Cameroun , Crise anglophone – Agriculture : 22 000 emplois en péril
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Cameroun , Crise Anglophone – Agriculture : 22 000 Emplois En Péril :: Cameroon

À la tête de vastes plantations agricoles, la Cameroon Development Corporation (CDC), premier employeur du pays après l'État, est au bord du gouffre. En cause, la crise sociopolitique dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

La sonnette d'alarme vient d'être déclenchée, par le directeur général de la Cameroon Development Corporation (CDC). Dans une interview reprise en boucle par les médias locaux, ce manager explique que, depuis 2017, la société dont il a la charge subit de plein fouet les conséquences des violences dans les régions anglophones du Cameroun. Et cette insécurité grandissante met au plus mal les activités du premier employeur (plus de 22 000 employés) du pays après l'État. Selon le directeur général de la CDC, Frankline Ngoni Njie, l'entreprise souffre sérieusement des conséquences de cette crise, avec notamment des incursions de bandes armées et autres enlèvements de personnes. Toutefois, selon le DG, la CDC résiste et essaie de poursuivre ses activités, avec l'accompagnement des pouvoirs publics. Il est donc question de continuer la production de l'huile de palme, du caoutchouc et de la banane. Sauf que les conclusions du conseil d'administration de décembre dernier ont révélé que la perte d'emplois, du fait principal des désertions, va toucher 93 % du personnel. Le président du conseil d'administration a par ailleurs indiqué dans le communiqué ayant sanctionné les travaux que ce personnel représente une masse salariale mensuelle d'environ deux milliards de francs CFA.

35 milliards de francs CFA de perte

Environ 12 500 employés ont déserté les plantations de la CDC en 2018. Conséquence : la production, selon les données de l'entreprise au 29 novembre 2018, était de 11 681 tonnes de caoutchouc contre 16 611 tonnes attendues. S'agissant de l'huile de palme, 11 721 tonnes contre 22 842 tonnes attendues ont été produites. Le secteur de la banane est le plus durement touché, car il est complètement fermé depuis fin août 2018. Les 600 hectares nouvellement reconstitués des fermes de Benoe et d'Esuke, selon le communiqué de l'entreprise, sont complètement détruits. Sa production en 2017 est de 35 000 tonnes contre 105 000 tonnes attendues. L'entreprise a même déjà été retirée de la liste des exportateurs de la banane du Cameroun. Le directeur général de la CDC affirme qu'à cette date le manque à gagner correspondant s'élève à 35 milliards de FCFA.

Des salariés entre insécurité et arriérés de salaires
Selon les données du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam), 6 124 emplois sont déjà perdus (sites en arrêt de production) et 5 805 autres relevant des sites partiellement opérationnels sont gravement menacés, ce qui représente 71 % de l'effectif total employé par la société. Toujours selon les données actualisées du Gicam et publiées en juillet dernier, une valorisation sommaire des pertes enregistrées se chiffre à plusieurs milliards de francs CFA, 9,2 milliards de francs CFA en termes de productions de banane, huile de palme et caoutchouc perdues. Le manque à gagner en chiffres d'affaires est de 11,4 milliards de francs CFA sans compter les autres pertes (équipements volés/détruits, rançons, vols…) évaluées, elles, à 1,031 milliard de francs CFA.

Selon le DG de cette société, il est nécessaire et « urgent » d'injecter des moyens conséquents afin que les activités de la CDC reprennent. « Les coûts de réhabilitation de nos plantations de palmier à huile s'élèvent à 7,7 milliards de FCFA. Il s'élève à 7,8 milliards de FCFA pour les plantations d'hévéas et à 14,1 milliards de FCFA pour les bananeraies », a expliqué Frankline Ngoni Njie. Selon le management, le gouvernement a fourni quelque 2,7 milliards de FCFA pour commencer à verser les salaires. « Nous nous mobilisons pour que le travail reprenne », a-t-il ajouté. Sauf que le personnel craint pour sa vie et beaucoup ont d'ailleurs quitté la localité, située dans le Sud-Ouest, l'une des deux régions anglophones en conflit. « Nous voulons que les travaux reprennent. Le véritable problème reste celui de trouver les mots pour convaincre les employés, après tous les traumatismes subis. D'autres se sont vus amputés par les sécessionnistes », déplore M. Ewande, riverain. « J'espère que, dès que la crise va finir, les activités de la CDC vont reprendre. Mais, en l'état, j'en doute », renchérit, pessimiste, M. Kiming un autre habitant.

Et maintenant la relance ?

Pour le Gicam, à date et en supposant un retour rapide au calme et la sécurité, la CDC aura besoin d'une injection de fonds de l'ordre de 15 milliards de francs CFA pour financer son plan de relance. Ce montant servirait notamment à payer des factures des fournisseurs afin de rétablir la confiance et reprendre les livraisons de matières premières et des pièces de rechange nécessaires à la production ; remplacer les équipements de production détruits ; réhabiliter les plantations et amortir la dette sociale de l'entreprise.

La CDC fait aussi face à un manque de restructuration depuis sa création. Dès 2015, le Premier ministre avait mis en place un comité chargé d'étudier le rapport de l'État et de proposer des modalités de restructuration. Dans cette optique, trois axes principaux ont été identifiés. Pour se relever, la CDC a été transformée en une société publique. Sur le plan financier, l'objectif est de permettre à l'entreprise d'obtenir un financement approprié pour les investissements et, techniquement, de rajeunir les plantations, de rénover les usines, d'assurer un entretien satisfaisant des routes, d'assurer de bonnes pratiques agricoles modernes et d'autres mesures qui amélioreront la productivité et l'efficacité.

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