Ils défendent les droits humains au péril de leur vie
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Les avocats Nkongho Felix Agbor Balla, Alice Nkom…Jean Claude Fogno, Charlie Tchikanda et Maximilienne Ngo Mbé ne renoncent pas…

Le Cameroun n’a pas encore formulé de loi pour la protection des défenseurs des droits humains comme le propose la Résolution 53/144  de l’Organisation des  Nations  Unies(Onu) sur la question.

La situation sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest n’est guère reluisante en ce début du mois de juillet 2021. Avocat au barreau du Cameroun et leader d’une organisation de défense des droits humains dénommée en anglais Center For Human Right en Justice In Arica (Chrda), Me Nkongho Felix Agbor Balla , ne cache pas son indignation dans un post diffusé sur la toile il y a quelques jours. « Lorsqu'une révolution assassine ceux qu'elle est censée protéger, lorsqu'une révolution commet des crimes et décapitations atroces et horribles pendant que les leaders ne condamnent pas de tels actes, alors, aussi bien la révolution que le commandement est en erreur. Nous avons des doléances légitimes mais décapiter nos frères ne peut être une justification suffisante pour la révolution.
Je me lamente pour cette lutte. Comment en sommes nous arrivés à ce niveau de monstruosité? Il est impératif de repenser cette révolution », écrit-il. Il dénonce les groupes armées qui se battent pour la sécession. C’est avec une ardeur similaire qu’il critique les exactions causées par les forces gouvernementales à l’endroit des civils dans les deux régions sinistrées. « Chaque jour nous recevons des menaces de différents groupes armés ou des forces gouvernementales. Nous restons froids dans la rédaction de nos rapports ou au niveau de l’expression de nos dénonciations. Le défenseur des droits humains n’a pas de parti pris. Il travaille pour la préservation de la dignité humaine, même au risque de sa vie. Il doit être extrêmement prudent et travailler en réseau afin que les autres organisations ou militants de défense des droits humains soient au courant des menaces orchestrées contre sa personne », explique-t-il.

Dénoncer les exactions d’où qu’elles viennent

Et il  n’entend pas reculer. Car il fait partie des figures fortes de la société civile dans les deux régions anglophones du Cameroun. Juste avant le conflit armé déclenché par des mouvements sécessionnistes communément appelé « ambazoniens », cet avocat et plusieurs autres acteurs de la société civile ont été embastillés à la prison centrale de Yaoundé pour avoir, courant 2015-2016, au nom du consortium de la société civile, revendiqué de meilleures conditions de travail pour les enseignants et les avocats dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Venu à Bafoussam le mois d’avril  dernier pour animer un séminaire portant, entre autres, sur les mécanismes de protection des défenseurs des droits humains, il a fait savoir à l’assistance constituée principalement de journalistes et d’avocats que son quotidien, en qualité de défenseur des droits humains, surtout dans les zones en conflit armé comme celles  du Nord-Ouest et du Sud-ouest, est constitué de multiples attaques venant des forces de défense et de sécurité ou des groupes séparatistes armés dénoncés pour des exactions qu’ils commettent contre les populations civiles.

Directeur de la ligue des droits et des libertés à Bafoussam, Charlie Tchikanda est lui aussi victime de menaces. « Je défends régulièrement les commerçants face aux abus de l’administration fiscale. A ce sujet, je reçois des menaces orchestrées par les responsables régionaux des impôts. Ils ne cessent de m’accuser d’encourager l’incivisme fiscal. Lorsque je défendais les minorités Mbororos contre les abus fonciers de Victor Fotso à Tchada II Baleng, le préfet de la Mifi de l’époque, Baba Ngamdji, a plusieurs fois indiqué qu’il allait me faire interpeller, au motif que je ne disposais d’aucun mandat pour parler au nom des minorités Mbororos », soutient-il.

Défenseur des droits humains basés dans la ville de Foumbot, Mama Moulioum est régulièrement tancé par les gendarmes et policiers de la place. « Ils m’empêchent de causer avec les victimes des abus et des détentions illégales. Ils menacent de me  faire enfermer si je m’entête à vouloir foutre mon nez dans les affaires de garde à vue ou de détention abusive », affirme-t-il. Au niveau de la ville de Yaoundé, Jean Claude Fogno de Mandela Center est constamment épinglé par des magistrats et officiers de police judiciaire pour ces dénonciations. Il n’y a pas que les rebelles ou les forces armées à menacer les défenseurs des droits humains. Des « gens ordinaires » n’hésitent pas à le faire aussi. Me Alice Nkom, avocate au barreau du Cameroun, et Maximilienne C. NGO MBE, Directrice exécutive du  Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), ont, pour avoir défendu des présumés homosexuels, il y a moins de trois mois, été menacés par une bonne frange de l’opinion publique. « Nous avons reçu des coups de fils anonymes. Nous sommes victimes de harcèlement et menaces par  voie cybernétique. On nous promet la mort parce que nous avons défendu les droits des personnes présumées homosexuelles », soutient la responsable du Redhac.

« Ceux là qui noircissent l’image du pays »

Du côté des pouvoirs publics, on met en avant la partialité des défenseurs des droits humains. « Ils sont passionnés et partiaux dans leurs rapports. Parfois, ils exagèrent dans l’énumération des faits. Ce qui nous étonne c’est qu’ils ne dénoncent jamais lorsque des hommes en tenue sont assassinés. Cette exclusion des hommes en tenue comme des potentielles victimes nous poussent à être méfiants vis-à-vis de ceux là qui noircissent l’image du pays en matière de droit de l’homme », soutient une source proche des milieux de la gendarmerie à Bafoussam. Au niveau du parquet général de la cour d’appel de l’Ouest, un responsable du service des professions judiciaires nous fait savoir sous anonymat : « Nous traitons toutes les requêtes formulées contre les magistrats ou les auxiliaires de la justice. Si un défenseur des droits humains est victime d’ostracisme ou de menaces, qu’il nous saisisse, nous allons enquêter et en tirer les conséquences légales.» Cette démarche est-elle efficace ? Me Michèle Maffo Mbougang, avocate au barreau du Cameroun, avoue déjà eu avoir recourir à cette voie, et avec succès, pour faire rappeler à l’ordre un substitut de procureur qui lui en voulait… Charlie Tchikanda de la ligue des droits et des libertés a régulièrement recouru à cette voie via le Procureur général de la Cour d’appel de l’Ouest, pour épingler le procureur de la République près des tribunaux de Foumbot.

La responsabilité de l’Etat

Au niveau international, la question de protection des défenseurs des droits humains a été débattue le 08 mars 1999. L’Organisation des Nations Unies(Onu), au cours de son Assemblée générale, (Cinquante-troisième session, Point 110  de l’ordre du jour) a adopté la Résolution 53/144 portant Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus. Ce texte énonce en son Article premier : Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international. »L’Article 2 est plus explicite. Il dispose que : « 1.Chaque État a, au premier chef, la responsabilité et le devoir de protéger, promouvoir et rendre effectifs tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales, notamment en adoptant les mesures nécessaires pour instaurer les conditions sociales, économiques, politiques et autres ainsi que les garanties juridiques voulues pour que toutes les personnes relevant de sa juridiction puissent, individuellement ou en association avec d’autres, jouir en pratique de tous ces droits et de toutes ces libertés.2. Chaque État adopte les mesures législatives, administratives et autres nécessaires pour assurer la garantie effective des droits et libertés visés par la présente Déclaration. »

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