Djeukam Tchameni « Le droit de manifester pacifiquement est un droit inaliénable »
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CAMEROUN :: Djeukam Tchameni « Le droit de manifester pacifiquement est un droit inaliénable » :: CAMEROON

Le leader national du Mouvement pour la Démocratie au Cameroun et l’Interdépendance en Afrique (MDI) analyse la dernière actualité au Cameroun et exprime sa position sur les marches blanches du 22 septembre dernier initiées par le MRC. Il évoque par ailleurs les lois du Cameroun ainsi que les conventions internationales dûment ratifiées par notre pays. Lesquelles, dit-ils, reconnaissent aux citoyens et aux organisations politiques et celles de la société civile le droit inaliénable de manifester pacifiquement. Selon Djeukam Tchameni, en violant constamment ce droit élémentaire, le régime Biya se fait remarquer une fois de plus comme un Etat voyou qui ne respecte ni ses propres textes ni les engagements internationaux auxquels il a librement souscrit. « Nous trouvons scandaleuse la restriction illégale de la liberté de mouvement à laquelle le Professeur Maurice Kamto est soumis et nous demandons qu’elle soit levée immédiatement sans conditions », exige-t-il. Non sans demander en outre la libération de toutes les personnes arrêtées avant, pendant et après les manifestations pacifiques du 22 septembre dernier.

Le président du Mrc le professeur Maurice Kamto a lancé le 22 septembre dernier un mot d'ordre de marches pacifiques qui se sont terminées par des arrestations massives et lui-même séquestré à son domicile: quelle est la lecture que vous faites de cette actualité ?

Le Mouvement pour la Démocratie au Cameroun et l’Interdépendance en Afrique (MDI)et le Réseau des Organisations de la Société Civile (ROC) ont par ma voix exprimée leurs positions sur les marches du 22 septembre dernier initiées par le MRC. Les lois du Cameroun ainsi que les conventions internationales dûment ratifiées par notre pays reconnaissent aux citoyens et aux organisations politiques et celles de la société civile le droit inaliénable de manifester pacifiquement. En violant constam- ment ce droit élémentaire, le régime Biya se fait remarquer une fois de plus comme un Etat voyou qui ne respecte ni ses propres textes ni les engagements interna- tionaux auxquels il a librement souscrit. Nous trouvons scandaleuse la restriction illégale de la liberté de mouvement àla- quelle le Professeur Maurice Kamto est soumis et nous demandons qu’elle soit levée immédiatement sans conditions. Nous demandons en outre la libération de toutes les personnes arrêtées avant, pen- dant et après lesmanifestations pacifiques du 22 septembre. Je tiens à rappeler à ce gouvernement aveugle et sourd que c’est son entêtemen tà refuser le droit des citoyens à la manifestation pacifique dans le NOSO qui a été le facteur déclencheur de la guerre. Ceux qui rendent le changement pacifique impossible porteront la responsabilité de la violence qui accompagnera l’inéluctable évolution de l’Histoire.

L'on se souvient qu'il y a eu un début d'entente entre Maurice Kamto et vous au sujet d'une éventuelle plateforme d'une opposition et de la société civile bien coordonnée pour des actions com- munes: où en êtes-vous avec les négociations ?

Le 8 septembre 2020, une délégation du MDI conduite par moi s’est rendue au siège du MRC pour discuter avec le professeur Maurice Kamto et ses conseillers du projet de construction d’une large coalition regroupant partis, associations et personnalités autour d’objectifs consensuels et d’un plan d’action élaboré et mis en œuvre ensemble. Nous nous sommes promis de nous revoir dans les prochains jours pour continuer les discussions. Avant même notre rencontre, le MRC avait dès le 24 aout, lancé une initiative unilatérale qui s’est concrétisée par la manifestation du 22 septembre avec 3 ou 4 organisations qui ont adhéré à cette initiative.

Les arrestations et autres violations de droits de l’homme qui s’en sont suivies ont quelques peu retardée, sans arrêter pour autant les négociations en cours.

L’on remarque que seules 4 ou 5 organisations ont officiellement lancé l’appel à la manifestation du 22 ; or plus d’une vingtaine d’organisations sont en pourparlers pour la construction de la large coalition.Y ‘aurait-il anguille sous roche ?

Pas vraiment. Il y a plutôt une question de timing. Il faut reconnaitre toutefois qu’en matière de construction de coalition, deux conceptions existent:Uneconception prône une coalition autour ou derrière un leader charismatique ou un parti politique fort qui en tant que locomotive prendrait l’essentiel des initiatives et appelleraient les autres forces à y adhérer en tant que wagons. L’autre conception propose une coalition autour d’objectifs consensuels et d’un plan d’action conçu et mis en œuvre ensemble au nom de la Coalition. Les 4 organisations qui ont signé l’appel du 17 septembre sont favorables à la première conception. Mais la majorité des partis et associations semblent préférer une coalition autour des idées consensuelles et non autour, pour ou contre un individu ou un parti.

Les tentatives antérieures de mutualisation de forces n’ont pas prospéré. Qu’est-ce qui vous fait croire que cette fois-ci sera la bonne ?

D’abord je dois dire que l’histoire des révolutions démocratiques montre clairement que pour venir à bout d’une dictature totalitaire aussi enracinée que celle du Cameroun, il faut créer un Large Front de toutes les forces du Changement qu’elles soient des partis politiques, des associations ou des personnalités. Par ailleurs, il est inexact de dire que toutes les tentatives de mutualisation des forces ont échoué. En 1991, la Coordination des Partis Politiques et Associations a forcé le régime à laisser libre cours au multipartisme, à la liberté d’association, et à la liberté de la presse. On n’a certes pas eu la Conférence Nationale Souveraine, mais la Tripartite a obligé le régime à inscrire la décentralisation dans la constitution. Cette Coordination se transformera plus tard en union pour le Changement et infligera une défaite à Biya a l’élection présidentielle d’octobre 1992. Toutes ces avancées si minimes soient elles n’ont été possibles que par l’unification des forces du changement par-delà nos différences idéologiques et partisanes. Bien construites, les coalitions peuvent permettre des avancées significatives, mais il faut respecter les règles de l’art en la matière.

Quelles sont les règles auxquelles vous faites allusion en matière de construction d’une large coalition pour le changement au Cameroun ?

La première est que une révolution démo-cratique, celle qui permet de passer d’une dictature à la démocratie est par nature non partisane ou du moins transpartisane. La deuxième est que l’objectif de la révo- lution démocratique est de changer le cadre institutionnel et non de remplacer un président par un autre ayant les mêmes pouvoirs exorbitants. La troisième est que les objectifs de la coalition doivent être définis conjointement et non par un seul groupe. Ces objectifs doivent prendre en compte les préoccupations de tous les membres de la coalition. Quatrièmement, le plan d’action et les mots d’ordre doi- vent être conçus et mis en œuvre par toutes les parties prenantes. Cinquièmement, il ne faut jamais communiquer avant d’avoir obtenu un consensus au sein de la coalition et la coalition doit se faire au nom de la coalition. Ces règles ne visent pas à satisfaire les égos surdimensionnés des acteurs sociaux et politiques. Elles ont pour but de per- mettre de construire une Coalition solide qui soit le reflet des sensibilités idéologiques de tous les membres et visent ultimement à donner au Peuple une façade unie et un sens de direction qui puisse lui permettre de se mobiliser massivement.

De même le Cadre Citoyen de Concertation (C3), où en êtes-vous avec ce projet ?

Le C3 est une initiative inédite au Cameroun. Elle regroupe une vingtaine de partis politiques et une trentaine d’associations, ainsi que des personnalités d’ho- rizons divers. Aucune initiative récente n’a rassemblé autant de personnes. Le C3 joue un rôle fondamental dans notre société atomisée et en proie à tous les extrémismes. Cette méta-organisation est un cadre où les différents acteurs sociaux et politiques peuvent s’engager dans une conversation constructive qui recherche le consensus tout en respectant les différences. Après avoir identifié deux axes prioritaires à savoir le retour de la paix dans le NOSO et la rupture avec le régimenéocolonial, hypercentralise et dictatorial, le chantier principal est de constituer un Comité de Sages constitué d’hommes et de femmes crédibles qui pourraient servir de médiateurs nationaux. Ces personnes devraient avoir l’autorité morale nécessaire pour parler, écouter et se faire entendre par toutes les parties prenantes (y compris le gouvernement) aux divers conflits sociaux et politiques et rechercher des solutions camerouno-camerounaises à l’ensemble de nos problèmes. Dans les prochains jours, nous communiqueront sur les médiateurs nationaux.

Il y a un nouveau mot d'ordre de marches pacifiques qui vient lance pour le 6 octobre entre le MRC, le PAP, le MODEC- NA et bien d'autres organisations : lesdites manifestations demandent la libération des personnes arrêtées et le départ de Biya du pouvoir: quel est votre avis là-dessus ?

Pendant que le C3 se déploie avec une vingtaine de partis et une trentaine d’associations, plusieurs autres actions sont initiées par des organisations ou des regroupements d’organisations comme Stand up for Cameroon qui avec plus de 10 organisations organise depuis des années des Vendredis en noir et autres actions de terrain pour réclamer la Transition politique et le respect de droits acquis. Un regroupement de 5 organisations qui s’est constitué autour du MRC le 17 septembre et a lancé des initiatives. Dans le reste du Cameroun et dans la Diaspora, plusieurs initiatives voient le jour. Je suis personnellement solidaire de toutes les initiatives qui visent à défendre les droits humains et à promouvoir l’avancée de lasouveraineté nationale, la démocratie et la bonne gouvernance au Cameroun. Ces initiatives unilatérales ne sont pas antinomiques des démarches nécessaires qui visent les fédérer toutes ces initiatives au sein d’un large front commun. Nous devons les soutenir tout en se rappelant que le but ultime vers lequel elles doivent éventuellement converger est la constitution d’un front uni commun pour l’Alternative Patriotique.

Vous semblez plutôt optimiste alors que beaucoup désespèrent ?

Je reste optimiste car seule l’impatience est contre-révolutionnaire. Dans une révolution, on n’échoue jamais vraiment de façon définitive. Comme le disait si bien Mandela : « soit on gagne, soit on apprend ». Nous devons laisser toutes les initiatives éclore. Soit elles vont nous mener à la victoire, soit nous allons en tirer des leçons qui nous permettront de mieux faire dans l’avenir. Je recommande simplement que les uns et les autres soient plus tolérants et respectueux des opinions différentes. L’intolérance est le pire ennemi de l’unité. L’attitude qui consiste à dire que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi sont des « vendus » est enfantine. Constituer des équipes sur les réseaux sociaux pour insulter les autres acteurs politiques crée des rancœurs qui rendent difficiles les efforts de mutualisation des forces. Nous n’avons pas lutté contre le parti unique pour créer la pensée unique au sein de l’opposition. La vérité nait toujours du débat contradictoire et nous devons l’encourager au sein des forces du changement. Unité ne veut pas dire unicité. Des courants d’opinion différents traversent l’opposition, nous devons trouver l’alchimie pour les amener à travailler ensemble pour le bien commun. En tout cas, moi j’en fais ma priorité du moment. Je vois et je parle a tout le monde en vue de rassembler sur une base aussi large que possible.

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