Cameroun, Nominations: Atangana Eteme Emeran "La nomination doit rechercher l’efficacité et non l’imposture"
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Cameroun, Nominations: Atangana Eteme Emeran "La nomination doit rechercher l’efficacité et non l’imposture" :: CAMEROON

L’expert en droit public, diplômé de l’Académie internationale de droit constitutionnel de Tunis et administrateur civil principal à la retraite explique la philosophie de la nomination.

Qu’est-ce que le pouvoir de nomination?

La nomination représente une des prérogatives essentielles de tout pouvoir exécutif.Et c’est Talleyrand qui disait que la nomination est l’art de mettre les hommes à leur place et que c’est le premier, peut-être, dans la science du gouvernement. Dans son acception juridique la plus générale, la nomination, est l’acte administratif par lequel l’autorité compétente désigne l’agent appelé à occuper un emploi déterminé. Comme toute édiction d’acte juridique, la nomination est prise par une autorité en vertu d’un pouvoir, ou plutôt d’une compétence que le constituant (ou, par délégation, le titulaire initial du pouvoir) lui a confiée. Cette prérogative royale à l’époque en France, a été transmise, par-delà la Révolution française, au nouveau régime constitutionnalisé en 1791 et, avec lui, de proche en proche, à la Ve République. Il faut dire qu’à l’origine, le pouvoir de nomination échu à l’exécutif royal se cantonnait à la désignation des ministres, des ambassadeurs, du personnel militaire en proportion limitée et à celui de quelques emplois administratifs choisis. La formule retenue par la Constitution du 4 octobre 1958, notamment aux articles 13 et 21, semble consacrer une certaine extension du pouvoir de nomination de l’Exécutif : le président de la République et, sous réserve des dispositions le concernant, le Premier ministre nomment « aux emplois civils et militaires » de l’État. Formulation aussi vaste que laconique qui est adoptée par le constituant camerounais: «le président de la République nomme aux emplois civils et militaires» (article 8 alinéa 10 de la constitution).
Le Premier ministre nomme aux emplois civils, sous réserve des prérogatives reconnues au président de la République». (article 12 alinéa 3 de la Constitution). Toutes les nominations relèvent donc théoriquement de l’élu national qu’est le Président de la République de par l’article 8 de la constitution. Pour des raisons d’efficacité, ce dernier a délégué ce pouvoir à des autorités subordonnées. La Circulaire présidentielle du 20 août 1991 relative aux visas administratifs ainsi que la lettre-circulaire du 24 décembre 1992 du Premier ministre relative à la nomination aux postes de responsabilités, ont aménagé le circuit des nominations au Cameroun. D’abord, la circulaire présidentielle prévoit que les chefs de services et assimilés, les sous-directeurs et assimilés, sont nommés par arrêté du ministre utilisateur, après visa du Premier Ministre. Les Directeurs et assimilés sont nommés par décret du Premier ministre, après approbation du Président de la République. Je dois préciser que les textes organiques de chaque Ministère déterminent dans leurs dispositions diverses et finales, les rangs et prérogatives de chaque responsable, dans l’optique de savoir quelle est l’autorité revêtue du pouvoir de nomination. 

Dans ces conditions, qui nomme qui?

Aux termes de l’article 9 du décret du 09 décembre 2011 portant organisation du gouvernement, Le président de la République nomme par décret:
-le Premier ministre;
-les membres du gouvernement et assimilés ;
-le Grand chancelier des ordres nationaux ;
-les ambassadeurs itinérants ;
-les gouverneurs de Régions ;
-les Ambassadeurs et représentants permanents ;
-les conseillers spéciaux à la Présidence de la République et dans les services du Premier ministre ;
-les conseillers techniques, les chargés de mission et les attachés à la présidence de la République et dans les services du Premier ministre ;
-les directeurs et assimilés de la présidence de la République et dans les services du Premier ministre ;
-les secrétaires généraux, les directeurs généraux, et les inspecteurs généraux des ministères ;
-les recteurs, les Vice-recteurs, les secrétaires généraux, les doyens et les chefs d’établissement dans les universités d’Etat ;
-les inspecteurs et contrôleurs d’Etat ;
-les directeurs et assimilés des services rattachés à la présidence de la République ;
-les secrétaires généraux des services de gouverneurs de Région et les inspecteurs généraux des services régionaux ;
-les préfets et sous-préfets ;
-les présidents des conseils d’administration, directeurs généraux et directeurs adjoints, directeurs et directeurs adjoints des entreprises publiques et parapubliques et les établissements publics, lorsque les textes organiques en disposent ainsi.

Par arrêté :
-les directeurs adjoints et assimilés de la présidence de la République et des services rattachés ;
-les chefs de service et assimilés de la pré- sidence de la République et des services rattachés. 

Et le Premier ministre alors?

Le Premier ministre nomme par Décret:
-les directeurs et assimilés des administrations centrales placées sous son autorité, après approbation du président de la République ;
-les conseillers en organisation administrative, après approbation du président de la République.

Il nomme par Arrêté:
-les directeurs adjoints et assimilés dans les services du Premier ministre, après approbation du président de la République ;
-les chefs de services et Assimilés dans les services du Premier ministre ;
-les chefs de secrétariat particulier des ministres ;
-les collaborateurs de gouverneurs de Régions, les adjoints préfectoraux et les adjoints aux sous-préfets, après approbation du président de la République ;
-les chefs traditionnels du premier degré, après approbation du président de la République.

Les ministres nomment par arrêté :
-les sous-directeurs et assimilés, les délé- gués régionaux, les chefs de services centraux, régionaux et départementaux, les conseillers assistants en organisation administrative, après visa du Premier
ministre.
Il nomme par décision :
-les chefs de bureau et Assimilés des services centraux et régionaux. 

Que dire de la nomination au Cameroun?

Derrière le pouvoir de nomination conféré à l’exécutif, se cache une réalité infiniment plus complexe : simple entérinement (pouvoir formel de nomination) ou capacité concrète de suggérer un nom, de désigner une personne (pouvoir substantiel de nomination), ce pouvoir peut aussi, en bien des cas, se révéler purement discrétionnaire. Or, la répartition de ces compétences au sein de l’exécutif est loin d’être évidente : entre l’analyse juridique (déconcentration de ce pouvoir au profit des autorités subordonnées) et l’analyse politique (possibilité pour la dyarchie de s’arroger un pouvoir substantiel de nomination), seul le pouvoir d’évocation du président de la République met fin à toute supputation.

Pourquoi ne pas le dire tout de suite, la répartition du pouvoir de nomination, n’est pas anodine, car au pouvoir de nomination sont attachées d’importantes fonctions juridiques ou politiques, si bien que, le posséder, c’est exercer, semble-t-il, un véritable pouvoir de patronage. Voilà qui ouvre un pan des intérêts qui charrient ce pouvoir et fait valser les ministres qui se plaignent du paternalisme de la primature dans les nominations tandis que les agents publics, accusent leurs ministres de favoritisme dans le choix des hommes et des femmes.

En tout état de cause, les nominations doivent rechercher l’efficacité, sinon,elles débouchent sur la fabrique des imposteurs et la constitution d’une élite incompétente.Surtout dans un système qui a commis l’imprudence de confier son sort, de manière quasi exclusive aux hauts fonctionnaires et contractuels d’administration qui appliquent au quotidien «l’économie administrée», sans voir qu’autour d’eux, le monde change. Comme un mauvais virus, ils ont transmis la peur de l’économie de marché et de l’entreprise à l’opinion publique.

Le résultat c’est le mal vivre et l’imposture. L’imposture qui fait prévaloir la forme sur le fond, qui valorise les moyens plutôt que les fins, qui préfère l’audience au mérite, opte pour le pragmatisme avantageux plutôt que pour le courage de la vérité, choisit l’opportunisme de l’opinion plutôt que de tenir bon sur les valeurs, pratique l’art de l’illusion plutôt que de s’émanciper par la pensée critique. Voilà le milieu qui est le terreau de l’imposture. Que faire dans ces conditions?

Einstein disait: On ne peut pas résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés

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