Dérive tribale : Le ver est dans le bruit
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La haine tribale se ravive et se banalise, érigeant le pays en poudrière.

Un certain Njoya Roi, la soixantaine, qui dit appartenir à la famille royale Bamoun, sature les réseaux sociaux depuis un certain temps avec des publications dans lesquelles il impute, avec une rare irresponsabilité, aux Bulu et par extension à la grande communauté Ekang, la responsabilité de la situation actuelle du Cameroun. L’ethnie à laquelle appartient le président de la République, Paul Biya, qui, d’après lui a fait main basse sur « tous les postes de souveraineté » et sur les richesses du pays, sont par ailleurs ceux qui ont « amené le tribalisme au Cameroun » et s’acharneraient à l’entretenir.

Dans une vidéo qui date d’une semaine, le même individu justifie ses fatwas contre les Beti par le fait qu’il aurait subi des menaces de la part de deux ministres de la République qui lui reprocheraient son « soutien aux Bamiléké » (entendez son soutien à Maurice Kamto). S’il est presqu’impossible de prouver la véracité de ces déclarations, il n’en demeure pas moins que des extrémistes de tous bords sont coutumiers de tels propos – parfois même en public - qui constituent autant d’outrages aux communautés nationales.

En dépit de l’introduction dans le Code pénal, en décembre 2019, de dispositions juridiques pertinentes dont le but était de décourager la montée des discours haineux à caractère tribaliste et communautariste dans l’espace public, particulièrement dans les réseaux sociaux, ce fléau prend des proportions inquiétantes, mettant davantage en péril la paix, la sécurité et la cohésion dans une nation déjà fragilisé par la crise sociopolitique dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest qui affecte également l’Ouest et le Littoral, la lutte contre la secte terroriste Boko Haram dans l’Extrême-Nord et la circulation des bandes armées étrangères dans les régions de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord. La tournure que prend le tribalisme, le Cameroun les doit à la présidentielle d’octobre 2018 qui, plus que les précédentes, aura fortement été marquée par ce qu’il est convenu d’appeler le vote tribal, notamment dans les régions du Centre, de l’Est, du Littoral, de l’Ouest et du Sud.

Campagne électorale

L’un des cas les plus illustratifs de cette tendance : l’écrasante victoire du candidat Cabral Libii (61,60% des voix contre seulement 34,90% pour Paul Biya) dans le département du Nyong et Kellé dont il est originaire. Toujours dans le Centre et plus précisément dans le Mfoundi, Maurice Kamto, candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), avait remporté le scrutin à Yaoundé 2e et 6e, deux arrondissements où les ressortissants de sa communauté seraient majoritaires.

La région de l’Est, qui fait partie du grand Sud, n’ayant pas eu de candidat à cette élection, avait accordé 90,43% de ses voix à Paul Biya grâce à une forte implication de l’élite de cette grande aire géographique. Sans surprise, la région natale du chef de l’Etat l’a plébiscité avec un score écrasant : 92,91% de suffrages. Ces quelques exemples avaient, en réalité, été la résultante d’une campagne électorale tout au long de laquelle le discours tribal entretenu par des « groupes ethno-tribaux à tendance chauvine », aura fait écran à la réalité du pays, avait dénoncé le Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et démocratie (Manidem), dans un communiqué officiel.

Débat

Devant le Conseil constitutionnel lors de l’audience du contentieux post-électoral de élection, l’un des candidats malheureux, Maurice Kamto en l’occurrence, s’est affronté en mondovision sur la question tribale avec le ministre Grégoire Owona, qui représentait le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), Paul Biya. Depuis ce scrutin et, comme s’ils étaient investis du droit de parler au nom de leurs communautés respectives ou de les défendre, des intellectuels réels ou présumés, des leaders d’opinion connus et jadis mesurés dans leurs propos, ne cessent d’envenimer le débat.

Leurs espaces d’expression : les réseaux sociaux et même certains supports médiatiques traditionnels. De la manière la plus décomplexée qui soit, certains Camerounais vivant à l’étranger ont publiquement appelé « les leurs » à prendre les armes contre une tribu, voire à exterminer celle-ci. Beaucoup ont soutenu que les émeutes de Sangmélima d’octobre 2019, qui avaient mis aux prises des jeunes Bulu et Bamoun à la suite de l’assassinat d’un membre de la communauté autochtone, avaient été instrumentalisées par des élites du Dja et Lobo, en réactions aux attaques dont faisait l’objet la communauté Bulu.

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