Assemblée nationale : les députés et les lois déphasées
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L’Assemblée nationale et le Senat camerounais sont entrés en session depuis le 10 juin 2020, la deuxième session ordinaire de l’année sur les trois prévues par la loi. Que font ces représentants du peuple quand ils se réunissent pendant les 30 jours que dure la session ? Pour l’Assemblée nationale, il est de coutume qu’elle table sur les lois, et l’article 39 alinéa 1 du règlement intérieur indique que l’ordre du jour est fixé par la conférence des présidents, dont fait partie un membre du gouvernement d’après l’alinéa 2.

Et l’alinéa 4 indique que « l’ordre du jour de l’assemblée nationale comporte en priorité et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi ou des propositions de loi qu’il a accepté. Les autres propositions de loi retenues par la conférence des présidents sont examinées par la suite. » Il en est de même pour l’ordre du jour du Sénat, d’après les dispositions de l’article 23 alinéa 4 de la Constitution. Il faut déjà noter ici que c’est le gouvernement, à travers son représentant à la Conférence des présidents qui décide de la priorité des lois qui sont retenues à l’ordre du jour, et même l’ordre dans lequel elles vont être examinées.

Paravent

Pour cette session du mois de juin à l’Assemblée nationale, les priorités du gouvernement portent sur 4 projets de loi. Il s’agit du projet de loi autorisant le chef de l’Etat à signer l’adhésion du Cameroun à l’accord sur la conservation des gorilles et de leurs habitats, adopté depuis 2007 à Paris, du projet de loi visant à ratifier le protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac, de celui régissant l’activité statistique au Cameroun, et du projet de loi portant sur la ratification du statut de l’organisation pour le développement de la femme dans les Etats membres de l’Organisation de la conférence islamique. Voilà ce qui pour le moment, en juin 2020, va occuper les députés de l’Assemblée nationale. Discuter d’une loi sur l’adhésion du Cameroun à l’accord sur la conservation des gorilles et de leurs habitats. Et cela constitue une priorité pour le gouvernement, puisque d’après la loi c’est lui qui les fixe. A vrai dire quelque chose échappe au commun de mortel camerounais, quand il apprend qu’en ce moment le gouvernement a retenu que l’on aille à l’Assemblée nationale discuter de la conservation des animaux et de leurs habitats.

Pas que ce n’est pas un sujet important, mais simplement pour savoir quel problème la conservation des gorilles résout en ce moment pour les Camerounais. Le monde entier est actuellement traversé par une pandémie qui menace les équilibres socio-économiques, et qui oblige tous les pays du monde à refonder leurs lois ou en voter de nouvelles pour s’adapter. Les budgets sont déstabilisés, l’ordre social remis en question, les habitudes de vie mises entre parenthèse. N’est-ce pas le moment, pour un gouvernement, d’orienter toutes les réflexions vers la résolution d’autant de problèmes?

Les questions de fond évitées

Au lieu de cela, au peuple camerounais, rongé par l’angoisse du lendemain et inquiet face au tâtonnement dans la gestion de la pandémie à corona virus, on sert les gorilles et leurs habitats avec des accords signés en 2007, c’est-à-dire il y a 13 ans. Tout laisse simplement penser que le gouvernement est en panne d’inspiration. Avant de parler de l’habitat des gorilles, où en est-on avec l’habitat des hommes ? Dans les villes du pays, l’inquiétude envahit des habitants quand le ciel est obscurci par des nuages annonçant la pluie, ils redoutent des inondations dans leurs constructions précaires. D’autres sont menacés tous les jours de destruction pour occupation anarchique des zones non viables. Le gouvernement n’a pas encore trouvé une solution à la question du logement social dans l’ensemble.

Au-delà de l’habitat et de la pandémie à corona virus, il y d’autres questions urgentes qui attendent des solutions de l’Assemblée nationale. La question de la double nationalité par exemple. Lors du grand dialogue national tenu à Yaoundé du 31 septembre au 4 octobre 2019, la question a été soulevée avec acuité et confiée à toute une commission.

Laquelle a rendu sa copie en relevant tout le manque à gagner économique que subit le pays, du fait que ses filles et fils ne puissent plus rentrer librement au pays parce que pour des raisons de mobilités ou d’insertion social, ils ont demandé et obtenu une autre nationalité. Cela fait toujours un pincement au cœur pour un Camerounais de la diaspora, de demander un visa pour rentrer dans son propre pays, à cause de l’existence d’une loi obsolète qui annule sa citoyenneté camerounaise. Depuis le grand dialogue, l’Assemblée nationale est entrée en session en novembre 2019, elle a même été renouvelée par la suite et elle est encore en session, et un projet de loi n’est pas introduit à ce sujet.

Parmi les projets de loi également en examen pour cette session, on parle aussi de celui portant sur la ratification du statut de l’organisation pour le développement de la femme dans les Etats membres de l’Oci, la conférence islamique. Un autre déphasage par rapport aux préoccupations du moment.

Depuis des années, les Camerounais attendent l’adoption d’un code de la famille, qui apporte des solutions à de nombreux problèmes qui minent encore la famille camerounaise et détruisent le tissu social. Le statut de la veuve, de l’orphelin et autre, voilà les préoccupations essentielles et quotidiennes, qui pouvaient bien constituer des priorités pour le gouvernement.

L’autre constat amer de cette session, c’est que les nouveaux députés qui ont annoncé à coup de publicité qu’ils allaient tout bousculer dans l’hémicycle, n’ont même pas sur la table une proposition de loi. Ils se contentent d’assouvir leurs desseins, se ménager une place douillette et jouir des bienfaits psychologiques d’être appelé « honorable ». Tant pis pour vous.

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