Jean Emmanuel Pondi: "Nous devons tous retrouver le chemin de l’humilité "
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Auteur de « Reine Afrique ou Racines de l’Union africaine », ouvrage ayant fait l’objet d’une représentation théâtrale le 24 mai dernier à Yaoundé, le diplomate et enseignant des relations internationales, connu pour son militantisme en faveur d’une plus grande intégration de l’Afrique, pense qu’il est nécessaire d’amorcer le plus rapidement possible, le dialogue en vue de la résolution de la crise anglophone.

Une représentation théâtrale de l’ouvrage « Reine Afrique ou racines de l’Union africaine », qui retrace l’historique de l’Union africaine. Quels sont les objectifs d’une telle œuvre ?

Cette pièce, qui porte sur la naissance de l’Organisation de l’unité africaine (Oua), (1963) et plus tard de l’Union africaine (Ua) (2002), est la résultante d’un double constat : la difficulté qu’éprouvent nombre d’Africains à s’adonner à la lecture d’une part, et la quasi-impossibilité qu’il y a à aimer (ou défendre) ce que l’on ne connaît pas d’autre part ; d’où cette pièce pour apprendre en se distrayant tout en devenant l’avocat de l’intégration continentale. Elle est conçue avec toutes les indications scéniques pour être jouée par les Clubs Théâtre des lycées, des collèges et des Universités, en français et en anglais. Je souhaite qu’elle soit interprétée pour la semaine de l’Afrique 2020 partout, pour vulgariser la connaissance de notre histoire chez nos jeunes. N’oublions pas, s’il vous plaît, de préciser que cette pièce part d’un ouvrage rédigé en français et en anglais, qui est disponible aux éditions Clé, à un prix très accessible, comme toutes mes publications.

Parler d’Union africaine aujourd’hui, n’est-ce pas une fiction ? Par rapport à ce qu’on observe du côté de l’Europe avec l’Union européenne, l’Union africaine n’assiste-t-elle pas en spectateur sur son propre sol, aux différentes crises qui persistent ?

La fiction n’est pas du tout de parler ou de croire en l’Ua. La véritable illusion est de s’imaginer, contre toute évidence, que dans un monde où les autres continents se regroupent davantage pour être plus puissants (l’Ue en Europe, l’Alena en Amérique du Nord et du Centre et l’Asean en Asie), les pays africains peuvent espérer s’en sortir en ne suivant pas la même dynamique intégrative, multiplicatrice de richesses et de puissance. Avec une population de 1 milliard 200 millions, nous disposons aujourd’hui, d’une masse critique nécessaire pour impulser pour nous-mêmes un développement socio-économique et technologique conséquent. Ce qu’il nous faut d’abord développer, ce sont les ressources humaines, bien avant les ressources matérielles comme cela a été, hélas, le cas jusqu’à présent. Il faut donc conscientiser les jeunes, les amener à s’apprécier et à mettre leur génie créateur au service de l’Afrique.

Qui sert l’Afrique sert le Cameroun mais à une plus grande échelle et avec des retombées plus conséquentes pour tous. Inversement, qui se met au service du Cameroun sert notre continent. Il faut ouvrir ces passerelles pour galvaniser nos jeunes et les inspirer à faire plus et mieux aujourd’hui. Savent-ils seulement que notre continent a une superficie de 30 millions de km2 ? Qu’il est bien plus grand que les Etats-Unis, l’Inde, l’Europe et la Chine réunis ? D’où l’ironie de votre question quand vous parlez de posture de spectateur.

Le problème serait donc la fait que nous n’avons pas véritablement pris la mesure de ce que nous sommes ou que nous représentons…

C’est parce que nous ne savons pas ce que nous représentons, ce que nous valons (30% de la richesse des minerais de la planète par exemple), ce que nous pouvons faire, que nous choisissons la posture bien regrettable de passagers dans le train du développement, et non celle de chauffeurs. Avec 800 millions d’hectares de terres cultivables non exploitées (chiffres de la Bdeao en 2002), nous sommes en mesure de produire et de consommer ce dont nous avons besoin. Si l’Asie peut le faire, il n’y a aucune raison que nous ne puissions à notre tour y arriver. L’illusion, c’est de s’imaginer qu’un seul Etat, fut-il individuellement bien loti, peut s’en sortir seul, en abandonnant les autres peuples sur le carreau. Telle n’est pas la logique de la solidarité africaine ! L’Afrique dispose d’absolument tout pour réussir. Encore faut-il la connaître profondément (d’où la pièce théâtrale, Ndlr), l’aimer avec passion et surtout, avoir une inébranlable confiance en ses populations, en tant qu’Africains. Est-ce le cas aujourd’hui ? Chacun peut répondre à cette interrogation.

Le Cameroun fait face en ce moment à une crise sécuritaire et sociopolitique sans précédent, sur fond de velléités sécessionnistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Comment le panafricaniste que vous êtes perçoit-il ce conflit qui n’a que trop duré ?

Par définition, aucun panafricaniste ne saurait plaider en faveur du démantèlement d’une partie du territoire d’un continent. Notre souci est plutôt d’aider à la création d’ensembles territoriaux plus grands, plus forts et plus prospères ; pour augmenter le bien-être de tous les enfants d’Afrique. Ceci dit, il ne pourrait y avoir de résolution du conflit au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun, que si nous acceptons tous, sans faux fuyants, ni hypocrisie, de retrouver chacun le chemin de l’humilité, de l’écoute et de la considération de l’autre dans sa différence. Nous devons arrêter de nous ériger en donneurs de leçons.

C’est quoi les conditions d’un dialogue véritable ?

Il nous faut un dialogue inclusif et fraternel, malgré les tensions qui ont été observées çà et là. Un véritable dialogue implique un changement de comportement important de la part de nous tous. Mais, il est nécessaire de l’amorcer le plus rapidement possible avec des personnes préalablement acceptées de toutes les parties au conflit, conformément aux canons bien connus de la théorie de la négociation.

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