le Chef de l`État a eu des propos équivoques sur la diaspora qui bat le pavé depuis des années, pour dénoncer les violations des droits humains, les élections truquées à répétition, la corruption, et pour revendiquer le respect de l’état de droit et des libertés démocratiques et sociales au Cameroun, la stigmatisant tout en l’invitant à prendre part au dialogue annoncé.

II. L‘Analyse de GENERATION 90

1. GENERATION-90 note qu’avec sa sortie, le Chef de l’État rejoint, quoique tardivement, la très grande majorité de nos compatriotes et des forces sociales et politiques, qui réclamaient sans cesse depuis trois ans, la tenue d’un Dialogue National Inclusif sur la crise anglophone. L’information que le dialogue porterait « principalement sur la crise dans le Nord-ouest et le Sud-ouest» est incontestablement un changement de posture quant aux moyens à utiliser pour résoudre la crise anglophone et constitue implicitement, un aveu d'échec de l’option militaire dans laquelle le régime s’est embourbé depuis, et dont le bilan humain, humanitaire et économique est extrêmement lourd !
2. Il est très clair que l’initiative du Président Biya d’organiser un dialogue d’ici la fin du mois a pour but de « couper l’herbe » sous les pieds du Forum Africain, ce regroupement d’anciens chefs d’État du continent, qui a justement planifié une conférence sur la crise au Cameroun le mois prochain. Un dialogue précipité pour prouver la souveraineté du Cameroun a peu de chance d’être convenablement préparé et conduit. Le régime de Yaoundé a perdu l’initiative politique sur la guerre civile que connaît le pays, il va être obligé, tôt ou tard, d’accepter la médiation internationale, de préférence sous les auspices de l’Union Africaine. 
3. L’intention exprimée par le Président Biya d’organiser un grand Dialogue portant principalement sur la crise anglophone est donc incontestablement une avancée notable, qu’il faut encourager. Il est cependant évident que Monsieur Biya n’a ni la confiance des militants armés anglophones, ni celle des acteurs politiques emprisonnés ou en liberté. Monsieur Biya a habitué les Camerounais à de grandes proclamations d’intention qui n’ont été que des artifices politiques ayant pour seul but de sortir son pouvoir en difficulté au plan national et international. On se souvient que la “conférence tripartite” organisée du 15 octobre au 15 novembre 1991 avait débouché sur une réforme institutionnelle imparfaite, mais qui portait quelques germes démocratiques. Le Président Biya n’a pas ensuite hésité à démanteler les dispositions constitutionnelles issues de la tripartite.  Il est aussi évident que Monsieur Biya n’a la crédibilité qu’il faut pour mener un tel dialogue : une partie au conflit ne saurait en être l’arbitre.
4.  Par leurs actions multiformes, politique, économique, et sociale, les membres de la diaspora camerounaise sont désormais des acteurs incontournables dans les processus de résolution des conflits au pays. Les allusions à la perte de nationalité et autres arguments justificatifs d’exclusion sont contre-productifs, si tant est que le but du Dialogue est de réconcilier les filles et les fils du Cameroun. Les Camerounais, où qu’ils se trouvent, doivent jouir d’une légitimité égale dans la participation à la (re)construction nationale. Il est donc essentiel de prendre des dispositions afin qu’ils ne soient, en aucun cas, privés de leur nationalité camerounaise.
5. Le Cameroun est plongé dans une crise politique permanente depuis au moins 1955 parce que les Camerounais ne se sont jamais regroupés pour concevoir leurs propres institutions, les mettre en mouvement, et choisir librement leurs dirigeants à travers des élections démocratiques. La crise politique dans laquelle le Cameroun s’est installé depuis la présidentielle d’octobre 2018 n’est donc que le dernier avatar de la crise de légitimité dont souffrent les institutions camerounaises depuis plus de 60 ans. Parce que les problèmes du Cameroun ont un caractère transversal et systémique, il convient de les régler de façon globale et non parcellaire. Là est tout le défi du Dialogue National Inclusif !

III. Propositions de GENERATION 90

Pour que le Dialogue annoncé par le Président Biya ait une chance de prospérer, pour qu’il soit une chance pour la refondation de notre nation, il faut que d’autres mesures fortes précèdent la tenue du Dialogue annoncé :
1. Changer de date. L’ouverture du Dialogue à la fin du mois de Septembre, tel qu’annoncé par le Chef de l’Etat lui-même n’est pas réaliste. Il constitue un mauvais présage pour le succès d’un évènement qui peut changer le cours de notre histoire. La tenue d’un Dialogue constructif implique un travail immense en amont incluant :
1. La mise sur pied d’un Comité d’Organisation crédible comprenant les représentants du gouvernement, des séparatistes et autres forces anglophones, des partis politiques, et de toutes les forces vives de l’État
2. L’identification et la sélection des participants potentiels par le Comité d’Organisation
3. La mise sur pieds de commissions et de sous-commissions de préparation du Dialogue
4. Le budget et le financement du Dialogue
2. Au vu du point 1. Il convient de désigner très rapidement, après concertation des principales forces politiques, morales et sociales du pays, le Comité d’organisation du Dialogue et de lui donner un délai raisonnable de 90 jours pour préparer l’ouverture des Assises.
2. Décrisper la situation politique. Partout où il y a eu conflits et organisation d’un Dialogue, des mesures de décrispation préalables ont été prises par les tenants du pouvoir en signe de bonne foi. Un geste fort de décrispation est indispensable au Cameroun avant la tenue du dialogue annoncé, si le pouvoir tient à avoir à la table des négociations, tous les protagonistes des crises actuelles. Il est indispensable de libérer les leaders et militants séparatistes, aussi bien en attente de jugement que ceux récemment condamnés par le tribunal militaire, de même que tous les prisonniers politiques y compris Maurice Kamto, Penda Ekoka, Michèle Ndoki etc. afin de leur permettre d’apporter leur contribution lors des Assises annoncées.
2. Sélectionner et inviter un médiateur international. Le Forum Africain, regroupant d’anciens chefs d’État du continent, a proposé son aide pour aider le Cameroun à sortir de la crise. Le Chef de l’Etat devrait saisir cette main tendue en acceptant qu’un ancien Chef d’Etat facilite le Dialogue annoncé. Il n’y a pas de doutes que la présence d’observateurs internationaux au Dialogue renforcerait la confiance indispensable à la réussite d’un tel évènement. Pour ce faire, le comité d’organisation devra être chargé de la désignation d’un facilitateur/médiateur et accepter que le dialogue se tienne sous les auspices de l’Union Africaine. Dans sa lettre du 03 Juin 2019 à l’Union Africaine, GENERATION 90 en appelait à l’implication immédiate de l’Union Africaine pour une solution pacifique et négociée dans la crise anglophone et proposait la désignation d’un Représentant Spécial de l’Union Africaine pour le Cameroun, qui préparerait le terrain en vue de l’ouverture des négociations de paix et d’un dialogue politique inclusif. Nous avions proposé entre autres les noms d’anciens Chefs d’Etat comme Olusegun OBASANJO, Ellen Sirleaf JOHNSON, Thabo MBEKI, etc. comme potentiels facilitateurs. Ces propositions restent d’actualité.
3. La direction des débats. L’annonce que le Dialogue sera présidé par le Premier Ministre n’est pas du tout rassurante pour les participants potentiels. Le leadership du dialogue doit être assuré par une personnalité neutre sélectionnée par le Comité d’Organisation. GENERATION 90 souhaite que la rencontre désigne elle-même son présidium à l’ouverture des Assises et que celui-ci soit indépendant de l’exécutif et ne réponde que devant le Dialogue.
2. La qualité de participant au dialogue. Elle reste à définir et reste une étape critique dans la préparation du Dialogue National. La sélection des participants pourrait déjà donner un aperçu de ce que sera le dialogue national ; elle donnerait du crédit au dialogue ou le discréditerait bien avant sa tenue. Il est donc important que toutes les forces vives de la nation, pouvant apporter une contribution significative à la réussite du dialogue soient soigneusement identifiées et recensées par le Comité d’Organisation du Dialogue (CODIANA).
2. Les thématiques du dialogue National “sans exclusive” annoncé par le Chef de l`État et qui aura aussi pour mission de discuter « de la paix, la sécurité, la concorde nationale, la sécurité et le Progrès dans notre pays » doivent être redéfinies.
1. La refondation du pays en le dotant d’une nouvelle Constitution et des institutions voulues par les Camerounais
2. La révision consensuelle de la forme de l’Etat 
3. La révision consensuelle de l’ensemble des lois électorales dans un souci d’impartialité et d’équité
4. La garantie du libre choix des dirigeants à tous les niveaux par les Camerounais
5. La sécurité du pays et la protection de ses richesses
2. Le mode d’application des délibérations du Dialogue doit être établi par les Assises elles-mêmes. Il est essentiel que l’ensemble des participants trouvent le moyen consensuel de mise en œuvre des résolutions, désignent les personnes chargées de cette mise en œuvre et élaborent les mécanismes de suivi de l’application desdites résolutions. 

En définitive, GENERATION 90 estime que l’intention exprimée par Monsieur Biya de convoquer la tenue d’un Dialogue National rejoint la demande de l’immense majorité du peuple camerounais, de l`intérieur et de la diaspora. Il est cependant important de donner un contenu consistant à ce dialogue pour le rendre crédible et utile pour notre pays qui a tant souffert de l’illégitimité de ses institutions et de ses dirigeants. Un tel dialogue ne pourra se tenir efficacement que si les mesures préalables ici énoncées sont prises. 
GENERATION 90 se tient prêt, sous réserve du respect de ces conditions, à mettre les compétences intellectuelles de ses membres à la disposition du pays et contribuer ainsi à vaincre la spirale de violence, l’instabilité politique, et le sous-développement qui ont fait le lit dans notre pays depuis des décennies.
 
En l'absence d'un dialogue franc, la preuve sera faite, une fois pour toutes, que l'initiative annoncée n'aura été qu'une ruse de plus, pour donner le change, hypothéquant ainsi durablement la paix civile et sociale au Cameroun.

Fait à Paris ce 12 Septembre 2019

Membres de GENERATION-90, signataires du présent Appel:
- Hugo JOMBWE MOUDIKI, Juriste, Expert en Droits humains, droit pénal international et processus de démocratisation, France
- Tene SOP, Université de Hambourg / Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology (MPI-EVA), Allemagne
- Prof. Narcisse TIKY VI, Professeur d'Université, USA
- Prof. Bienvenu BONGUE, Enseignant-chercheur, Université Jean Monnet de St- Etienne, France
- Paul-Aarons NGOMO, Universitaire, New York University, USA
- Bruno DJEWE, Expert en Relations publiques internationales, Autriche
- Raphael YIMGA TATCHI, Professionnel en Coopération internationale au Développement et Humanitaire, Canada
- Maître MBOPDA NOUMEDEM Léopold, Avocat au Barreau du Cameroun, Douala, Cameroun
- Aissatou OUMAROU, Informaticienne - Network specialist, Manchester, UK
- Ndam MALOUNE, Juriste-internationaliste, Kuala-Lumpur, Malaysia
- Dr. Papi KANA, Médecin- Anesthésiste, France
- Samuel TEKOBO, Ph.D, Senior Industrial Scientist, Buckman International, USA
- Anatole MBARGA, Consultant pour des Questions de Sécurité internationale et de Logistique, Hararé, Zimbabwe
- Raymond N. TAGNIDOUNG, Sr. Business Analyst,Certified Scrum Master, USA
-Nicodeme FOTSO, Opérateur économique, Abidjan Cote d’Ivoire

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