DÉRIVES TRIBALISTES : L’indignation sélective
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Depuis sa sortie malheureuse, Jean de Dieu Momo subit un lynchage en règle. Pourtant d’autres excellent dans l’instrumentalisation de la question tribale sans susciter la moindre levée de boucliers.

Jeté à la vindicte populaire, Jean De Dieu Momo compte ses soutiens. Et ils semblent bien peu nombreux. Manifestement, personne ne souhaite prendre la défense de celui qui passionne les débats depuis l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. La faute du président du Paddec, qui lui vaut sans aucune concession une mise à mort publique : avoir, au cours de l’émission Actualités hebdo du dimanche 3 février à la CRTV-télé, établi un parallèle entre le sort des Bamilékés au Cameroun et celui des Juifs au temps d’Adolf Hitler.

A travers ses propos, il a sans aucun doute commis une faute. Mais qui ne saurait justifier l’avalanche d’avanies et de joyeusetés dont il est gratifié depuis lors. Par exemple ; dans un communiqué signé le 4 février, Joshua N. Osih, 1er vice-président national du SDF, parle de « déclarations stupides manifestement dictées par des pulsions identitaires nouvelles et surtout alimentaires ». Pour le 1er vice-président national du SDF, « M. Jean de Dieu Momo est tombé plus bas que jamais. L'antisémitisme de ce membre du gouvernement de M. Biya n'a rien à envier à celui du régime nazi.»

Suffisant pour que Benjamin Zebaze demande de le « bannir de toutes les manifestations traditionnelles et culturelles dans la Région de l’Ouest ». Le journaliste va plus loin en agitant cette menace grave : « Ces insultes doivent cesser et cet affront doit être lavé. Puisque que c’est nous qui avons été offensés, nous avons le choix des armes et personne ne peut nous le contester ». Une sortie qui n’a suscité aucune réaction de ceux qui semblent revendiquer le monopole de l’indignation.

Or, contre le supplicié Momo les condamnations pleuvent. Le gouvernement, à travers le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, reste mesuré dans son propos : «…Un membre du gouvernement, par ailleurs leader d’un parti politique, a tenu, accessoirement au sujet dont il traitait à titre principal, des propos évoquant une période dramatique de l’histoire du peuple juif. Le gouvernement de la République du Cameroun tient à souligner que le responsable politique concerné s’exprimait à titre personnel. Le gouvernement camerounais déplore vivement les propos inappropriés de ladite personnalité et s’en dissocie totalement ».

De là à ceux qu’on lui prête tous les funestes projets du monde, il n’y a qu’un pas que d’aucuns ont franchi allégrement. Ainsi, Joshua N. Osih se convainc que « sur le plan national, il a particulièrement développé une idée de haine obsessionnelle au point de dévoiler sans le vouloir l'épuration ethnique à bas bruit qui se prépare de part et d’autre et contre tous. » L'info claire et nette. Le candidat du SDF à la dernière élection présidentielle vient-il de mettre en lumière un projet macabre en cours de maturation ? « C’est une hérésie. Personne ne peut jurer de l’existence d’un projet d’épuration ethnique au Cameroun, d’extermination des Bamilékés ou des ressortissants d’une quelconque communauté ethnique. Admettons, par l’absurde, qu’un tel projet est réel. Alors qu’on révèle l’identité du ou des commanditaires. Dans un pays normal, on devrait tout au moins entendre l’honorable Johsua Osih pour qu’il éclaire au mieux la lanterne de l’opinion nationale et internationale », souffle une source.

Autant dire que le dérapage langagier de Jean de Dieu Momo est le levain propice à l’entretien de la confusion mâtinée d’une bonne dose de mauvaise foi. Dans un raccourci paresseux, Joshua N. Osih n’exige ni plus ni moins que la démission de Paul Biya, si le président de la République ne peut pas « démissionner dans l'urgence M. Jean de Dieu Momo ». Pourtant, la bourde de M. Momo qui occulte quelque peu le fond de sa pensée n’est pas dénuée de tout fondement. Il se trouve seulement que le leader du Paddec était attendu au tournant. Une frange de sa communauté d’origine qui crie aujourd’hui au loup ne lui a jamais pardonné son soutien à Paul Biya lors de la dernière présidentielle, au point de le traiter de traître. Une belle illustration de la dérive tribale qu’on prétend justement dénoncer. De manière sélective.

Par exemple, lors du contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel, Maurice Kamto, candidat du MRC, a fait une sortie de piste mémorable en convoquant la question de son origine tribale et en reprochant aux Bulu de vouloir imposer à tous ceux qui prétendent diriger le Cameroun leur identité tribale. Aucune levée de boucliers. Au contraire on a semblé faire le reproche à Grégoire Owona de s’indigner de l’intrusion de la question tribale dans ce cénacle. Les dérives tribales de Patrice Nganang sont désormais légendaires. Régulièrement, il invite les Bamilékés du monde entier à se procurer des armes pour exterminer les autres. Il prend du plaisir au quotidien à célébrer la mort de soldats ‘’bulus’’ dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Face à ses multiples dérives tribales, on se contente pour se faire bonne conscience de quelques condamnations du bout des lèvres.

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