L’arrestation de son partenaire dans les négociations avec Boko Haram annonce des lendemains difficiles pour le député Rdpc du Mayo-Sava.

On le dit inquiet et pris de panique. Une certitude : l’homme qui avait pris de l’assurance au lendemain de la libération de la famille Moulin-Fournier en avril 2014, est désormais un suspect épié. Qui cherche son salut dans la discrétion. Qui veut passer inaperçu, tant les regards qui se projettent sur lui sont perçants. «L’arrestation d’Abdallah Adamou, en fin de semaine dernière, a été un coup dur pour lui.

Ils sont très proches, pas seulement dans les négociations pour la libération des otages détenus par Boko Haram, mais également dans la vie. A présent, dire que l’élu du peuple ne redoute pas que son colistier ne le précipite dans sa chute, est pure baliverne», explique un ami de l’honorable Abba Malla, député Rdpc du Mayo-Sava qui, avec Abdallah Adamou, est l’un des deux négociateurs camerounais pour la libération des otages expatriés enlevés par Boko Haram.

Son entourage s’attend donc à ce qu’il défère, à brève échéance, à une convocation des enquêteurs. Problème, il jouit d’une immunité parlementaire. Pour la lever, il faudra nécessairement passer par l’Assemblée nationale où trône son ennemi intime, Cavaye Yeguié Djibril. «D’ordinaire, ce genre d’initiative vient de la présidence de la République où, comme le député Abba Malla l’a toujours déclaré, il dispose de puissants appuis. Il aime à dire que la libération des otages est une affaire d’Etat, avec ses secrets d’Etat, et qu’il n’aura pas à aller s’épancher publiquement devant la justice pour évoquer ces moments de l’Histoire», poursuit un de ses collègues de l’Extrême-Nord. Bien que les nuages s’amoncellent sur sa tête, Abba Malla garde néanmoins un mince espoir d’échapper aux enquêteurs.

L’arrestation du sulfureux Abdallah Adamou, qui tutoyait les gros bonnets du pays, témoigne cependant d’un revirement à 90° des autorités. «Pour s’assurer de certaines déclarations d’Abdallah qui est quand même soupçonné d’être impliqué dans des actes terroristes, l’audition de l’honorable Abba Malla est plus qu’indispensable. Il faut bien comprendre la chaîne qui s’est mise en place après l’enlèvement de la famille Moulin-Fournier : Abdallah explique au député qu’il peut faire quelque chose, le député en parle au vice-Premier ministre
Amadou Ali, et celui-ci obtient de la présidence de la République le ok pour tester la piste.

Abba Malla est, si vous voulez, au départ, son officier traitant avant qu’ils ne fassent finalement équipe ensemble. La question est donc de savoir si le député a suivi son poulain dans sa dérive maffieuse », explique une source introduite. Mieux, les auditions des deux négociateurs ne devraient pas seulement renseigner sur la gestion opaque des rançons, désormais à l’origine de fortunes subites, mais aussi sur une meilleure connaissance des Camerounais qui jouent un rôle dans la secte terroriste Boko Haram.

INTERROGATIONS

Qu’adviendrait-il si Abdallah Adamou se murait dans un silence pesant, ou, pis, commençait à balancer ? Jusqu’où pourrait aller l’enquête ? Qui était au courant de ce que les négociateurs camerounais avaient «un pied dedans, un pied dehors» avec Boko Haram ? En clair : qui savait quoi ? Et qui ne savait pas ? Des signaux avaient pourtant tiré la sonnette d’alarme, à l’exemple de l’arrestation du fils du député Abba Malla, en novembre 2014.

«C’est le dispositif de localisation des véhicules utilisés par les Chinois à Waza qui a trahi Abdoulaye, son rejeton. L’on a retrouvé en sa possession un pickup, emporté pourtant par les terroristes de Boko Haram qui avaient enlevé les Chinois à Waza en mai 2014. Cela fait bizarre que le fils du négociateur se retrouve en possession d’un véhicule censé être entre les mains des ravisseurs. De plus, Abdoulaye et Abdallah sont liés parce que leur champ de prédilection reste la vente de véhicules.

Avant de faire fortune dans la libération des otages, Abdallah Adamou était le plus grand vendeur de véhicules douteux que la région de l’Extrême-Nord ait connu», révèle une source introduite. Autant dire que pour Abba Malla, l’heure de vérité a sonné. Ce n’est pas seulement sa survie politique qui est menacée, c’est désormais sa liberté.