PRÉSIDENTIELLE DU 7 OCTOBRE : La leçon de Joshua à Kamto
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Le candidat du SDF prend acte de l’élection de Paul Biya et lui suggère même des priorités pour le prochain septennat. Un pied de nez au candidat du MRC qui refuse d’admettre sa défaite pourtant logique.

Une bourde historique, mais bien calculée. Lundi 8 octobre, autant dire moins de 24 heures après le vote, Maurice Kamto, comme les observateurs bien au fait de sa stratégie le subodoraient déjà, s’autoproclame président de la République. Le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) entre dans les annales de l’élection présidentielle au Cameroun à travers cette déclaration : «J’ai reçu mission de tirer le penalty historique. Je l’ai tiré, le but a été marqué. Je prends à témoin l’opinion nationale et internationale de l’événement historique qui a rendu possible dans notre pays une alternance démocratique. J’ai reçu du peuple camerounais un mandat clair que j’entends défendre fermement jusqu’au bout. J’invite le président de la République sortant à organiser les conditions d’une transition pacifique du pouvoir afin de mettre le Cameroun à l’abri d’une crise post-électorale dont notre pays n’a nullement besoin».

Ce que d’aucuns qualifient de malheureuse sortie de piste provoque un tollé. Et vaut toutes sortes de joyeusetés au candidat du MRC. Pour Joseph Owona, qui ne s’explique pas cette réaction de la part un juriste de la trempe de Maurice Kamto, il est clair que «le politique a déshabillé l’agrégé». L’ancien ministre et agrégé des universités assimile l’acte de son ancien étudiant à la démarche de Mussolini ou d’Adolf Hilter. A ce concert de condamnations, le candidat du SDF joint sa voix. Celle de Joshua Osih à RFI est toute en nuance: «Il est important de comprendre qu’une élection est d’abord un exercice démocratique qui s’inscrit dans les textes en vigueur et qui devraient être respectés par toutes les parties (…). Il faut que les Camerounais sachent qu’il y a une loi, même si elle est mauvaise, elle doit être respectée ».

Ce n’est pas à Maurice Kamto, juriste de haut vol, qu’on rappellerait ce principe démocratique. Mais il est manifestement déterminé à aller au bout de sa logique. Après la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, il publie une vidéo d’environ 12 minutes sur les réseaux sociaux. Dans celle-ci, il soutient que «on ne peut pas, aujourd’hui, sur la base des résultats sortis des urnes le 7 octobre, proclamer M. Paul Biya vainqueur de cette élection».

Maurice Kamto reste imperturbable dans sa revendication qui ne s’appuie pas sur des preuves intangibles qu’il n’a pas pu produire devant le Conseil constitutionnel. Il s’obstine à revendiquer une victoire qu’il sait pourtant, dans son for intérieur, hors de sa portée. «Vous m’avez confié la conduite des affaires de la nation pour le prochain septennat. (…) Le peuple camerounais a porté son choix majoritairement sur mon humble personne».

Aveuglé par une soif inextinguible du pouvoir suprême, il poursuit : «La coalition et moi même continuons dès lors de revendiquer ma victoire à cette élection conformément à la vérité des urnes au soir du 7 octobre 2018. (…) Au regard de ce qui précède, nous rejetons solennellement et catégoriquement ces résultats fabriqués et refusons de reconnaître la légitimité du chef de l’Etat ainsi désigné par ses obligés et non par les électeurs camerounais ».

Il met cependant un bémol à sa logique insurrectionnelle : «Nous utiliserons tous les moyens de droit pour faire rétablir la vérité des urnes». Il sait pourtant que son option n’a que très peu de chance de prospérer, au regard de la faiblesse de ses arguments. Sa démarche est davantage fragilisée par la sortie du candidat du SDF. Dans une déclaration rendue publique mardi 23, Joshua Osih lui fait un pied de nez : L'information claire et nette. «Ce jour, je prends acte que le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats de l'élection présidentielle du 7 octobre 2018, malgré toutes les preuves d’irrégularités et une volonté manifeste de marginaliser les populations des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le vainqueur de cette élection est le candidat Paul Biya.» Mû par « n esprit républicain et citoyen», il adresse ses félicitations à tous les candidats à «cette extraordinaire élection qui a définitivement marqué un tournant dans la vie politique de notre pays. Comme je l'ai dit au président du Conseil constitutionnel, plus rien ne sera comme avant !»

C’est le même esprit qui le guide quand il précise «au président Paul Biya que les sentiments partisans doivent laisser place au patriotisme et dans cette démarche, M. le président de la République, je vous prie d'écouter le peuple qui a besoin de paix et de réconciliation, de travail et surtout de retrouver la patrie». Sans ambages, il prévient : «Si nos idéologies et nos croyances nous opposent, il faut savoir qu’il y a plus grand que les partis politiques, il y a le Cameroun. J'émets l'espoir que cette élection, M. le Président, aura été un point marquant pas seulement pour le peuple camerounais, mais aussi pour vous. Je reste persuadé que l'immense chantier de la construction d’une nation unie dans sa diversité, forte dans son identité, prospère et solidaire devrait, à mon humble avis, être votre priorité parce que cette élection nous a aussi démontré la fragilité d'une nation bâtie par décret dans laquelle de faux, mais très dangereux, replis identitaires sont trop souvent utilisés.»

C’est alors que, de manière implicite, Joshua Osih semble s’adresser à Maurice Kamto : «L'élection est venue et elle a pris fin. A ceux qui veulent une prolongation, que celle-ci soit l'occasion pour obtenir des institutions honorables, fortes et démocratiques et non pour tel ou tel autre candidat, parce que lorsqu'on considère qu'une élection a été imparfaite, alors elle l'a été pour tous les candidats ou presque.» Le porte étendard du MRC note que ce « chantier est intemporel et non partisan, il est fondamentalement nécessaire et nécessite aussi et surtout une révolution de nos mentalités et une approche plus inclusive. » C’est à son sens le défi le plus noble pour lequel il «continuera à se battre pour vous depuis l'opposition. La vraie.»

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