Présidentielle en Côte d'Ivoire : ce qu'il faut savoir du boycott actif de l'opposition
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Ce 15 octobre, Henri Konan Bédié et Pascal Affi N'Guessan appellent ensemble au « boycott actif » du « processus électoral » à deux semaines de l'élection. De quoi s'agit-il ?

À deux semaines du scrutin présidentiel ivoirien, on en sait un peu plus sur la stratégie de l'opposition. Les deux ténors Henri Konan Bédié et Pascal Affi N'Guessan ont tenu une conférence de presse ce jeudi 15 octobre, au domicile de l'ex-président, pour appeler leurs militants et électeurs à un boycott actif du processus électoral en cours. Un appel lancé alors que débute la campagne officielle pour l'élection présidentielle du 31 octobre. Comment comptent-ils s'y prendre ? Qu'entendent-ils par boycott actif ? Et dans quelle mesure sont-ils capables d'aller jusqu'au bout de leur stratégie ? Ni l'un ni l'autre n'ont toutefois pas annoncé leur retrait du scrutin à venir. Si cela arrivait, il ne resterait que deux candidats pour cette élection : le président Ouattara pour le Rassemblement des républicains (RHDP) et Kouadio Konan Bertin dit KKB, indépendant en rupture avec le PDCI.

Boycott actif, mode d'emploi

Après avoir affiché un front uni lors d'un grand meeting à Abidjan, samedi dernier, un cap a donc été franchi par l'opposition ivoirienne. Dans le sillon de la désobéissance civile, le boycott actif fait son entrée. « Nous invitons nos militants […] à mettre en application le mot d'ordre de boycott actif par tous les moyens légaux à leur disposition, afin que le pouvoir actuel consente à convoquer l'ensemble des forces politiques nationales afin de trouver des solutions acceptables à toutes les revendications » (de l'opposition), a lancé Pascal Affi N'Guessan du Front populaire ivoirien (FPI), qui s'exprimait aux côtés du patron du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Pesant chacun de ses mots, l'ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo fait jouer la carte de la légalité et du droit. Le but est d'éviter de lancer un appel qui laisserait les militants livrés à eux-mêmes et donc éviter les actes de violences ou le désordre.

Il a demandé aux militants de « s'abstenir de participer tant en ce qui concerne la distribution des cartes électorales qu'en ce qui concerne la campagne électorale », de « faire barrage au coup d'État électoral que le président Alassane Ouattara s'apprête à commettre », et d'« empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin ».

Concrètement, il s'agit pour les partisans de l'opposition d'empêcher « le convoyage et la distribution de tout matériel électoral », d'empêcher également « l'affichage électoral » ou encore « les meetings de campagne ». Le mot d'ordre touche aussi la « distribution et le retrait des cartes d'électeurs ».

L'opposition, qui laisse planer le doute sur un boycott de l'élection présidentielle depuis des semaines, réclame depuis des mois : une réforme du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale indépendante, « inféodés » au pouvoir, selon elle. « La CEI [Commission électorale indépendante, NDLR] est à l'heure actuelle monocolore puisque l'opposition n'y siège pas [et] est caduque parce que la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, par des arrêts, a indiqué clairement que cette CEI ne répond pas aux critères internationaux et qu'elle doit être réformée avant toute élection » a une nouvelle fois souligné Pascal Affi N'Guessan, qui a gardé la parole tout au long de la conférence de presse.

Dans tous les cas, les leaders de l'opposition estiment que le président Ouattara n'a pas le droit de se présenter à un troisième mandat et conteste le rejet des candidatures de poids lourds de la politique ivoirienne, notamment celles de l'ancien président Laurent Gbagbo et de l'ancien chef rebelle et ex-premier ministre Guillaume Soro.

Le dévoilement de cette stratégie survient dans un contexte tendu. De nombreux observateurs redoutent une crise préélectorale ou post-électorale, dix ans après celle de 2010-2011, qui avait fait 3 000 morts et plongé le pays dans le chaos, après le refus du président Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara, qui brigue aujourd'hui un troisième mandat controversé. En effet, élu en 2010, réélu en 2015, Ouattara avait annoncé en mars qu'il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d'avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.

La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016, le compteur des mandats du chef de l'État sortant a été remis à zéro.

Une quinzaine de personnes sont mortes en août dans des violences survenues dans le sillage de l'annonce de sa candidature et des échauffourées ont eu lieu dans plusieurs localités après l'annonce par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus pour le scrutin.

Objectif, dialoguer ?

L'opposition ivoirienne a mis beaucoup de temps à trouver une stratégie commune. Tout a commencé le 17 septembre par la prise de parole de Guillaume Soro lors d'une conférence de presse organisée à Paris et lors de laquelle il a réaffirmé son intention de se maintenir dans la course de manière « irrévocable » et appelé l'opposition à s'unir. Quelques jours plus tard, le 20, Henri Konan Bédié appelle à la « désobéissance civile », rejoint deux jours plus tard par Pascal Affi N'Guessan.

Les choses s'accélèrent quelques jours plus tard, lorsque l'opposition tient un premier grand meeting au stade Houphouët-Boigny devant plusieurs dizaines de milliers de personnes le 10 octobre, pour présenter un front uni contre Alassane Ouattara. Principal fait marquant, l'appel de Bédié lancé au secrétaire général des Nations unies de « se saisir du dossier ivoirien pour la mise en place d'un organe électoral indépendant crédible avant l'élection présidentielle ».
Alors que la campagne a débuté ce jeudi, dans la capitale, des affiches du président Ouattara avec le slogan « Le meilleur » décliné sous plusieurs formes, « Pour la Côte d'Ivoire », « Pour les jeunes », « Pour les fonctionnaires », ont fait leur apparition sur des panneaux publicitaires, selon l'Agence de presse française. Aucune affiche de l'opposition, dont les membres répètent inlassablement « Non au 3e mandat », n'était visible en revanche d'après la même source. Un autre signe qu'elle pourrait se retirer de la course ? Rien est moins sûr, car en prenant la parole ce jeudi, HKB et Pascal Affi N'Guessan ont bien pris soin de ne pas annoncer leur retrait du scrutin présidentiel. L'objectif ? Ne fermer aucune porte et notamment celle du dialogue. En effet, depuis plusieurs semaines, de nombreuses voix s'élèvent pour repousser l'échéance et organiser un dialogue national politique qui permettrait d'apaiser le climat actuel.

Signe de l'inquiétude générale, la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), l'Union africaine (UA) et l'ONU ont dépêché une mission sur place qui a exprimé sa « vive préoccupation », soulignant que « les discours de haine aux relents communautaires se sont malheureusement invités dans le champ de la compétition politique ». L'organisation de prévention des conflits International Crisis Group (ICG) préconise, elle, « un court report de l'élection » qui « offrirait une chance […] d'apurer le contentieux qui rend improbable l'organisation d'une élection apaisée et transparente le 31 octobre ».

En attendant, la participation des 7,5 millions d'électeurs de ce pays de 25 millions d'habitants, premier producteur mondial de cacao, sera une des clés de l'élection. De nombreux observateurs craignent une forte abstention dans un pays où l'âge médian est de 18,7 ans alors que les deux principaux candidats dominent la scène politique depuis 30 ans.

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