Discours à la Nation:Loin d'apaiser, Paul Biya a plutôt attisé le feu dans les régions anglophones
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Ce 10 septembre 2019, le souverain moderne du Cameroun réputé pour ses caprices princiers a une fois de plus frappé ses concitoyens par un discours plat. Rien sur les grandes attentes, message provocateur et indigne. Quelle moquerie?

Dès l'entame de son discours à la Nation, Paul Biya a surfé sur l'origine de la crise anglophone au Cameroun avant d'annoncer qu'il a désigné le Premier ministre chef du gouvernement pour présider un grand dialogue à la fin de ce mois de septembre dans le but d'un retour de la paix dans les régions anglophones du Cameroun.

Face à une crise, on n'utilise pas le langage de la force. Biya devrait se poser personnellement des questions sur les causes de l'enlisement de la situation de cette crise dont il est lui-même à l'origine.

Si les conflits s'inscrivent dans le fonctionnement normal de la société, ils peuvent être cependant perçus comme la marque d'une insuffisance de dialogue ou comme un accroissement des divisions sociales. Dans ce contexte de dynamique sociale, il est nécessaire de pouvoir « déchiffrer » les conflits pour les gérer et les considérer comme des symptômes et des indicateurs du changement social, mais également comme des moteurs des changements.

La participation, la consultation ou la négociation relèvent de l'effort de prévenir et mieux gérer les conflits dans le but d'améliorer la coexistence citoyenne. C’est en effet, ce qui manque actuellement au Cameroun, d’où l’enlisement de la crise anglophone.

Ces populations du NOSO qui vivent dans la crainte, dans la misère quotidienne ne peuvent pas se retrouver autour d'une table de négociation quand elles ont tout perdu, quand leurs maisons ont été détruites, quand leurs leaders se trouvent en prison, quand les survivants de la crise sociale ambiante sont en exil à l'étranger. Paul Biya emprisonne les principaux acteurs et appelle au dialogue. On dialogue avec qui?

Selon Paul Biya, le vice-doyen des présidents africains en terme de longévité au pouvoir, tout le monde ne pourra prendre effectivement part à ce dialogue, mais chacun aura l’occasion d’y contribuer. « Que chacun saisisse cette opportunité historique pour contribuer à conduire notre pays sur les chemins de la paix, de la concorde, de la sécurité et du progrès » affirme t-il

L'on se serait attendu que le chef de l'Etat camerounais libère tous les prisonniers politiques du Cameroun comme préalable à un début de dialogue car dit-il, ce dialogue dont il en parle à la fin de ce mois de septembre, regroupera "toutes les forces vives de la Nation".

Il y aura ainsi un dialogue sans les véritables acteurs de ce dialogue tant attendu. Une manière de jouer sur le dilatoire pour donner l'image d'un homme clean qui a voulu trouver une solution à la crise sociale ambiante dans les régions du Nord-Ouest et du sud-ouest.

L'on a une fois de plus, vu un chef d'Etat fatigué, épuisé. Sa voix ocre en témoigne

Dans son discours de ce 10 septembre 2019,Paul Biya a une fois de plus comme il en a l'habitude, surfé sur le concept de l'Etat, le déclinant dans sa propre dimension tel qu'il a voulu pour conclure de manière insidieuse une crise de son autorité. Il ne dira rien de concret sur ses échecs, comme si la question pratique de la bonne gouvernance était renvoyée aux calendes grecques

Parlant de la décentralisation, voici ce qu'il dit "Des décisions ont été prises pour accélérer le processus de décentralisation, avec en prime la création d’un Ministère dédié. Les prochaines élections régionales serviront à parachever ce processus, en permettant à nos compatriotes, sur l’ensemble du territoire national, de participer pleinement à la gestion de leurs affaires au niveau local"

Chaque année, Biya dit la même chose. Il l'a fait en 2015,2016,2017, 2018 et maintenant en 2019... Et dire que c'est depuis 1996 que l'on parle des Collectivités Territoriales Décentralisées au Cameroun sans que ce ne soit effectif sur le terrain.

La décentralisation se fait attendre depuis des décennies et Paul Biya a trouvé un nouvel argument dilatoire pour en retarder l'exécution : L’organisation des élections régionales futures. Comment organiser les élections régionales quand ces régions en elles-mêmes ne sont pas dotées des structures locales fortement décentralisées et autonomes ?

Contestée dans sa capacité à unir la Nation, l'Etat de Biya ne peut avoir recours qu'à des digressions symboliques et sans contenu sur le sentiment national, sans rien garantir des modalités de sa construction ou plutôt en s'efforçant le plus possible d'en retarder la construction pour des raisons politiques. Il ne répond ni de manière concrète, ni de manière induite à la question: de quels moyens disposent les Camerounais pour assumer cette construction d'un Etat progressiste et moderne, s'il n 'existe pas des institutions pour cela?

Malgré des " efforts du Gouvernement, des mouvements radicaux, principalement inspirés de l’étranger, ont récupéré et dévoyé les revendications corporatistes. Ils ont ainsi ourdi un projet sécessionniste avec pour but, la partition de notre pays. A cette fin, ils ont constitué et financé des groupes armés qui ont causé un lourd préjudice aux populations des régions du Nord-Ouest et du sud-ouest. Le monde entier a été témoin des atrocités commises par ces groupes armés : mutilations, décapitations, assassinats des éléments des Forces de Défense et de Sécurité, des autorités administratives et des civils sans défense, destructions des infrastructures et édifices publics, incendie des écoles, des hôpitaux, etc."

Le Camerounais mieux averti devra s'inquiéter des atrocités dans l'impunité commisses dans le NOSO aussi bien par les groupes armés et les forces de l'ordre.

La mal-gouvernance participe désormais d'une réalité insoutenable que Paul Biya a du mal certainement à assimiler.

Personne ne pourra nier la réalité, parce que, la situation sociale non garantie du Cameroun, doublée sur la crise infrastructurelle ne sont autre que la conséquence logique du talent, du savoir-faire de l’homme qui trône à la tête de l’Etat du Cameroun depuis 1982 .

L'on espère simplement que dans le cadre de ce grand dialogue national que Paul Biya annonce sans une date précise, qu'il n'y aura pas de glissement de date … Il n’a d'ailleurs jamais rien réussi dans les délais qu'il s'est librement fixé.

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