Canada-Cameroun, In memoriam: Sanguis meus lacriman quia captus Serge Tchaha par Dr Vincent-Sosthène FOUDA
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Canada-Cameroun, In memoriam: Sanguis meus lacriman quia captus Serge Tchaha par Dr Vincent-Sosthène FOUDA

Tchaha a rendu l’âme à 15h heure du Cameroun,(le 26/10/2015,ndlr) on soupçonne un avc. Voilà le texto que j’ai reçu sur mon téléphone. J’ai connu Serge comme étudiant à l’université Laval en 2002, avec un autre étudiant camerounais il s’est inscrit au cours d’introduction à la sociologie africaine que je dispensais. Il était je crois en deuxième année de son baccalauréat en finances. Puis il est devenu un ami, il venait assez régulièrement me voir dans cette petite communauté de Camerounais et d’Africains que nous formions alors dans la ville de Québec. A la fin de son baccalauréat, alors qu’il avait la possibilité d’obtenir une place dans une banque de la place, il est venu m’annoncer qu’il voulait travailler dans une association d’intégration des migrants ! A dire vrai, je ne savais pas quoi dire, il s’était ouvert à moi, je ne savais pas s’il voulait un conseil – je n’ai pas pu le lui donner. Il a pris son travail cet été là – puis il a préparé son MBA et l’a obtenu le 31 janvier 2009. A mon domicile nous avons offert un vin d’honneur sur les hauteurs de Sainte-Foy.

Entre temps, nous avions travaillé pour un ouvrage collectif qui lui tenait à cœur, Ce que sera l’Afrique dans 50 ans ! Elle le sera désormais sans lui. J’ai donc découvert sa plume, ses articles ou commentaires dans Afrique Expansion, toujours clairs et précis, qu’il publiait régulièrement dans ces colonnes sur des questions souvent très pointues étaient, je le sais, appréciés des lecteurs. Serge a cultivé la modestie, il a été dans la vie, il l’a effleurée plus que vécue – il l’a aimée sans véritablement la côtoyer. Brillant étudiant de l’université Laval, j’ai relu son mémoire de fin d’étude, dont l’exceptionnelle qualité avait été saluée par tous les membres de son jury. Ironie du sort, Grégoire disparaît sans voir paraître cet essai alors qu’il y a seulement deux jours je lui disais que c’est important d’y songer, d’y penser.

Serge a écrit comme on dit à Québec, trois volumes, coauteur de deux volumes et directeur d’un volume. Son ouvrage au monde de la science est à l’image de l’homme : brillant, érudit, élégant, d’une intelligence lumineuse. Il ne connaissait pas l’Europe, avait une fascination pour la Chine et l’Amérique, voulait les marier à l’Afrique mère et le disait à qui voulait l’écouter. Je perds de mon intelligence à vouloir témoigner de cet homme pluridimensionnel et j’appelle à votre indulgence – je voudrais avoir des dates des événements précis mais la douleur qui m’accable refuse toute pensée et toute rigueur à ce témoignage. Son dernier ouvrage sur la francophonie, je crois a été préfacé par le Président Abdou Diouf, il y offre une étude magistrale et très originale de l’une des notions les plus importantes du droit privé et de l’économie, dont on ne peut que recommander la lecture. Il n’est pas sorti de l’ouvrage que nous avons coédité, cette projection de l’Afrique dans 50 ans – on peut voir ici une savante analyse structurale de l’obligation que propose cet ouvrage dernier – Serge parle de coopération, d’influence culturelle, d’action directe, de compensation, de confusion et surtout de développement d’une Afrique enfin indépendante mais vivant avec les autres. Il y livre son âme et le fruit de sa longue maturation intellectuelle. Serge est venu me dire, « je vais back au pays, je vais bosser avec mon oncle, il faut que j’ai les côtes solides pour

l’avenir… » Serge a embrassé le journalisme qu’il a tant aimé, il n’a pas quitté l’université voilà pourquoi Forbes lui a ouvert ses portes. Il écrivait comme un enseignant, en y mettant beaucoup de pédagogie. Ce n’est pas une formule de style pour moi. Serge aimait le football, il a été fou amoureux de Zidane dont il a longtemps porté le maillot, puis rationnellement disait-il il a découvert Eto’o. Serge a été un danseur, au fond de moi j’ai tant souhaité qu’il m’apprenne ces pas de danse qui faisaient de lui le roi de nos petites soirées. Serge a été un bon cuisinier, dans les cuisines des résidences universitaires, il était là pour donner un coup de main aux filles, il était avec elles sans être en elles et je me demande aujourd’hui pourquoi il a été si… (Je ne trouve pas le mot) je choisis ascète ! Serge Tchaha n’a pas eu le temps de commencer son travail sur terre au regard de ses nombreux talents. Vous jeunes qui m’interrogez assez souvent, qui me demandez un conseil, je vous offre l’exemple à suivre, suivez-le longtemps et pour une fois osez aller jusqu’au bout de la vie.

Serge tu n’as pas eu le temps de finir un article intitulé dont tu m’as encore parlé ce matin in-box et que la pudeur m’interdit à présent de rendre public ! Tu laisses des centaines d’amis inconsolables, je ne voudrais pas les citer de peur d’en oublier les plus importants dans ton cœur. Serge tu n’as pas eu le temps d’imaginer tous ceux qui auraient dû suivre, pas eu le temps d’achever le roman que tu avais commencé, pas eu le temps d’avoir le temps pour toi. L’horloge s’est arrêtée trop tôt. Reste que la mesure d’une vie, ce n’est pas une horloge, c’est le contenu de cette vie, selon la belle formule de l’écrivain helvète Ludwig Hohl, et, à cette aune, il n’est pas trop tôt pour dire que Serge Tchaha était un grand journaliste comme Stéphane Tchakam (ST) qu’il était un grand économiste disciple de Jean Tirole et à ce titre, mon vœux est que tes travaux soient rendus public. Serge je me refuse de te dire Adieu ni A Dieu. Serge comme je voudrais retirer ce que j’ai dit ce matin, trois heures avant ce tragique événement, j’ai parlé de ta mort, de notre présence à tes obsèques ! De ta bière avec d’autres dont je ne souhaite pas prononcer le nom à cet écrit… Serge !

© Correspondance : Dr Vincent-Sosthène FOUDA

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